Le développement du e‑commerce bouleverse la donne
REPÈRES
Quelques chiffres de 2013 montrent le développement du e‑commerce en France. Le chiffre d’affaires a été de 51,1 milliards d’euros, soit 13,5 % de plus qu’en 2012. À titre de comparaison, le chiffre d’affaires 2012 des 100 premières enseignes de la distribution en France est, selon la revue LSA (Libre Service Actualités), d’environ 280 milliards d’euros. 600 millions de transactions en ligne ont été effectuées et, selon la FEVAD (Féderation e‑commerce et vente à distance), 52 % de Français déclarent effectuer au moins un achat par mois sur Internet.
Qu’il s’agisse d’industriels développant une activité de vente directe ou de distributeurs gérant de multiples points de contact avec leurs clients, l’avènement du e‑commerce a entraîné plusieurs changements radicaux.
Les « zones de chalandise » ont changé de dimension et s’étendent à des territoires auparavant inaccessibles. De nouveaux modes de vente se développent, par exemple le drive – commande en ligne et enlèvement en magasin – qui est un axe fort du développement de la grande distribution.
“ Le flux de retour peut varier de 5% à 50% ”
Les lieux de livraison se multiplient : les marques livraient les distributeurs qui approvisionnaient leurs réseaux de magasins, maintenant elles doivent être capables de livrer sur l’ensemble du territoire, soit potentiellement des dizaines de millions d’adresses.
Les commandes sont morcelées : d’une livraison par jour et par point de vente à des milliers, voire beaucoup plus pour des géants comme Amazon.
Temps réel
Les clients veulent être informés en quasi-temps réel sur l’état de leur commande, de la préparation jusqu’à la livraison. Il faut être capable de traiter vite et bien le flux retour qui, selon les secteurs d’activité et les pays, peut varier de 5% à 50%.
Dans un contexte de concurrence sans merci, toutes ces évolutions ont eu un impact sur l’ensemble des dimensions de la supply chain.
Définir les bons objectifs
Avant de régler les opérations, il est impératif de bien définir le service attendu et celui que l’on souhaite offrir (objectifs de disponibilité des produits, délais de livraison ou de mise à disposition selon la localisation et les modalités de retrait – domicile, point relais, magasin, etc.) tout en anticipant l’impact sur les organisations, les points et modes de stockage, la gestion du flux, etc.
Quels investissements, quel coût des opérations ?
Quatre axes d’amélioration
Les adaptations portent principalement sur le pilotage des flux, la logistique, le transport et les systèmes d’information.
UNE CONCURRENCE TRÈS RUDE
La transparence sur les prix et la finesse des informations relatives aux comportements des consommateurs génèrent de la part des marchands une activité promotionnelle intense, qui accentue fortement la volatilité des ventes, voulue (parce que décidée) ou subie (parce qu’un concurrent l’a décidé).
En matière de pilotage, il est indispensable d’avoir une vision en temps réel des stocks des encours sur l’ensemble de la supply chain, de manière à pouvoir, selon les commandes, optimiser le cost to serve en utilisant au mieux les ressources disponibles. Ce pilotage nécessite des systèmes d’information permettant d’être en « mode automatique », de générer des alertes en cas de risque ou d’autoriser une décision humaine en cas de nécessité.
La coordination permanente entre les équipes marketing-commerce et les responsables de la supply chain est également un facteur clé de succès.
Encore plus que dans des activités traditionnelles, il est important d’être capable d’anticiper ou de réagir dans des délais brefs en fonction des situations rencontrées (par exemple moduler une promotion Web en fonction de l’écoulement des produits, des stocks et de la capacité d’approvisionnement).
Revoir la logistique physique
Deux postes sont particulièrement impactés dans une fonction qui doit s’adapter de manière très réactive pour faire face aux variations d’activité :
“ La coordination avec les services marketing et commercial est fondamentale ”
la préparation des commandes, où l’on doit passer d’une organisation capable de traiter des palettes ou des colis à une activité de détail qui va essentiellement manipuler les articles un par un (cela amène généralement à revoir les organisations, les équipements et les systèmes d’information) ; et l’emballage, activité fortement consommatrice de main‑d’œuvre et difficile à automatiser.
Livrer à domicile
Le développement du e‑commerce s’est traduit par une forte augmentation des livraisons à domicile ou en point relais. Les réseaux mis en place par les grands acteurs de la vente à distance et La Poste ont bien entendu servi de socle au développement de ces services, mais les attentes de la clientèle nouvelle, plus jeune, plus urbaine, plus technophile aujourd’hui nécessitent de fortes évolutions, notamment en matière de service comme l’extension des plages de livraison, voire la prise de rendez-vous, ainsi que le suivi de la commande en temps réel.
Investir dans le sytème d’information
PRÉPARER NOËL
Dans le e‑commerce, les pics liés à des promotions ou à la période de Noël sont souvent beaucoup plus importants que dans le commerce traditionnel et doivent être anticipés dans le cadre de processus de planification industrielle et commerciale qui permettent à l’ensemble des acteurs de l’entreprise (marketing, ventes, finance, supply chain, etc.) de s’accorder sur des prévisions d’activité.
Le système d’information est une des composantes clés dont on attend d’ajouter de « l’intelligence » pour pouvoir d’une part piloter des volumes de flux et d’information dans un mode quasi automatique ; et d’autre part offrir aux différents acteurs une visibilité sur l’ensemble de la chaîne logistique.
Les principales attentes vont porter sur les prévisions « court terme » intégrant l’analyse des comportements consommateurs, l’impact des actions promotionnelles, etc. ; le pilotage en temps réel des stocks, en boucle étroite avec la partie « offre », voire la gestion des prix ; l’optimisation des opérations de préparation en entrepôt, par une analyse fine des carnets de commandes et un ordonnancement permettant de maximiser l’efficacité tout en respectant les objectifs de délais ; la traçabilité et le reporting aux clients finaux, mais également aux autres acteurs de la chaîne ; enfin la nécessité de pouvoir établir une communication entre les systèmes des différents acteurs (clients, marchands, logisticiens, transporteurs, fournisseurs, etc.).
Appliquer une approche systémique
Le développement du e‑commerce a été initié par les évolutions des technologies de l’information, et notamment par le développement du Web. L’adaptation des supply chains est cependant un des éléments clés de création de valeur, puisque ce sont elles qui doivent rendre le rêve du client possible, dans des conditions économiques satisfaisantes pour l’ensemble des acteurs.
La supply chain du e‑commerce est exigeante et complexe à appréhender et à mettre en œuvre. C’est un excellent domaine d’application pour des esprits formés à la démarche scientifique, capables de combiner approche analytique et vision systémique, perception globale des enjeux et sens du détail, indispensable au fonctionnement d’un système gérant des millions d’activités élémentaires.