Le deuxième acte / Un P’tit truc en plus / Memory / La dissidente / Juliette au printemps
Border Line (J.S. Vasquez, A. Rojas – 1 h 17) ? Écarté à regret. When evil lurks ( D. Rigna – 1 h 39) ? Presque, mais non. Marcello mio (Ch. Honoré – 2 h 01) ? Arnaque. Furiosa (George Miller – 2 h 28) ? Hypertrophie du creux. La petite vadrouille (Bruno Podalydès – 1 h 36) ? Pas petite, minuscule.
Finalement :
Le deuxième acte
Réalisateur : Quentin Dupieux – 1 h 20
Un régal de cinéma ! C’est un cadeau lumineux qui nous est offert. Des acteurs en surchauffe jouent sur deux ou trois registres les strates d’un film qui se développe dans un film qui se tourne. Les dialogues sont tranchants comme des rasoirs et distillent une analyse bourrée d’intelligence et de recul sur l’art au service duquel les comédiens délivrent leur enthousiasmante performance. Dupieux, que je n’ai jamais trouvé vraiment inspiré, a été touché cette fois par la grâce. L. Seydoux, V. Lindon, L. Garrel, R. Quenard, M. Guillot exécutent à la perfection leur numéro de haute voltige. Bravo ! Sans réserve. J’ai été épaté.
Un P’tit truc en plus
Réalisateur : Artus – 1 h 39
Trop de succès public pour se permettre de passer à côté. Eh bien, ce n’est pas mal du tout ! Pas parfait, pas toujours sur la crête, mais touchant, souvent drôle dans le détail, cousu de notations justes, pertinentes, même dans les débuts à travers des mises en place qui trébuchent. Et puis, surtout, tous les écueils que l’on craignait sont évités. La démarche sait exploiter son potentiel comique tout en étant constamment respectueuse du handicap. Cette petite troupe hétéroclite à l’écart de la normalité fait rire parce qu’on la découvre in fine parfaitement normale.
Mêmes préoccupations, mêmes sentiments, mêmes travers, mais dans une spontanéité, une disponibilité, une gentillesse sans filtre qui installent l’empathie et la laissent se déployer. Bien sûr tout ça, à y réfléchir, est un peu trop repeint en rose, aucun groupe humain ne navigue dans une bonne humeur aussi constante, aucune gentillesse n’est tout à fait aussi gentille, aucun braqueur n’a aussi bon fond que les deux qui se cachent au sein de cette colo marginale, bien sûr, mais tant pis, on veut y croire, on cède de bon cœur à l’émotion. Artus a réussi son coup.
Memory
Réalisateur : Michel Franco – 1 h 40
Étonnant film, lent, délicat, tendre, qui veut croire que la douceur peut guérir les blessures, qui surprend, qui retient, qui attache, qui émeut. Optimisme ? Ce monde si mesquin, si mauvais, pourrait-il donc ne pas l’être entièrement ? Avec deux acteurs qui vont vers la grâce et l’affirmation que l’amour mérite quoi qu’il en soit d’être tenté. Il est victime de sénilité précoce, de pertes de mémoire, d’autonomie amoindrie. Elle gère difficilement de lourds traumatismes d’enfance, d’adolescence. Elle croit reconnaître en lui un de ses bourreaux d’autrefois. Des choses se découvrent, des impressions se révèlent fausses, d’inattendus non-dits finissent par se dire. Des handicaps tissent des liens, des fragilités se complètent en forces. Dans la conscience même de sa courte finitude, l’espoir d’un bonheur peut-il se faire jour ?
La dissidente
Réalisateur : Pier-Philippe Chevigny – 1 h 29
Bon film rugueusement québécois et heureusement sous-titré (ah ! le parler joual…). Structuré, solide, clair, efficace, humain et attachant. Le schéma narratif est sans véritable surprise – on est dans le social, tendance Ken Loach. L’exigence capitalistique va à l’embauche d’étrangers et, nous montre-t-on ici, par voie de conséquence à leur exploitation. Ils sont saisonniers, mexicains, elle est traductrice, encombrée des restes d’une relation toxique qui lui a ouvert les yeux. Elle constate, elle s’émeut, elle s’investit, le pot de terre contre le pot de fer, elle y laissera quelques plumes, ils paieront avec fatalisme. Le réalisme du film touche juste et convainc d’autant plus qu’il évite l’excès fictionnel, le happy-end factice. Précis, crédible, humain, amer, le message porte. Le monde est dur. Et, dans tous les contextes, on se heurte inévitablement au cynique et ricanant « Arbeit macht frei », ne fût-il dessiné qu’au fronton de l’usine… Beau personnage féminin.
Juliette au printemps
Réalisatrice : Blandine Lenoir – 1 h 36
Jolie surprise en forme de buisson psychologique au tissage attachant, sur quatre générations. Pas de personnage négligé, pas de simplification ni d’idéalisation, c’est crédible et touchant. Des bouts de famille qui partent en tous sens et en font quand même une. Darroussin et Noémie Lvovsky excellent tandis que, explosive dans sa chair et son tempérament, Sophie Guillemin fait des merveilles. Un tableau de groupe très finement réussi.