Le conseil de l’administration aux médias : la curiosité d’abord
Après avoir baigné dans l’univers théorique de l’École polytechnique, j’ai eu envie de découvrir le milieu professionnel. J’ai choisi l’école des Mines en quatrième année avec la majeure de biotechnologies, car le cursus intégrait deux stages, l’occasion rêvée de voir différents secteurs et de me faire une idée de ce que je voulais faire ensuite.
Mon premier stage s’est déroulé au sein du ministère de la Santé, au bureau médicaments. Pendant six mois, j’ai rédigé un rapport sur l’impact de l’arrivée des biosimilaires sur le marché français – l’équivalent des génériques pour les médicaments biotechnologiques (type hormone de croissance).
REPÈRES
L’X apprend à fonctionner et à raisonner vite, à gérer dans l’urgence des problèmes complexes. Mais cette formation intellectuelle doit être complétée par des expériences humaines. Devenir entrepreneur, même pour quelque temps, est infiniment plus riche que tous les enseignements théoriques.
L’autre avantage, énorme, de l’X est que le diplôme donne le droit à l’erreur. On peut essayer un secteur, ne pas percer ou ne pas s’y épanouir, essayer autre chose, et toujours retomber sur ses pieds. C’est une chance unique, dont on n’a pas toujours conscience, et qu’il faut utiliser au maximum.
Bien que toujours dans le secteur public, mon deuxième stage m’a conduite dans un univers très différent : la Cour des comptes.
Là, il m’a fallu me plonger dans le fonctionnement du Fonds pour la modernisation des établissements de santé publics et privés, créé dix ans plus tôt. Suite à ce contrôle, par dérogation, j’ai présenté mon rapport et mes préconisations devant la Chambre.
Trouver l’équilibre
Ces deux stages m’avaient laissé un goût mitigé : dans le premier, j’étais livrée à moi-même sur un sujet trop prospectif pour être au cœur des préoccupations du ministère, ce qui m’a déçue ; tandis que dans le second, mise en situation de responsabilité sur un sujet brûlant, j’ai adoré.
Pour trouver l’équilibre et mieux comprendre le fonctionnement des institutions publiques, j’ai rejoint l’Institut d’études politiques de Paris, en master Affaires publiques.
J’ai apprécié la qualité des intervenants (menant tous une activité professionnelle annexe), la diversité des profils étudiants et l’ouverture d’esprit qu’on y acquiert.
Et, contrairement à mes camarades faisant leurs armes dans l’administration avant le concours de l’ENA, j’ai choisi de faire mon stage de deuxième année dans l’industrie, à la direction financière d’Areva NP.
De la fonction publique à l’industrie
La première semaine m’a mise dans le bain : je me suis retrouvée dans le sud de la France, au cœur de forges, à la découverte du procédé de fabrication du cœur d’un réacteur nucléaire. Si la partie « financière » du travail m’a beaucoup plu (la consolidation et l’actualisation de budgets est une mécanique passionnante mais vite répétitive), j’ai moins accroché sur la partie « industrielle ». Les enjeux y sont de très long terme, et je préfère ce qui va vite, les challenges au quotidien qui nécessitent réactivité et adaptation constantes.
Délaissant l’industrie lourde et la France, je me suis envolée pour Las Vegas pour devenir contrôleuse de gestion d’une usine du laboratoire Pierre Fabre. Les sables du désert ont rapidement eu raison de ma patience et j’ai continué ma mission depuis les bureaux de New York.
“ Que pouvais-je bien faire dans ma Bretagne natale?”
Pendant cinq mois, j’ai fait preuve de pédagogie et de patience auprès de mes collègues américains pour installer et leur expliquer le nouveau logiciel financier SAP.
Cette mission terminée, j’étais heureuse de retrouver ma Bretagne natale. Mais que pouvais-je bien y faire ? Je connaissais mal les entreprises locales et ne voyais pas pourquoi elles auraient été intéressées par mon profil.
