Le Dragon de l’Est
De 1937 à 1939, l’ingénieur des Ponts et Chaussées coloniaux Henri Maux (20 N) est envoyé en Chine par la Société des Nations, comme conseiller technique auprès du gouvernement de Chiang Kai-shek, et pour coordonner le travail des jeunes ingénieurs chinois qui rentraient de l’étranger. Mais c’est alors que débute la longue guerre (huit ans) sino-japonaise. La mission de Maux évolue donc, et va très vite consister à inspecter toutes les voies de communication dans le centre et le sud du pays, dont la route de Birmanie, seule capable de désenclaver Chungking, la nouvelle capitale chinoise.
Le livre est la chronique des différents déplacements d’Henri Maux pour réaliser sa tâche d’expert SDN et de conseiller très écouté du gouvernement chinois. Déplacements nombreux et souvent très périlleux, tâche difficile parce qu’aux impératifs contradictoires : faire respecter la neutralité de la SDN, aider un gouvernement entraîné dans une guerre défensive.
Mais mission réussie ! La détermination d’Henri Maux, sa connaissance approfondie du pays, les risques qu’il n’hésite pas à prendre, les liens d’amitié qu’il noue avec ses collègues chinois forcent l’estime des dirigeants chinois et lui donnent une grande “ face ” en Asie. La fin de sa mission coïncide avec les bouleversements de l’Europe, et il regagne la France. Mais, la guerre 39–45 terminée, c’est lui qui, à la demande du gouvernement chinois, fondera et dirigera la mission économique française en Chine.
Ce livre présente un intérêt historique certain : à travers la chronique de cette mission, c’est toute l’élégance tourmentée de l’Ancien Continent que l’on revit, de l’Indochine coloniale – le grand voisin méridional de la Chine –, jusqu’à la pénétration japonaise en passant par l’agonie de la SDN et les revirements successifs de la politique de la France. Cet ouvrage est d’ailleurs publié avec le concours du ministère des Affaires étrangères.
C’est aussi l’histoire d’un jeune couple qui vit dans le courage et la dignité les pérégrinations d’Henri Maux. Donnons un exemple de ce courage partagé dans le couple : la recherche que fit Maux de son meilleur ami et collègue hydraulicien hollandais François Bourdrez, disparu avec toute son équipe au cours d’une mission sur le Haut Yangtzé. Maux avait décidé de continuer ses recherches jusqu’à ce qu’il eût une certitude. Ayant retrouvé le corps de son ami, Maux réussit cette mission qu’il s’était donnée à lui-même.
L’auteur du livre, Antoinette Maux-Robert (Épouse de Claude Robert (56)), est la fille d’Henri Maux. Bénéficiant de documents familiaux et professionnels, et ayant consacré plus de dix ans à consulter des archives et recueillir des témoignages concernant son père, elle a soumis son manuscrit à différents sinologues et chercheurs spécialisés. Dans un style alerte, elle narre avec beaucoup de tact ce que fut cette tranche de vie de son père. Certaines descriptions de paysages sont d’une beauté originale, et les photos prises en noir et blanc par son père sont d’une remarquable esthétique.
Un véritable “ livre d’histoire ”, passionnant, sur cette période si peu connue en France.