Marseille, vue aérienne du vieux port et des installations portuaires.

Le développement des ports français.

Dossier : Les portsMagazine N°601 Janvier 2005Par Francine LOISEAU

Auto­routes de la mer, décen­tra­li­sa­tion, pro­gres­sion impor­tante du trans­port flu­vial, report de tra­fic rou­tier vers le trans­port mari­time ou la voie d’eau, déve­lop­pe­ment d’un réseau d’infrastructures cohé­rent et conti­nu à l’échelle euro­péenne, autant de ques­tions et de pro­jets à l’ordre du jour en France.
Qu’il s’agisse de poli­tique, d’investissements, de déve­lop­pe­ment durable, d’intermodalité, ou de besoins des par­te­naires éco­no­miques – auto­ri­tés por­tuaires, char­geurs, trans­por­teurs, col­lec­ti­vi­tés ter­ri­to­riales, État – pro­jets d’infrastructures et nou­veaux sché­mas logis­tiques sont nombreux.
Après tout, les ports mari­times et flu­viaux ne sont-ils pas des portes sur le monde et sur la ville ?
État des lieux avec la DTMPL, Her­vé Cor­nède (TLF), Jean Gadenne (VNF), Jean-Marc Lacave (Port auto­nome du Havre) et Yves Morin (Port auto­nome de Paris).

Un vent de renou­veau souffle sur les trans­ports mari­times et la navi­ga­tion flu­viale en France. En par­tie, bien sûr sous l’ef­fet de la concur­rence de plus en plus vive entre ports euro­péens pour cap­ter des parts de mar­ché du tra­fic mari­time mon­dial en forte pro­gres­sion. Mais sans doute aus­si parce que la France, tout comme ses par­te­naires euro­péens, dans le cadre d’un déve­lop­pe­ment plus durable, entre­prend un rééqui­li­brage en faveur des modes alter­na­tifs à la route – mari­time, flu­vial et rail – tant pour des motifs éco­no­miques et éco­lo­giques, que pour des rai­sons d’é­pui­se­ment des res­sources éner­gé­tiques fossiles.

Le secteur portuaire maritime en pleine évolution

En France, la Direc­tion du trans­port mari­time, des ports et du lit­to­ral (DTMPL) a la charge de la mise en valeur des côtes et de la pro­mo­tion de la flotte de com­merce bat­tant pavillon fran­çais. Éga­le­ment char­gée de la ges­tion du domaine public mari­time, la DTMPL doit veiller à main­te­nir l’é­qui­libre entre amé­na­ge­ment et pro­tec­tion du littoral.

En 2003, les ports mari­times fran­çais ont trai­té 357,4 mil­lions de tonnes (Mt) de fret dont la moi­tié sont des vracs liquides (essen­tiel­le­ment du pétrole), un quart de vracs solides (céréales, char­bon, mine­rais), 20 % de mar­chan­dises diverses hors conte­neurs et 8 % – une part crois­sante – de conteneurs.

En 2003, indique la DTMPL, les tra­fics por­tuaires ont retrou­vé un taux de crois­sance de + 3,5 %, après avoir pro­gres­sé de + 4 % en 2000, recu­lé de – 1,4 % en 2001 et avant de pro­gres­ser à nou­veau de + 1,1 % en 2002.

Le tra­fic mari­time mon­dial de conte­neurs explose : + 8 à 10 % par an envi­ron ; sur les 90 mil­lions d’u­ni­tés trans­por­tées en 2003, la Chine repré­sente aujourd’­hui à elle seule 20 % du tra­fic mondial.

Enfin, hors fret, n’ou­blions pas l’ac­ti­vi­té pas­sa­gers des ports fran­çais, puisque, tous les ans, 34 mil­lions de pas­sa­gers entrent ou sortent par un port mari­time fran­çais, dont plus de 20 mil­lions pour le seul port de Calais qui est le plus grand port de pas­sa­gers d’Eu­rope continentale.

Les ports maritimes français…

Mar­seille, vue aérienne du vieux port et des ins­tal­la­tions por­tuaires. © PORT AUTONOME DE MARSEILLE

Sur ses 5 500 km de côtes métro­po­li­taines et ses 1 500 km de lit­to­ral d’outre-mer, la France compte 7 ports auto­nomes, 23 ports d’in­té­rêt natio­nal et 532 ports de com­merce, de plai­sance et de pêche gérés par les Conseils géné­raux et les communes.

