Le défi social et environnemental du port du futur
Les ambitions françaises de reconquête des parts du marché portuaire, affichées en 2011 et renouvelées en 2021, peinent à se concrétiser. Une nouvelle stratégie nationale portuaire a été rendue publique en 2021.
Le Cerema tient des assises annuelles qui permettent d’éclairer le futur de l’activité portuaire.
Le contexte actuel de l’économie mondiale et du transport maritime est en forte évolution. Les facteurs exogènes sont nombreux : concurrence plus dure à la fois sur les filières et sur les hinterlands, mondialisation mais aussi tendance à des relocalisations partielles, massification des flux et gigantisme des bateaux, transition numérique, transition énergétique vers le « zéro carbone », changement climatique… Le contexte se caractérise aussi par une forte incertitude notamment sur les filières et les énergies futures. Les ports français doivent donc s’adapter en transformant leurs modèles institutionnel et économique, et en effectuant leurs propres transitions, tout en améliorant leur compétitivité.
REPÈRES
Le centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema) est un établissement public à caractère administratif placé sous la tutelle conjointe du ministre de la transition écologique et solidaire, et du ministre de la cohésion des territoires. Le Cerema développe des relations étroites avec les collectivités territoriales qui sont présentes dans ses instances de gouvernance. Il a été créé le 1er janvier 2014. Son siège est situé à Bron, sur le site de l’ancien CETE de Lyon.
La notion de port du futur est-elle fondée ?
Si ce concept fondateur est utile pour questionner le modèle portuaire, il n’existe pas en réalité de modèle unique et idéal de port du futur, de même qu’il y a eu dans le passé plusieurs modèles, du port hanséatique au port privé. Certains ports sont spécialisés ou sur un marché de niche, d’autres sont polyvalents ; les trafics structurants, la dimension et la géographie impactent fortement la géométrie et l’aménagement des ports. Cependant, malgré cette diversité, il existe des invariants qui concernent notamment le rôle des ports et les axes de progrès à poursuivre.
“Les ports créent des emplois et de la valeur ajoutée.”
Ainsi, les crises de 2020 ont montré que les ports restent des actifs publics majeurs pour le fonctionnement de l’économie. Au service d’un territoire, d’un pays, de son industrie et de son commerce extérieur, ils mettent des infrastructures à disposition des chargeurs et créent ainsi des emplois et de la valeur ajoutée. Mais de plus en plus ils doivent affirmer un positionnement de port entrepreneur, tout en conservant des missions de service public, et de port stratège, catalyseur de l’action économique et industrielle.
Des enjeux et des axes de progrès communs
Au cours des différentes sessions des assises du Cerema, les analyses sur les enjeux économiques, sociaux et environnementaux des ports se sont précisées, et des axes de progrès communs à tous les ports ont pu être identifiés :
- renforcer la compétitivité de toute la chaîne logistique du port bien sûr, mais aussi des filières et des chaînes de transport jusqu’au dernier kilomètre ;
- favoriser le développement économique et industriel aux échelles du port (gestion du foncier et des ouvrages, investissements), des territoires (liaison ville-port) et plus largement de l’hinterland ;
- verdir l’activité en développant l’économie circulaire et l’écologie industrielle, l’écoconception des infrastructures, la fourniture voire la production de nouvelles énergies, la réduction des impacts sur l’environnement ;
- accompagner la révolution numérique pour un port connecté et sûr, assurant l’interopérabilité des systèmes, la mise à disposition des données, la dématérialisation des flux ;
- améliorer la gouvernance, en cohérence avec la stratégie nationale portuaire et en lien avec le territoire.
Les cinq qualités fondamentales
Pour atteindre ces objectifs communs, cinq qualités fondamentales s’imposent.
- La fiabilité car la régularité des résultats et le respect des engagements sont essentiels pour garder la confiance des armateurs et des chargeurs.
