Le Corps du héros
Des formalistes russes aux héritiers de l’analyse structurale, le héros de roman a perdu peu à peu sa dimension charnelle pour acquérir le statut de “ personnage de papier ”, voire de pur signe linguistique. À l’encontre de cette évolution, le postulat de base adopté ici est que son corps, pour fictif qu’il soit, a dans le plan de l’histoire une existence, même si celle-ci n’est accessible au lecteur qu’au travers des mots.
À partir de là, deux problèmes se posent.
D’une part, quelle est, dans un fragment donné de l’histoire, l’importance accordée au corps du héros ? Et de quelle manière le discours rend-il compte de son incarnation, de sa réalité organique ? Selon les cas, le regard et le jugement du lecteur seront modifiés.
D’autre part, le roman se développant par entrelacs de trois grands modes d’expression – la description, la narration et le dialogue –, le corps des personnages conditionne chacun d’eux d’une manière bien spécifique. Est-il vu de l’intérieur ? de l’extérieur ? Sert-il de révélateur à l’espace ? au temps ? De quelle substance est faite sa voix ? Comment les corps de deux personnages interagissent- ils ? Autant de questions qui cernent la rencontre qui s’effectue vraiment : celle de l’auteur et du lecteur.