Les ports d’in­té­rêt natio­nal (ports de com­merce et de pêche rele­vant des com­pé­tences de l’É­tat, géné­ra­le­ment concé­dés aux Chambres de com­merce et d’in­dus­trie) assurent envi­ron 20 % du ton­nage de mar­chan­dises mais repré­sentent 50 % des mar­chan­dises diverses non conte­neu­ri­sées et plus de 80 % du tra­fic pas­sa­gers. Avec 74,3 Mt, leur tra­fic est en pro­gres­sion de 1,8 % par rap­port à 2002 qui était déjà une année favorable.

Ce sont les ports auto­nomes, éta­blis­se­ments publics de l’É­tat – Bor­deaux, Dun­kerque, La Gua­de­loupe, Le Havre, Mar­seille-Fos, Nantes-Saint-Nazaire et Rouen – qui traitent plus de 80 % du tra­fic mari­time de mar­chan­dises, soit 278,1 Mt – chiffre glo­bal en hausse de 4,0 % en 2003 par rap­port à l’an­née pré­cé­dente. Le tra­fic est en pro­gres­sion de 3,6 % à Mar­seille (95,6 Mt) par exemple, il pro­gresse de 5,4 % au Havre (71,4 Mt), tan­dis que, à Nantes-Saint-Nazaire (30,8 Mt), les résul­tats sont en recul de 2,7 % mal­gré une hausse des mar­chan­dises diverses et des tra­fics conte­neu­ri­sés due notam­ment à la bonne tenue des fee­ders1, aux tra­fics avec l’A­frique et à la pro­gres­sion de la ligne de cabo­tage Dublin-Bristol-Montoir-Bilbao.

… face aux ports européens

La concur­rence entre ports étant très vive au plan euro­péen, les résul­tats des ports de Rot­ter­dam et d’An­vers sont inté­res­sants à obser­ver. Rot­ter­dam, avec un ton­nage de 327,5 Mt, a connu une hausse de 1,8 % (+ 2,3% en 2002) due sur­tout à la hausse forte (+ 8,3%) des mar­chan­dises diverses (89,5 Mt) sous l’ef­fet d’une hausse conjointe des tra­fics conte­neu­ri­sés (70,7 Mt, soit + 7,4 %) en ton­nage, avec notam­ment un accrois­se­ment des échanges avec le Royaume-Uni et l’A­sie, du tra­fic rou­lier2 (+ 10,8%) et du conven­tion­nel (+ 12,6%).

À Anvers, les échanges sont res­tés stables en 2002 mais ont pro­gres­sé de 8,3 % en 2003 (142 Mt) avec une forte pro­gres­sion des tra­fics conte­neu­ri­sés (61 Mt) + 15 % en ton­nage ; Ham­bourg conti­nue de pro­gres­ser : + 8 % (105 Mt) après une hausse de 5,7 % déjà en 2002 ; Gênes est en hausse de 4,7 %, Bar­ce­lone de 5,7 % et Valence de 6,5 %.

Décentralisation

Fin juillet 2004, le « pro­jet de loi rela­tif aux liber­tés et res­pon­sa­bi­li­tés locales » a été défi­ni­ti­ve­ment adop­té par le Par­le­ment. Il com­porte deux articles spé­ci­fiques concer­nant les ports mari­times non auto­nomes rele­vant de l’É­tat – les actuels ports d’in­té­rêt natio­nal – qui orga­nisent le trans­fert de com­pé­tences, des moyens finan­ciers et des ser­vices de l’É­tat (en 2005 et 2006, la date limite étant fixée au 1er jan­vier 2007) aux col­lec­ti­vi­tés ter­ri­to­riales à l’is­sue d’une concer­ta­tion locale. L’ar­ti­cu­la­tion entre les com­pé­tences de l’É­tat en matière de police por­tuaire, de sécu­ri­té et de sûre­té et celles des col­lec­ti­vi­tés locales en tant que nou­velles auto­ri­tés por­tuaires sera pré­ci­sée par une ordon­nance qui adap­te­ra le code des ports maritimes.