J’ai alors eu l’idée d’aller à leur rencontre, en tant que consultante
Devenir entrepreneuse
Surfant sur le nouveau statut d’auto-entrepreneuse, j’ai créé Ecoboust, un cabinet de consulting en stratégie et organisation pour PME-PMI. Un mois plus tard, je débutais ma première mission. Mon parcours, ma détermination étonnaient, la presse locale s’en est fait l’écho et les chefs d’entreprise, intrigués par ma démarche, m’ont volontiers ouvert leurs portes.
Travailler à Quimper, une expérience humainement très riche.
© THOMATHILDE23 – FOTOLIA
En quatorze mois, ce n’est pas moins de quinze missions que j’ai réalisées dans des secteurs aussi variés que la pharmacie, l’assurance, le transport de voyageurs par autocar, le sanitaire-plomberie, la grande distribution ou encore les pouvoirs publics.
Il faut apprendre à persuader rapidement que l’on est capable d’apporter un regard neuf et pertinent sur un secteur dont on ne peut se prétendre expert.
Un chef d’entreprise m’a ainsi confié la mission d’auditer une entreprise qu’il possédait en Île-de-France depuis de nombreuses années mais qui venait d’afficher sa première perte financière l’année précédente.
Étant extérieure à l’entreprise, j’ai pu faire des propositions d’organisation et de stratégie, passant notamment par une redéfinition des segments de marché cibles.
Après plusieurs propositions d’embauche, j’ai finalement accepté de devenir manager de cinquante gestionnaires de contrats d’assurance pour le courtier Verlingue à Quimper. Ce fut une expérience humainement très riche.
Faisant le choix d’un retour à Paris, le hasard des rencontres m’a conduite chez Eurosport, où je suis devenue chargée de mission du P‑DG Laurent-Éric Le Lay. Je l’ai depuis suivi chez TF1 Publicité, dont il a pris la présidence.
Cours et binets
J’ai beaucoup aimé les cours de mathématiques, mais aussi d’humanités et sciences sociales. Après la prépa, il était nécessaire de voir autre chose.
Les cours donnés par des anciens, assez concrets ou atypiques, comme celui d’initiation à l’administration publique m’ont également beaucoup plu.
Enfin, je garde d’excellents souvenirs de tous les binets auxquels j’ai participé, notamment X‑Course au large et l’organisation des JSP (Journées sportives polytechniciennes).
Chez TF1 Publicité, aucun jour ne ressemble à un autre. © REUTERS
VIE PROFESSIONNELLE ET VIE FAMILIALE
L’équilibre entre vie familiale et vie professionnelle se passe très bien. Tout dépend de la compréhension de la hiérarchie et de l’entreprise où l’on est. Mon supérieur a pleinement conscience qu’avoir un enfant nécessite une bonne organisation et une adaptation des conditions de travail.
J’ai peu de déplacements, j’arrive tôt au travail et repars tôt pour retrouver mes enfants, mon mari gérant le matin l’arrivée de la nounou. S’il le faut, je prends mon ordinateur sous le bras pour finir mon travail chez moi le soir, mais cela reste rare. Se sentir comprise et entourée est fondamental.
Autonomie et efficacité
La diversité des sujets. Aucun jour ne ressemble à un autre. Il s’agit un jour d’anticiper les lancements de produits d’un annonceur afin de lui proposer le plan media ad hoc, un autre d’améliorer le reporting interne pour développer des outils de pilotage efficaces, un autre encore de gérer et arbitrer les enjeux d’une négociation.
Je ne m’ennuie pas, et c’est pour moi l’essentiel. Il est aussi très important de se sentir bien au travail. Le climat de travail dans lequel j’évolue est très agréable, il y a surtout un subtil équilibre entre interaction, autonomie et efficacité.
Un conseil aux jeunes
Que conseiller aux jeunes ? N’ayez pas peur d’expérimenter ! Osez expérimenter tant que vous êtes jeunes et que vous n’avez pas d’impératifs de famille. Il faut surmonter les craintes de ses proches et écarter les sirènes des carrières toutes tracées.
Lors de la remise de nos diplômes, Claude Bébéar nous avait fait une confidence qui prend tout son sens aujourd’hui : « Ne choisissez pas votre job pour le salaire, mais pour votre futur boss. Vous avez la chance de pouvoir choisir celui avec qui vous aurez à travailler. »