Le défi CO2 a dynamisé l’innovation
REPÈRES
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En France, le Grenelle de l’environnement a modifié la donne. L’introduction du bonus-malus a permis d’abaisser les émissions moyennes des véhicules neufs de 149 g/km de CO2 fin 2007 à 133 g/km en août 2009, soit 8 g/km par an, alors que la baisse était en moyenne de 1,5 g/km par an au cours des années précédentes. L’efficacité de ce dispositif a dépassé les attentes des pouvoirs publics à tel point que le gouvernement a décidé, pour des raisons d’équilibre budgétaire, de renforcer la mesure en réduisant les seuils plus vite que prévu.
Pendant de nombreuses années, les innovations sur les moteurs thermiques étaient tirées par la recherche de la performance et les contraintes réglementaires à satisfaire au coût le plus juste. À la suite du protocole de Kyoto signé en 1997 et entré en vigueur en 2005, les pays industriels se sont engagés à réduire les émissions de CO2 en général et notamment dans l’automobile. Cette baisse s’est accélérée depuis l’introduction de divers systèmes d’incitation.
Émissions de CO2 et consommations sont directement proportionnelles
Dans certains pays, comme aux États-Unis ou en Chine, c’est plutôt l’indépendance énergétique qui est mise en avant comme critère de baisse de consommation des véhicules. Mais comme émissions de CO2 et consommations sont directement proportionnelles, les effets sont les mêmes sur l’industrie et sur les technologies. En 2020, les constructeurs automobiles devront présenter des consommations moyennes en dessous des 100 g/km de CO2 en Europe, et la Chine ne sera pas en reste.
Une diminution des cylindrées
La baisse moyenne des émissions de CO2 par véhicule sur les dernières années, en France comme dans tous les pays du monde, n’a pas été le fruit d’une électrification massive des chaînes de traction, mais bien un transfert de moteurs de grosses cylindrées vers les plus petites, appelé downsizing. À titre d’exemple, en Europe, les moteurs à essence les plus vendus sont en effet désormais de cylindrée inférieure à 1,4 l contre 1,6 l auparavant et pour les moteurs Diesel, les ventes des moteurs 1,9 l à 2 l ont basculé vers des moteurs de cylindrée inférieure à 1,6 l. Les conséquences ont d’abord été industrielles dans les usines des constructeurs et des équipementiers, puis elles ont provoqué une réorientation forte de la stratégie des produits.
Le meilleur rendement des petites cylindrées
Un facteur important pour la consommation est la cylindrée du moteur. Réduire la cylindrée du moteur permet de le faire fonctionner dans des conditions où le rendement est meilleur. Les constructeurs sont donc en train de développer de nouveaux moteurs avec autant de puissance que la génération précédente mais des cylindrées significativement plus faibles.
Fiat a poussé la réduction des cylindrées à l’extrême en développant un moteur bicylindre turbo de 875 cm³ qui émet 95 g/km sur la Fiat 500. Plus généralement, le traditionnel moteur à essence 4 cylindres en Europe va être remplacé chez la plupart des constructeurs par un moteur 3 cylindres. Toyota a lancé le sien sur ses petits véhicules dès 2005.
Nos deux constructeurs français, PSA et Renault, ont aussi prévu de mettre ce type de moteur sur le marché à l’horizon 2012 dans une version atmosphérique pour l’entrée de gamme et dans des versions turbo plus puissantes pour le milieu et haut de gamme. Aux États-Unis, le downsizing passe par un transfert annoncé des moteurs 8 cylindres vers les 6 cylindres, des 6 vers les 4. Même Daimler a annoncé une future version de la Mercedes Classe S à 4 cylindres.
Le prix à payer
La valorisation du gramme de CO2 a rendu rentables des solutions techniques
Pour guider les choix technologiques, les constructeurs et les équipementiers utilisent un nouvel indicateur : le surcoût que le consommateur est prêt à payer sur une voiture pour gagner un gramme de CO2 au kilomètre. Le consensus pour le gramme de CO2 par kilomètre est aujourd’hui de l’ordre de 40 à 50 euros. Il pourrait atteindre jusqu’à 95 euros du gramme à l’horizon 2020 puisque c’est le montant de l’amende que devraient régler les constructeurs s’ils n’atteignaient pas les objectifs européens sur la moyenne de leurs ventes à cette échéance.