Transport et logistique

Les ports, leurs zones indus­trielles et logis­tiques jouent un rôle stra­té­gique pour le déve­lop­pe­ment de l’é­co­no­mie des régions fran­çaises et euro­péennes et sont géné­ra­teurs d’emploi : 40 000 emplois por­tuaires directs, 70 000 postes indus­triels et 200 000 emplois liés à la logis­tique por­tuaire ou induits (source : DTMPL, 2004). Étant don­né qu’en matière mari­time, il y a tou­jours un (ou plu­sieurs) pré- et postacheminement(s), les ser­vices offerts aux indus­triels et autres char­geurs sont de plus en plus com­plets et intègrent tous les modes – mari­time, rail, route et flu­vial – afin de pro­po­ser une pres­ta­tion porte-à-porte com­plète. Ce qui a don­né nais­sance à un nou­veau métier, les com­mis­sion­naires, orga­ni­sa­teurs de trans­ports inter­na­tio­naux, affré­teurs et autres logis­ti­ciens qui deviennent de véri­tables « inté­gra­teurs de ser­vices » ; ensemble, tous modes de trans­port confon­dus, ils repré­sentent en France 3 000 entre­prises qui emploient 120 000 sala­riés ce qui fait d’elles les pre­miers employeurs des ports et aéro­ports français.

C’est un sec­teur en déve­lop­pe­ment d’au­tant plus impor­tant, indique Her­vé Cor­nède, délé­gué géné­ral de TLF, qui regroupe en France les entre­prises de trans­port et de logis­tique, que les indus­triels et la grande dis­tri­bu­tion conti­nuent à exter­na­li­ser les ser­vices de trans­port, de sto­ckage, etc., déjà sous-trai­tés aux deux tiers. Ce mou­ve­ment de recen­trage des indus­triels sur leur cœur de métier a favo­ri­sé le déve­lop­pe­ment de l’ac­ti­vi­té logis­tique et l’é­mer­gence d’un véri­table mar­ché de la pres­ta­tion de ser­vices. Les grands ports mari­times – et flu­viaux – deviennent ain­si de véri­tables bases logis­tiques, des plates-formes mul­ti­mo­dales où la réforme por­tuaire entre­prise en 1992 a per­mis de faire entrer la concurrence.

Cabotage et autoroutes de la mer

Port du Havre alliant maritime et fluvial.
Port du Havre alliant mari­time et fluvial.
© VNF/P. CHEUVA

On sait que les « auto­routes de la mer » sont à la mode mais répondent à un vrai besoin de désen­gor­ge­ment des grands axes rou­tiers. Ce que l’on sait moins, c’est que le cabo­tage – le trans­port mari­time à courte dis­tance ou short-sea ship­ping – occupe déjà une place impor­tante dans les échanges intra­com­mu­nau­taires : 41 % en 2001 selon le Livre blanc de la Com­mis­sion euro­péenne sur les trans­ports3. Selon ce der­nier : c’est le seul mode de trans­port de mar­chan­dises dont le taux de crois­sance (+ 27% entre 1990 et 1998) s’est rap­pro­ché de celui du trans­port rou­tier (+ 35%). Le cabo­tage concerne de plus en plus un flux de mar­chan­dises diverses (pièces indus­trielles, véhi­cules neufs, etc.) conte­neu­ri­sées et le trans­port de remorques, accom­pa­gnées ou non. C’est ce der­nier type de trans­port sur courte dis­tance, consis­tant à embar­quer des camions sur des navires mari­times – de pré­fé­rence non accom­pa­gnés selon le délé­gué géné­ral de TLF – que l’on carac­té­rise aujourd’­hui par » auto­routes de la mer « . À terme, estime-t-on au Comi­té inter­mi­nis­té­riel de la mer, les lignes régu­lières qui le pra­ti­que­ront per­met­tront de reti­rer de la route des cen­taines de mil­liers de camions qui seront trans­por­tés par des navires spé­cia­li­sés (des fer­ries à poids lourds) qui trans­por­te­ront entre 100 à 150 camions ou remorques.

