Le conseil individuel et son réseau
Comment passer du statut de cadre dirigeant à celui de consultant indépendant ? Voici une expérience vécue, illustrant les mérites du conseil individuel pratiqué en partenariat avec des entreprises de conseil, sur la base d’échanges équilibrés.
J’ENTAME MA CINQUIÈME ANNÉE de consultant indépendant, et je vous livre ici quelques anecdotes et réflexions qui n’ont aucune prétention académique.
Mini-CV
Depuis 2001 : Conseil de direction – stratégie – organisation – management. Indépendant.
1994–2001 : Stratégie commerciale aval, montages internationaux gaz-électricité, directeur communication amont pétrolier.
1990–1994 : DSI aval pétrolier – Elf Antar.
1975–1990 : Chef de projet R & D – amont pétrolier – Elf Aquitaine Production
1973–1975 : ORSA Marine Nationale Contrôle des Pêches mer du Nord – mer d’Irlandee.
Point d’entrée
Le point de départ de ma seconde vie professionnelle : une fusion « amicale » entre deux très grands groupes industriels, un plan social correct et mon envie irrépressible de vivre en homme libre. J’avais 50 ans, j’étais cadre dirigeant depuis plus de dix ans et je sentais que l’aventure de ma vie stagnait. J’avais, et j’ai toujours, besoin de gagner ma vie. Sans enfant, marié avec une femme qui accepte l’incertain, j’ai opté pour le conseil ; d’abord seul puis en réseau.
Je suis un joueur « collectif « , j’ai toujours doublé ma vie professionnelle de responsabilités associatives dans les clubs de sport. Dès le premier pas, je me suis adressé à un réseau, « Savoir-Faire« 1, car je n’imaginais pas passer d’un géant du CAC40 à une activité indépendante sans quelques conseils. J’ai obtenu des conseils de qualité, et me suis lancé avec résolution et méthode dans la prospection de contrats « pour un changement durable dans le management des organisations ». Oui, je l’avoue, je suis résolu et méthodique, mais ça n’a pas fonctionné comme je le souhaitais : rendement trop faible ! Ce réseau m’apportait une bonne image, une aide à la formalisation de mon offre, une convivialité, un back-office de gestion efficace. Mais commercialement, il me manquait une pénétration de secteurs d’activité autres que mon passé, une aisance à la vente « dans le dur », et des complémentarités me permettant de prendre des contrats à deux ou trois intervenants.
Le hasard et la diversité
Appréciant les apports positifs de ce premier réseau, j’ai voulu le compléter par un second qui m’apporterait ces « plus » de pénétration. J’ai alors contacté quelques grands cabinets français ou internationaux du conseil ; ils m’ont reçu très gentiment : » votre profil est vraiment intéressant, votre carnet d’adresse surtout. Apportez-nous quelques grands comptes et nous serons ravis de vous inclure dans le projet « . Ces propos aimables ne me convenaient pas : mon besoin était dans l’établissement d’une coopération durable, la réponse était un deal à court terme, sans horizon moyen terme. J’ai remercié et n’ai pas donné suite.
Je me suis alors intéressé aux petits cabinets. Pour les trouver, j’ai utilisé la base de données de l’APEC, en regardant lesquels embauchaient. Après quatre contacts approfondis et décevants, j’ai trouvé un dirigeant qui me semblait partager mes valeurs professionnelles et sociales. C’est ainsi que j’ai commencé ma coopération avec Systémica2. J’ai proposé que nous gardions chacun pour notre compte les frais de contact et de préparation d’offre, ma rémunération ne commençant que lors des paiements du client. Systémica garde la maîtrise du client et de son image. Ces dispositions et des prestations de qualité ont permis de créer la confiance entre nous. Nous partageons un risque d’entrepreneur. J’ai trouvé dans Systémica une approche très professionnelle du conseil en stratégie, en prospective, ils ont trouvé en moi un professionnel qui leur ouvrait l’international, les interventions en anglais, et qui enrichissait les méthodes stratégiques par une approche systémique de la sociologie. C’est un bon deal, et nous coopérons toujours, tant sur des missions de stratégie d’entreprise, que sur le développement économique des régions3 .
Parallèlement, je crois aux » fertilisations croisées « , et ma nouvelle vie m’offre des mises en pratique. J’avais eu la chance de diriger des équipes féminines de chercheurs et de cadres, et nous avions bien réussi ensemble. Le réseau Savoir-Faire m’a permis de rentrer en contact avec une consultante qui réorientait son cabinet sur l’émergence du féminin dans l’entreprise, les synergies d’une mixité efficace. Toujours sur des bases de codéveloppement, de risque partagé, et de respect de l’image commerciale créée par cette partenaire, j’apporte à Coryphéa4 une compétence sur la sociologie des grands groupes, sur les contraintes de l’international, et sur leur style de management. En retour, je gagne ma vie avec des missions qui sont porteuses de sens pour moi, et que je n’aurais jamais décrochées seul.