L’augmentation de la valorisation du gramme de CO2 a rendu rentables des solutions techniques qui ne l’étaient pas nécessairement auparavant. Et celles-ci ne concernent pas seulement les moteurs ; réduire la masse des véhicules est, par exemple, un autre moyen de diminuer la consommation et donc les émissions. Afin de motiver le développement et la mise en série de composants plus légers, un système mis en place par Renault permet, par exemple, à l’équipementier de proposer, lors des négociations annuelles, une productivité en masse au lieu d’une productivité économique. Ce nouveau défi CO2 va donc avoir un autre effet, celui de mettre un frein à l’augmentation continue de la masse des véhicules.
Cinq solutions économiquement acceptables
La question de l’équilibre entre le prix admissible par le marché et le coût de revient des solutions pour rendre les véhicules propres est cruciale. En effet, seules les solutions dont l’équilibre économique est positif seront dans la feuille de route des constructeurs et des équipementiers.
Aujourd’hui, en plus des solutions hybrides ou véhicules électriques qui représentent un potentiel de croissance réel et certain, l’industrie dispose d’un panel de solutions que l’on peut classer en cinq grandes catégories : les carburants alternatifs, la suralimentation, la distribution variable, l’optimisation de la « thermique moteur » et le stop and start ou ses dérivés.
Les carburants alternatifs
Des réserves de GNV
Le GNV, déjà très utilisé dans certains pays comme l’Italie, l’Iran, l’Inde ou l’Argentine, présente l’avantage d’avoir des réserves importantes, une équation de combustion favorable au bilan CO2 (ratio H/C à 4 contre 1,86 pour les carburants liquides conventionnels), mais il est handicapé par une infrastructure limitée et coûteuse en investissements.
Concernant les carburants alternatifs, les solutions technologiques sont déjà disponibles, pour les biocarburants comme pour le gaz (GNV pour Gaz naturel véhicule, essentiellement du méthane, ou GPL pour Gaz de pétrole liquéfié, un mélange de butane et propane). Le développement de ces technologies reste exclusivement lié à l’équilibre économique (intégrant les incitations fiscales pour ce type de véhicule) et à une volonté du marché.
Les biocarburants ont l’avantage d’avoir un bilan carbone théoriquement neutre : ils rejettent dans l’atmosphère le CO2 qu’ils ont capté pendant la croissance des végétaux.
La suralimentation
Les biocarburants ont l’avantage d’un bilan carbone théoriquement neutre
La suralimentation, c’est-à-dire l’adjonction d’une fonction de compression d’air à l’entrée du moteur, par exemple à l’aide d’un turbocompresseur, permet d’obtenir le même niveau de performance, voire davantage, avec des moteurs de plus petite cylindrée. Le futur moteur 1 litre d’un constructeur allemand va désormais développer 140 chevaux au lieu d’une moyenne de 60 chevaux sur le marché actuel.
Une des difficultés de cette technologie réside dans le risque de perte de couple à bas régime. Pour cela, il faut optimiser la compression à tous les régimes, en développant de nouveaux turbocompresseurs, ou encore combiner les technologies (association de différents turbocompresseurs en parallèle ou en série, association d’un turbocompresseur et d’un compresseur volumétrique, assistance électrique au turbocompresseur).
La distribution variable
Associée au downsizing, la distribution variable se généralise. Les solutions en place ou en développement vont du phasage variable sur 1 ou 2 arbres à cames, aux levées variables discrètes ou continues. Cela permet un gain de performance et une réduction de consommation principalement aux charges partielles par diminution des pertes par pompage.
Solution e‑Valve |
La première étape a été franchie avec la solution » multiair » de l’Alfa Romeo Mito ; il s’agit de permettre une distribution infiniment variable en durée et en levée des soupapes d’admission grâce à des cames pilotées.
La solution ultime est le remplacement de l’arbre à cames par un système de commandes électrohydrauliques ou électromagnétiques des soupapes ; c’est la solution » e‑Valve » de Valeo. Le pilotage des soupapes est alors extrêmement précis et totalement libre, offrant un bilan économique CO2 particulièrement compétitif. Ce type de solution deviendra probablement à terme le nouveau standard du marché des moteurs à essence.
L’optimisation de la « thermique moteur »
Réchauffer au plus vite
Que ce soit en essence ou en Diesel, un moteur fonctionnant à chaud consomme environ 15% de moins qu’un moteur fonctionnant à température ambiante (pertes liées aux jeux de fonctionnement et à la viscosité de l’huile).