- La qualité des services (coût, sûreté, fluidité, rapidité…) est le point de comparaison sur lequel se fondent les clients.
- La synergie avec les autres acteurs est fondamentale à plusieurs égards ; il s’agit d’avoir des projets stratégiques ancrés dans le territoire (notamment la relation ville-port où la confiance est parfois à reconstruire), des complémentarités avec les ports voisins, des collaborations entre les acteurs logistiques du port et de son hinterland (ports intérieurs) pour développer des offres intégrées ; à ce titre la capacité à fédérer, catalyser et être un carrefour d’information est essentielle.
- La réactivité, l’agilité permettent de saisir les occasions, d’offrir rapidement des réponses efficaces aux besoins du trafic, d’agir selon les projets au-delà des clivages aménageur-entrepreneur ; la prise de risque est souvent nécessaire, car le succès des projets économiques est rarement garanti.
- L’innovation, transversale aux sujets précédents, est indispensable pour assurer la compétitivité et s’appuie sur la recherche et sur l’encouragement des porteurs de projets, particulièrement pour les domaines de l’environnement et du numérique.
L’événement Port du futur
La manifestation organisée annuellement par le Cerema est née en 2011, année propice à une réflexion intense sur le modèle portuaire : après la réforme portuaire de 2008, le Grenelle de la mer de 2009, l’État préparait la stratégie nationale portuaire de 2013. Cette évolution rapide montrait l’intérêt d’une réflexion prospective et collective sur les objectifs et sur la notion de port du futur durable, de même qu’il y en avait eu une sur le navire du futur.
Le Cetmef (Centre d’études techniques maritimes et fluviales), intégré depuis 2014 au Cerema, a donc créé à l’époque les assises Port du futur pour rassembler les acteurs portuaires, promouvoir la réflexion sur les enjeux portuaires à venir et le partage des bonnes pratiques, encourager la recherche et les innovations, et finalement aider les ports à identifier les défis majeurs, anticiper les changements et s’y adapter. Dès le départ, l’événement a favorisé l’expression de tous les acteurs (État, ports, armateurs, associations, experts et chercheurs, français et internationaux), a suscité des réflexions stratégiques et prospectives croisées avec des exemples ou retours d’expérience concrets, a facilité le réseautage et les échanges.
Un partenariat étendu
L’organisation, portée par le Cetmef puis le Cerema, s’est appuyée sur plusieurs partenaires : le ministère chargé des Transports (représenté par la DGITM), l’Union des ports de France, le Cluster maritime français, les pôles mer Bretagne Atlantique et Méditerranée, les pôles de compétitivité Novalog et i‑Trans. Quelques évolutions ont été introduites au cours de ces dix ans : passage d’une à deux journées, création du trophée Port du futur de l’innovation en 2017, délocalisation à Marseille en 2013 et à Lille en 2019 en partenariat avec Ports de Lille, passage au webinaire en 2020 en raison de l’impossibilité des événements en présence, tribune donnée au monde de la recherche portuaire en 2020.
Progressivement, les assises sont devenues un espace de capitalisation et de partage, en particulier grâce au site internet (https://www.portdufutur.fr/) et à l’édition annuelle des Essentiels des assises du port du futur. Les thèmes anciens, comme l’aménagement, la gestion du foncier et la construction de nouvelles infrastructures, y sont toujours présents. Les thèmes nouveaux lancés en 2011 se sont renforcés au fil des années : développement portuaire, relations ville-port, lien avec l’hinterland et logique d’axe, gouvernance. Et, bien sûr, les thèmes de la transition numérique, de la transition environnementale, de l’innovation, de la cybersécurité, ont pris une importance croissante en cohérence avec les préoccupations de la société.
Dans les prochaines années, les assises Port du futur continueront à approfondir ces concepts, en accentuant la place donnée aux solutions concrètes et à la recherche, et en s’appuyant davantage sur des partenariats locaux avec des grands ports ou des régions.