Regard distancié
Dois-je me limiter à ces trois cartes de visite ? À ce jour, ma réponse est non. J’ai plaisir à travailler et à entretenir la confiance avec mes partenaires actuels. Ce réseau est un être vivant, mes partenaires sont libres d’évoluer, de ne plus avoir besoin de mes compétences. Je dois encore travailler pendant une dizaine d’années pour toucher une retraite, et je pense qu’un réseau en bonne santé est un réseau en permanente régénérescence.
L’équilibre de l’échange entre chaque nœud du réseau est essentiel : contact, conception d’offre, vente, réalisation, suivi client, sont des actes à rémunérer. La consolidation de la confiance, ciment du réseau, en dépend.
Les clients sont les grands bénéficiaires de ces réseaux de confiance. Gratuitement, ils obtiennent des fonctions d’assemblage et de mobilisation de compétences. Alors que ces mêmes fonctions alourdissent les frais généraux des grands acteurs.
Chaque nœud du réseau doit aussi entretenir sa compétence, investir dans les évolutions de son métier. Un réseau qui coopère bien aide chacun à mieux percevoir son besoin d’évolution.
Les membres du réseau manquent de cette accumulation d’actifs qui donne aux grands acteurs cette résistance insolente aux mauvaises périodes. Aussi ne recommanderai-je pas à un jeune camarade de commencer ainsi : il faut pouvoir éponger des périodes de vaches maigres.
La plus grande entreprise de France : l’Artisanat
Vous souvenez-vous de ce slogan ? Récemment un peintre artisan a repeint mon bureau. J’ai alors eu besoin d’un parqueteur inopinément. Il l’a trouvé en trois jours et les travaux ont été faits dans les temps, pour moins cher qu’une grosse entreprise. Cette anecdote éveille en moi deux réflexions jointes :
1) Les grandes entreprises des secteurs postmatures courent après la flexibilité. Elles la rattrapent rarement, et sont souvent des machines à optimiser les circuits économiques à marge faiblissante. Aussi licencient-elles leurs cadres vers 50 ans, considérant qu’elles feront aussi bien et moins cher avec un de quarante. Pourquoi ne pas l’afficher ? Les cadres y gagneraient en visibilité, et les plus autonomes d’entre eux pourraient se préparer à finir leur carrière vers des niches de flexibilité à forte marge. Tous les mots ont leur importance dans cette phrase : « autonome » car le consultant doit savoir se débrouiller seul à tout moment, pas de secrétaire pour les visas, les réservations, etc. ; « flexibilité » car nous n’intervenons alors que sur des questions urgentes ou isolées, ce qui signifie beaucoup d’attente pour nous… ; « forte marge » car le modèle n’est économiquement viable que si les clients acceptent de payer l’expérience et la flexibilité. J’insiste car ce business model est à l’opposé d’une « activité occasionnelle permettant de se préparer à la retraite ».
2) Les chambres des métiers, les ordres des professions réglementées ou libérales (notaires, avocats, médecins, dentistes…) sont des lieux inconnus des managers en voie d’individualisation. Ces groupements ont un savoir-faire de petits entrepreneurs, et ils arrivent à conserver leurs adhérents au-delà de 50 ans ! Les plus efficaces aident bien leurs professionnels (formation, évolution du marché, et… maintien des tarifs). Ils pourraient utilement inspirer les conseils en réseau : par exemple, votre préfecture dispose probablement d’une » maison de l’avocat « . Si vous vous y rendez, vous pourrez obtenir un rendez-vous gratuit avec un avocat qui y tient permanence une demie journée de temps à autre, et qui vous aiguillera vers le confrère spécialisé dans la matière précise qui concerne votre affaire. Ces approches existent parfois, mais leur développement pourrait permettre aux indépendants du conseil de mieux se compléter, et d’atteindre certaines PMI encore frileuses dans l’appel à un conseil indépendant.
J’espère que ces quelques lignes feront avancer notre approche de l’employabilité, et que des camarades en difficulté y trouveront des raisons d’espérer. Et surtout…, discutez en bons termes avec votre dentiste ou votre avocat !
1. Groupe « Savoir-Faire & Cie », 11 bis rue d’Aguesseau, 75008 Paris. Tél. : 01.5527.1513.
2. « Systémica », 75 bd Haussmann, 75008 Paris. Tél. : 01.4268.5286.
3. Le siège de Systémica est dans les Côtes d’Armor.
4. « Coryphéa », 10 bis rue Berteaux Dumas, 92200 Neuilly. Tél. : 01.4750.3186.