Le difficile chemin vers la nécessaire rationalisation
REPÈRES
REPÈRES
L’IGN est un établissement public de l’État à caractère administratif. Il est l’opérateur de l’État pour l’information géographique de référence. Citons les photographies aériennes (de 1921 à nos jours) : 4,5 millions ; les points géodésiques, 74 000 et repères de nivellement, 350000 ; les cartes éditées sur papier, 3600 titres et 3,7 millions d’exemplaires imprimés par an ; cartes anciennes et actuelles, françaises et étrangères (cartothèque), 500 000.
Les bases de géodonnées, 67 téraoctets au total, comprennent notamment le Référentiel à grande échelle (RGE) de précision métrique avec quatre couches d’information (topographique, photographique, parcellaire, adresses géolocalisées), l’altimétrie (mesure du relief) complète du territoire, la BD Carto (description du territoire à moyenne échelle (précision décamétrique), Géofla (limites administratives, mises à jour à partir des informations de l’INSEE, routes, réseau routier au niveau régional ou national).
Parmi les missions d’intérêt général que l’État a confiées à l’Institut géographique national figure celle consistant à constituer et tenir à jour un référentiel géographique numérique décrivant l’ensemble du territoire national.
Pourquoi cette mission et pourquoi est-elle d’intérêt général ? Tout simplement parce qu’un tel référentiel est indispensable au bon fonctionnement d’un pays comme le nôtre et qu’il n’existerait pas sans l’initiative de l’État. Il est indispensable, car un grand nombre d’administrations et d’entreprises utilisent quotidiennement l’information géographique.
Les systèmes d’information géographique sont devenus des outils irremplaçables
Pour beaucoup d’entre elles, notamment celles intervenant dans les domaines des transports, de l’urbanisme, des réseaux, de l’aménagement, de la protection de l’environnement, des secours aux personnes ou de la prévention des risques, les systèmes d’information géographique sont même devenus des outils irremplaçables.
Il n’existerait pas sans l’initiative de l’État, car le marché ne le produirait pas spontanément avec les spécifications requises au regard des besoins. Il se passerait ce qu’on a constaté pour la téléphonie mobile ou l’Internet à haut débit, seules seraient couvertes les zones pour lesquelles l’investissement initial et les dépenses de mise à jour qu’il représente seraient susceptibles d’être financés par des recettes.
Nous ne disposerions ainsi, au gré des initiatives des uns et des autres, que d’une mosaïque incomplète de référentiels dissemblables ayant des précisions, des échelles et des contenus différents.
Garantir la disponibilité d’un référentiel socle homogène et de qualité connue
Certains objecteront qu’il existe maintenant une cartographie mondiale facilement et gratuitement accessible au moyen d’Internet et que par ailleurs, grâce aux géonavigateurs et à la géocollaboration, le moment est proche où les cartes seront élaborées par les citoyens eux-mêmes sans qu’il en coûte aux contribuables. Outre que les éditeurs de globes virtuels s’approvisionnent en données géographiques directement ou indirectement auprès des instituts nationaux de géographie, rien ne garantit, avec un degré de certitude en rapport avec les besoins des États, la disponibilité, l’homogénéité et l’actualité de cette cartographie ou de celle émanant de réseaux sociaux.
Un système numérique intégré de description du territoire
Géoportail et géocatalogue
Ces outils permettent de consulter l’ensemble des informations visualisables en 2D ou 3D et éventuellement de les télécharger. De plus, tout utilisateur peut interfacer son propre site grâce à l’API (Application Programming Interface) et visualiser en fond d’écran les couches d’information du Géoportail.
www.geoportail.fr (15 millions de visites en 2009).
Telles sont les raisons qui ont conduit l’État à demander à l’IGN de constituer et tenir à jour un référentiel décrivant l’ensemble de la France avec une précision métrique, au moyen de quatre grandes bases de données numériques : une base orthophotographique délivrant une vue aérienne verticale et continue du territoire composée de pixels positionnés dans le système légal de référence, une base topographique décrivant notamment les réseaux de transports, les cours d’eau, les bâtiments, le relief et la végétation, une base parcellaire restituant les parcelles cadastrales sous la forme d’un continuum national et une base d’adresses localisant les 28 millions d’adresses françaises. Les objets décrits par ces bases sont exactement superposables. Ce référentiel, commencé en 2000, a été achevé en 2008. Il est, depuis, mis à jour en continu.
Gagner en efficacité
La situation est-elle pour autant satisfaisante ?
Malheureusement non.
La plupart des autorités publiques, services de l’État, régions, départements, intercommunalités, communes, se sont dotées de référentiels et de systèmes d’information géographique pour pouvoir exercer leurs responsabilités. Elles les ont légitimement conçus de façon à ce qu’ils répondent le mieux possible à leurs besoins propres.
Des économies et des gains d’efficacité peuvent être retirés d’une rationalisation
Mais, si une cartographie communale suffit pour gérer les affaires de la commune, y compris lorsque cette cartographie est différente de celle des communes adjacentes par son contenu ou son échelle, on comprend bien en revanche que le conseil général ait besoin, pour administrer les affaires départementales, d’un référentiel couvrant l’ensemble des communes du département de façon homogène.