La pre­mière ligne de mer­rou­tage - finan­cée par l’É­tat comme n’im­porte quelle infra­struc­ture (ici, la flotte de bateaux néces­saires) recom­man­dait déjà Hen­ri de Riche­mont dans son rap­port d’a­vril 2003 – devrait voir le jour en 2006 sur l’arc Atlan­tique entre les ports Nantes-Saint-Nazaire, vrai­sem­bla­ble­ment asso­ciés à La Rochelle, et l’Es­pagne, sans doute Bil­bao. Elle vise à reti­rer de la route 350 000 remorques de camions par an et per­met­tra d’ac­croître l’ac­ti­vi­té por­tuaire de 15 à 25 % et de géné­rer la créa­tion d’un mil­lier d’emplois. Autre ligne envi­sa­gée : Fos-Savone qui a déjà été sou­mis à la Com­mis­sion de Bruxelles pour une mise de départ euro­péenne abon­dée par l’É­tat fran­çais et à des accords entre la Socié­té des auto­routes mari­times du Sud, le Port auto­nome de Mar­seille et les dockers.

Renouveau du transport fluvial

Il y a quinze ans à peine, on ne don­nait pas cher de l’a­ve­nir de la voie d’eau en France. Aujourd’­hui, le trans­port flu­vial prouve sa per­ti­nence en pro­gres­sant bien plus rapi­de­ment (+ 20% de 1997 à 2001 en nombre de tonnes-kilo­mètres, source : VNF) que les deux autres modes ter­restres de trans­port de mar­chan­dises, le rail et la route.

En 2003, si la voie d’eau a glo­ba­le­ment pré­ser­vé ses parts de mar­ché, le sec­teur des conte­neurs affiche un dyna­misme réjouis­sant : + 28 % en volume (source VNF) et la com­plé­men­ta­ri­té entre les modes s’or­ga­nise. Notam­ment avec le trans­port mari­time, comme sur la Seine, où le tra­fic tous types de fret a lit­té­ra­le­ment explo­sé (+ 80%) béné­fi­ciant du regain d’ac­ti­vi­té du port du Havre. Suivent alors le fret trans­por­té dans le bas­sin du Rhône (+ 52%) et celui du Nord-Pas-de-Calais avec + 22,7 %. Le Rhin, res­pon­sable de la moi­tié de l’ac­ti­vi­té flu­viale natio­nale, affiche une crois­sance de 10 % mal­gré les consé­quences de la séche­resse estivale.

Politique de transport fluvial

En France, la mise en œuvre de la poli­tique flu­viale est confiée par la Direc­tion des trans­ports ter­restres (DTT) à Voies navi­gables de France (VNF, éta­blis­se­ment public indus­triel et com­mer­cial) qui a com­men­cé à fonc­tion­ner à plein régime en 1994 à Béthune. L’ob­jec­tif gou­ver­ne­men­tal ins­crit dans les sché­mas mul­ti­mo­daux de ser­vices col­lec­tifs de trans­port de voya­geurs et de trans­port de mar­chan­dises, approu­vés par le décret du 18 avril 2002, consiste à valo­ri­ser le réseau exis­tant et à dou­bler le tra­fic flu­vial fran­çais en dix ans pour atteindre 13 mil­liards de tonnes-kilo­mètres par an. Au-delà, la réa­li­sa­tion pro­gres­sive de la liai­son Seine-Nord à grand gaba­rit (voir ci-après) devrait per­mettre de réa­li­ser un tra­fic addi­tion­nel de 2,3 mil­liards de tonnes-kilo­mètres par an.

Pour Jean Gadenne, direc­teur du déve­lop­pe­ment de Voies navi­gables de France, l’am­bi­tion de la voie d’eau est de mon­trer, un peu plus chaque jour, que pour le trans­port des pro­duits néces­saires au quo­ti­dien : mas­sifs, qui encombrent, lourds, etc., la voie d’eau, en les ame­nant au cœur des villes, apporte une solu­tion durable où le fac­teur vitesse ne joue plus.

Sans oublier que, en termes d’ef­fi­ca­ci­té éner­gé­tique3, 1 kg de pétrole per­met de dépla­cer sur 1 km 50 tonnes de mar­chan­dises par camion, 9 tonnes par un wagon de che­min de fer et 127 tonnes par barge sur la voie d’eau.

Réseau français et le projet Seine-Nord-Europe

Carte du futur canal de 105 km entre l’Oise et le canal Dunkerque-Escaut
Au sud et au nord du tron­çon cen­tral de la liai­son Seine-Nord-Europe, le futur canal de 105 km entre l’Oise et le canal Dun­kerque-Escaut qui, comme la Seine, fait déjà l’objet de tra­vaux de moder­ni­sa­tion, notam­ment par le relè­ve­ment des ponts.