Des solutions de gestion thermique du moteur (coupure de la circulation d’eau du moteur durant la phase de mise en température, régulation variable à des températures supérieures de l’eau du moteur) sont étudiées afin de réchauffer au plus vite le moteur et de réduire le temps de fonctionnement dit « à froid « .
Pour passer les réglementations d’émissions, les constructeurs ont dû mettre en oeuvre sur les moteurs diesels des solutions innovantes liées à la « thermique moteur ». Le même type de solution va probablement se déployer également pour les véhicules à essence, mais cette fois-ci tiré par le défi CO2 et non par la réglementation sur les émissions.
En effet, la plupart des constructeurs étudient pour les moteurs suralimentés la mise en place d’un système EGR (Exhaust Gas Recirculation) de recirculation des gaz d’échappement à l’admission comme c’est le cas aujourd’hui sur les moteurs Diesel. L’avantage est, d’une part, de pouvoir augmenter le rapport volumétrique du moteur et donc d’améliorer le rendement thermodynamique sans être perturbé par le phénomène de cliquetis et, d’autre part, d’éviter un surenrichissement dans le simple but de maintenir les températures d’échappement dans une limite acceptable pour les matériaux.
Couper le moteur
La fonction dite stop and start, introduite pour la première fois par PSA sur la C3 en 2004, va d’ici deux ou trois ans se démocratiser sur l’ensemble des véhicules. Cette fonction gère la coupure et le redémarrage automatique du moteur à chaque arrêt momentané de la voiture. Elle apporte un gain en consommation d’environ 5% en cycle urbain normalisé, et jusqu’à 15% dans les conditions de trafic dense. Cette fonction intéresse tout particulièrement les pays émergents qui sont souvent confrontés à des problèmes de trafic dans les grandes métropoles.
Solution i‑STARS |
Deux technologies coexistent aujourd’hui : le démarreur renforcé qui est le plus facile à intégrer et le moins onéreux pour le constructeur (ex : Audi, BMW, Fiat, Kia), mais qui génère de nombreux désagréments de conduite, bruits et vibrations, qui font que l’utilisateur final coupe finalement assez vite le système.
L’alternodémarreur, pour le moment principalement proposé par Valeo (la solution i‑STARS montée par exemple sur les moteurs e‑HDi de PSA), est plus perfectionné techniquement, car totalement silencieux (pas de bruit de démarreur) et plus réactif. Il s’agit en fait d’un alternateur réversible qui assure aussi bien la fonction d’alternateur que de » re-démarreur « . Le redémarrage du moteur est alors possible même quand le véhicule n’est pas tout à fait arrêté et les nuisances pour le conducteur sont imperceptibles. Ce système, également appelé micro-hybride, peut aussi évoluer vers une hybridation plus forte. Par exemple, en utilisant l’alterno-démarreur pour freiner le véhicule et récupérer l’énergie sous la forme électrique dans des super capacités, ou encore en l’utilisant comme moteur électrique pour apporter un surcroît de puissance au véhicule dans certaines phases, notamment d’accélération.
Le véhicule devient alors un véritable mild hybrid, la séparation entre véhicule thermique et véhicule électrique est donc bien ténue ; il existe une vraie continuité entre les différentes solutions.
Des boîtes automatiques
Le moteur thermique a encore de beaux jours devant lui, a fortiori accompagné par le développement de boîtes de vitesses automatiques très performantes en CO2 : les boîtes de vitesses double embrayage (DCT pour Dual Clutch Transmission).
Le coût de l’électricité
Équivalence émission CO2 en g/km et consommation en litre aux 100 km | ||
CO2 g/km | Diesel | Essence |
100 | 3,7 | 4,1 |
120 | 4,5 | 5,0 |
140 | 5,2 | 5,8 |
Le défi CO2 a été à l’origine d’une révolution qui va se produire dans l’automobile avec probablement un basculement du moteur thermique vers le moteur électrique. Toutefois, une grande majorité des constructeurs et des équipementiers considèrent qu’à l’horizon 2020 le parc de véhicules électriques ne dépassera pas les 10 % du marché. Ainsi cet enjeu a bouleversé à court terme la feuille de route des moteurs thermiques et a dynamisé l’innovation dans ce domaine en modifiant les équilibres économiques.