LE DOSSIER PYTHAGORE
Au vu de la littérature bon marché sur Pythagore, le lecteur potentiel a lieu de s’inquiéter et de se demander si on ne lui propose pas ici une nième hagiographie du grand sage ? Heureusement, il se rendra rapidement compte que le sujet est abordé sérieusement, après examen d’un grand nombre de sources, et que le titre de l’essai, Le dossier Pythagore, est judicieux.
Brémaud fait une remarquable synthèse des faits historiques et des mythes éparpillés dans la littérature. Il nous rappelle que les pythagoriciens formèrent une secte, avec une initiation et des rituels, mais aussi une école avec un programme politique et philosophique qui prospéra pendant un millénaire, de la fin du VIe siècle avant notre ère au début du VIe siècle après le Christ, lorsque l’empereur Justinien ordonna la fermeture de l’Académie d’Athènes.
L’auteur replace la vie de Pythagore dans le contexte historique et religieux de l’époque, qui est celui de la transition de la Grèce archaïque à la Grèce classique. Il discute également de la possibilité d’une connexion du pythagorisme et de la religion égyptienne, et il attire l’attention du lecteur sur le parallélisme étonnant entre les vies de Pythagore et du Bouddha.
Il pointe sur le ralliement de Copernic, de Kepler et de Newton à la bannière de Pythagore, et sur les liens entre le pythagorisme et la Cabbale. Un chapitre est consacré aux relations entre pythagorisme et orphisme, et un autre aux rapports ambigus de l’Église avec le pythagorisme, mélange de fascination et de rejet. L’auteur nous rappelle l’existence de l’extraordinaire basilique souterraine de la Porta Maggiore à Rome, expression du pythagorisme romain du début de notre ère, qui précède de deux siècles les basiliques chrétiennes. Il en profite pour nous plonger dans un climat de conspiration, mettant en relief, à l’occasion de la visite de cet incroyable monument soutiré à la vue du public, l’occultation selon lui loin d’être innocente de la mémoire de Pythagore, et qu’il attribue de façon convaincante à l’antagonisme millénaire entre chrétiens et pythagoriciens.
Alors que les premiers croient en la préséance de Dieu sur le Cosmos, les seconds affirment le contraire.
La dernière partie du livre (près de la moitié) contient une discussion plus technique, mais facilement compréhensible par un public non spécialisé, des idées pythagoriciennes en musique, en théorie des nombres, en géométrie et en astronomie. On y aborde en particulier l’histoire du théorème de Pythagore, de l’Inde à la Grèce en passant par la Mésopotamie.