Le réseau navi­gable fran­çais confié à VNF a une lon­gueur de 6 700 km de fleuves, rivières et canaux qui tra­versent 2 763 com­munes, 57 dépar­te­ments et 17 régions ; l’é­ta­blis­se­ment public gère aus­si – et c’est fon­da­men­tal pour avoir des connexions avec les ter­ri­toires – un domaine de 80 000 ha le long de toutes ces voies. Si la part du trans­port flu­vial dans le tra­fic de fret trans­por­té par voie ter­restre se situe pour l’heure à seule­ment 3 % en France contre 12,5 % en Bel­gique, 13,7 % en Alle­magne et 42 % aux Pays-Bas, c’est en par­tie parce que le réseau flu­vial fran­çais ne couvre que 9 % du ter­ri­toire (14 % pour la région pari­sienne). Alors que, aux Pays-Bas, la cou­ver­ture en voies navi­gables est par­ti­cu­liè­re­ment dense.

Avec l’ob­jec­tif de mettre en réseau les grands pôles éco­no­miques nord-ouest et centre euro­péens, et pour décon­ges­tion­ner le cor­ri­dor rou­tier nord-sud, tout en res­pec­tant les impé­ra­tifs du déve­lop­pe­ment durable, la liai­son flu­viale Seine-Escaut du pro­jet Seine-Nord-Europe a été ins­crite comme pro­jet prio­ri­taire euro­péen. Côté fran­çais, devant être sou­mis à DUP en 2007 et mis en ser­vice en 2012, le tron­çon cen­tral de ce pro­jet, lan­cé fin 2003, relie­ra le canal Dun­kerque-Escaut à l’Oise (voir illus­tra­tion ci-contre) pour per­mettre à terme la cir­cu­la­tion conti­nue de la flotte euro­péenne à grand gabarit.

Marchandises transportées

En tête des mar­chan­dises trans­por­tées par la voie d’eau, les pro­duits dits tra­di­tion­nels en vrac : céréales, sables, gra­viers. C’est ain­si que, en 2000, les miné­raux bruts et les maté­riaux de construc­tion consti­tuaient effec­ti­ve­ment 34 % (en tonnes-kilo­mètres) du fret de la voie d’eau, les pro­duits agri­coles 22 % et les pro­duits pétro­liers 10 %. Au total, si le char­bon, les miné­raux, les maté­riaux de construc­tion et les céréales repré­sentent encore 80 % du ton­nage trans­por­té, la voie d’eau s’ouvre à de nou­veaux tra­fics : le tex­tile, la chi­mie, l’a­groa­li­men­taire, les pro­duits semi-finis, la grande dis­tri­bu­tion… Des contrats de pro­grès sont d’ailleurs signés dans ces sec­teurs par VNF avec l’Of­fice natio­nal inter­pro­fes­sion­nel des céréales (Onic) par exemple afin de dou­bler le tra­fic de céréales par voie d’eau à l’ho­ri­zon 2010.

Le cas par­ti­cu­lier de l’é­va­cua­tion des déchets mérite d’être noté. En vrac, en balles ou en conte­neurs, les déchets ména­gers ou indus­triels voyagent de plus en plus par voie flu­viale, comme à Lille et Paris où des sché­mas logis­tiques com­plexes se mettent en place au plus près des lieux de collecte.

Des camions déposent les déchets éva­cués sur barge pour être triés, trai­tés ou valo­ri­sés tout au long de l’ar­tère fluviale.

Massifier les transports fluviaux

Puisque, à de très rares excep­tions près, le trans­port par voie d’eau ne peut être door to door, les opé­ra­teurs ont dû déve­lop­per des solu­tions inté­grées, au-delà de la seule voie d’eau et trans­por­ter les mar­chan­dises de bout en bout. Quand on sait, comme le fait remar­quer le rap­port Clé­ment-Gran­court4, qu’une par­tie signi­fi­ca­tive des tra­fics de conte­neurs par exemple, par­tant de ou arri­vant dans des dépar­te­ments fran­çais, sont aujourd’­hui détour­nés au pro­fit des ports d’An­vers, Zee­brugge et Rot­ter­dam, on com­prend l’in­té­rêt non seule­ment d’op­ti­mi­ser les ser­vices de pré- et de pos­ta­che­mi­ne­ment mais aus­si de mas­si­fier le trans­port flu­vial lui-même pour faire bais­ser les prix. On com­prend sur­tout la néces­si­té pour les opé­ra­teurs d’or­ga­ni­ser la com­plé­men­ta­ri­té entre modes de trans­port et d’of­frir des ser­vices com­plets, de bout en bout.