De la même façon, la gestion des affaires départementales n’exige pas que le référentiel du département obéisse aux mêmes spécifications que celui de ses voisins, alors que cette similitude présenterait l’avantage d’éviter à la région de constituer sa propre cartographie. Et ainsi de chaque niveau d’administration au niveau immédiatement supérieur, jusqu’à celui de l’État, voire de l’Union européenne.
Le chantier est ouvert
Un moyen de développer l’administration électronique
La situation ainsi décrite, en dessous de la réalité si l’on considère qu’au sein d’organismes importants il n’est pas rare de constater que plusieurs systèmes d’information géographique utilisant des référentiels différents ont été développés, donne une idée des économies et des gains d’efficacité qui pourraient être retirés d’une rationalisation de la production et de l’utilisation de l’information géographique.
Le chantier est ouvert. La création de plateformes régionales d’information géographique associant de nombreux partenaires et le début de la mise en oeuvre de la directive européenne Inspire, qui vise à créer les conditions d’un partage des données géographiques entre autorités publiques aussi libre que possible, en sont les traductions les plus concrètes.
En raison du nombre des acteurs qu’il implique, mais aussi parce qu’il ne peut être mené que sur une base volontaire et consensuelle, ce travail de rationalisation est une tâche de longue haleine.
Rallier le plus grand nombre
La mer et le littoral
L’établissement public de l’État chargé de la cartographie marine est le http://www.shom.frSHOM (Service hydrographique et océanographique de la marine, http://www.shom.fr). Compétent sur l’acquisition, le traitement et la mise en forme des données sur l’environnement marin, sa triple vocation porte sur l’information nécessaire à la sécurité de la navigation, celle relative à l’environnement hydrographique, océanographique et météorologique pour les besoins de la défense, celle enfin nécessaire aux politiques publiques, par exemple à la gestion intégrée des zones côtières. Il coproduit avec l’IGN le modèle Litto3D de données de précision (altimétrie et bathymétrie) sur le littoral, notamment sur l’estran, ainsi qu’une cartographie terre-mer, Scan Littoral, accessible via le Géoportail.
L’une des conditions de son accélération est que le plus grand nombre possible d’administrations de l’État et de collectivités territoriales utilise le même référentiel sous-jacent.
Outre l’économie que cela représenterait pour les finances publiques, ce serait également un moyen de développer l’administration électronique et les possibilités d’accomplir des formalités en ligne ; environ 70 % des actions ou décisions des administrations comportent une dimension géographique, et beaucoup d’entre elles sont liées par nature ou parce que certaines compétences sont partagées entre plusieurs autorités.
Développer des procédures électroniques de manière transversale sur la base d’un même référentiel géographique serait infiniment plus efficace que de juxtaposer des systèmes en « tuyaux d’orgue » souvent incapables de communiquer.
Faciliter l’accès au référentiel à grande échelle de l’IGN
La généralisation d’un référentiel socle présentant ces avantages collectifs tout en permettant aux acteurs publics d’y » accrocher » leurs données métier ou d’y ajouter, à leur convenance, des couches de description du territoire, plus résolues ou plus précises en fonction de leurs besoins spécifiques, suppose qu’il soit facilement accessible. Avec le soutien de l’État, le Conseil d’administration de l’IGN a donc décidé de diffuser le référentiel à grande échelle de l’Institut au seul coût de reproduction et de diffusion des données concernées dès lors qu’il sera destiné à l’exercice d’une mission de service public ne revêtant pas un caractère industriel ou commercial et, ainsi, de mettre fin à l’antinomie entre la vocation de ce référentiel à être le plus largement utilisé et sa diffusion aux autorités publiques à titre onéreux.
Ces nouvelles modalités de diffusion ne seront pas en soi suffisantes pour parvenir à la rationalisation éminemment souhaitable de la production et de l’utilisation de l’information géographique dans notre pays, mais leur mise en œuvre en est une condition absolument nécessaire.
Le plan cadastral informatisé
La géo-information cadastrale (parcellaire et attributs) est évidemment une composante indispensable du référentiel à grande échelle. Elle trouve sa source dans le plan cadastral, qui couvre tout le territoire (602000 plans organisés par section cadastrale et par commune) et est produit et géré par le ministère du Budget (Direction générale des finances publiques – DGFiP). L’informatisation du plan cadastral a démarré dans les années 1990, à la demande des collectivités territoriales qui en ont financé la numérisation, sous le contrôle de la DGFiP, qui a, pour sa part, scanné les plans restant non numérisés.
À partir de 2001, cette informatisation a permis à l’IGN, en accord avec la DGFiP, de constituer la couche parcellaire du RGE, sous une forme adaptée en géométrie et en continuité d’une commune à l’autre. Cette couche dite » parcellaire » est maintenant disponible et consultable sur le Géoportail en superposition avec les autres couches du RGE (topographique, photographique, adresses).
Conscients des problèmes que pose l’existence de deux géométries du découpage parcellaire, la DGFiP et l’IGN s’efforcent de les faire converger.