Car ce sont bien ces chaînes de trans­port glo­bales qui sont en concur­rence aujourd’­hui aux yeux des char­geurs ; ce qui montre l’in­té­rêt, pour les ports mari­times fran­çais, de dis­po­ser non seule­ment d’un réseau flu­vial pour irri­guer leur hin­ter­land por­tuaire, mais aus­si d’un sys­tème fer­ro­viaire effi­cace sous peine de conti­nuer à voir s’é­chap­per d’im­por­tantes parts de mar­ché à leur détriment.

Sous peine aus­si de voir s’as­phyxier com­plè­te­ment une auto­route comme l’A13 des­ser­vant le port du Havre.

Une como­da­li­té nécessaire

Pour Jean Gadenne, VNF : Char­geurs, trans­por­teurs et opé­ra­teurs por­tuaires ont besoin du mode flu­vial comme du rail et il faut étu­dier com­ment ces modes peuvent s’or­ga­ni­ser au mieux, en como­da­li­té, pour répondre à une demande socié­tale et aller plus loin que la simple inter­mo­da­li­té qui n’est autre que l’é­change entre les modes dans des lieux ou pôles amé­na­gés pour cela.

Bien orga­ni­sé, mas­sif et com­plet, le trans­port de conte­neurs sur le Rhin par exemple, à par­tir des ter­mi­naux flu­viaux alsa­ciens à des­ti­na­tion de Rot­ter­dam, est 5 à 6 fois moins cher que le même tra­jet par la route.

Même à Duis­burg, Alle­magne, pour­tant dis­tant de 200 km seule­ment de Rot­ter­dam, la route est deux fois plus chère que le trans­port flu­vial. À Duis­burg, la chaîne de trans­port, com­plexe certes mais com­plète, com­prend aus­si des trains-blocks de rabat­te­ment, ceux de Bâle accueillant les navettes fer­ro­viaires de Zurich et de Berne qui se déchargent direc­te­ment du wagon à la barge… Le rap­port Clé­ment-Grand­court va clai­re­ment dans ce sens et pro­pose d’or­ga­ni­ser une liai­son entre Duis­burg et Le Havre où une capa­ci­té existe sur les deux réseaux (fleuve et rail).

Pour que ce type d’o­pé­ra­tion réus­sisse, note Jean Gadenne (VNF), il faut réunir trois condi­tions : qu’une capa­ci­té existe sur le tra­jet concer­né, que le trans­bor­de­ment soit effi­cace et sur­tout réus­sir à sus­ci­ter un ou deux opé­ra­teurs qui montent le ser­vice com­plet et le vendent aux chargeurs.

VNF fonc­tionne alors comme « faci­li­ta­teur », par contrats de pro­grès, indis­pen­sables sur cer­tains sillons, alors que, avec la route, une telle com­plé­men­ta­ri­té existe déjà.

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1. Fee­der : petit porte-conte­neurs per­met­tant de col­lec­ter (ou de redis­tri­buer) les conte­neurs dans les ports secon­daires pour les ras­sem­bler dans les grands ports à des­ti­na­tion (ou à par­tir des) des grands porte-conteneurs.
2. Navire rou­lier (ou ro-ro, de l’an­glais roll on, roll off) : navire muni d’une pas­se­relle per­met­tant aux manu­ten­tion­naires de « rou­ler » les mar­chan­dises à bord/à terre horizontalement.
3. Source : Livre blanc. La poli­tique euro­péenne des trans­ports à l’ho­ri­zon 2010 : l’heure des choix — Com­mis­sion euro­péenne, 2001.
4. Rap­port deman­dé par Domi­nique Bus­se­reau, secré­taire d’É­tat aux Trans­ports et à la Mer, publié cou­rant 2004 dans la pers­pec­tive du déve­lop­pe­ment des tra­fics fluviaux.

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