« Le droit : un outil indispensable à maîtriser, quel que soit le métier »
On ne compte que neuf avocats parmi les anciens élèves de l’École polytechnique, un peu moins que d’artistes et un peu plus que d’hommes de lettres. À eux deux, les frères Pichard, Bruno (82) et Christophe (85), se posent en spécialistes du droit des affaires, ayant développé entre autres, pour l’un une connaissance particulière des accords industriels, et pour l’autre du droit de l’informatique et des nouvelles technologies.
Avec leur troisième frère Hervé (HEC-Harvard), ils ont repris le cabinet familial. C’est Christophe, vice-président en titre, qui anime le groupe X‑Droit et en commente ici les buts et le mode de fonctionnement.
Appliquer la règle
Non-concurrence
Un bon exemple d’évolution des règles est celui de la clause de « non-concurrence ». Celle-ci interdit à un salarié d’aller travailler chez un concurrent pendant une certaine durée après avoir quitté l’entreprise. Cette clause a longtemps été imposée au salarié sans contrepartie.
Aujourd’hui elle doit être « rémunérée », c’est-à-dire que le salarié signataire doit être dédommagé financièrement. Se pose alors la question de la base à retenir pour calculer cette rémunération, voire celle de supprimer purement et simplement la clause. Compte tenu de la jurisprudence récente, cette question est d’autant plus sensible pour les salariés devenant actionnaires qui souscrivent un tel engagement dans le cadre d’un pacte d’actionnaires.
« Chef d’entreprise ou cadre dirigeant, tout responsable a besoin de s’appuyer sur le droit, quel que soit son métier », affirme d’emblée Christophe Pichard.
« Certes, le droit apparaît parfois comme déroutant aux yeux des esprits scientifiques. Comment peut-on, d’un tribunal à l’autre, rendre des décisions qui paraissent contradictoires, ou même se déjuger en modifiant la jurisprudence ?
« En fait, ce qui compte, c’est d’établir la règle (qui peut évoluer au fil du temps) et, une fois les faits qualifiés, tout se déroule de la façon la plus logique qui soit.
La démarche est donc très accessible aux ingénieurs, et notre but est de la faire mieux connaître. »
Réunir experts ou profanes
« Le groupe X‑Droit a d’abord été constitué, il y a une dizaine d’années, parmi les quelques polytechniciens spécialistes, rappelle Christophe Pichard. Nous voulions d’abord échanger nos expériences entre nous.
« Aujourd’hui, nous poursuivons ce type de réunions, généralement organisées autour d’un sujet ou d’un expert. Par exemple, nous avons reçu le président de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) et quelques personnalités venues commenter les problèmes de rémunération des dirigeants ou ceux des successions et donations.
Mais nous cherchons aussi à intéresser des non-spécialistes, parfois en collaboration avec d’autres Groupes X.
« Par exemple, nous avons organisé avec X‑Expertise, qui regroupe surtout des experts judiciaires, une réunion sur le thème de l’arbitrage, avec Gérard Worms (55), président de la Chambre de commerce international.
« Avec X‑Propriété intellectuelle, nous avons débattu du droit des entreprises sur les créations de leurs employés, en particulier les logiciels : à qui appartiennent-ils ?
« Nous attirons ainsi des conseillers en droit de la propriété industrielle, mais aussi des notaires, des experts-comptables ou des juges aux tribunaux de commerce. »
Un métier qu’on aime
Pourquoi consacrer un temps non négligeable à l’animation de ce groupe ?
« J’ai plaisir à faire partager les spécificités d’un métier que j’aime, répond Christophe Pichard. Il est satisfaisant de sensibiliser des dirigeants de formation scientifique à un sujet qui ne se met pas en équations mais qui demande néanmoins de la rigueur.
« Parfois, aussi, le groupe peut répondre à des questions difficiles posées par l’un des membres.
« Enfin, chacun peut échanger ses expériences ou ses recommandations. »
Pas de cotisation
Les réunions du groupe X‑Droit se déroulent le plus souvent sous forme d’un petit-déjeuner à la Maison des X, autour d’un conférencier expert d’un sujet. Elles réunissent vingt à trente personnes qui contribuent aux frais (30 euros environ). Le groupe ne perçoit pas de cotisation. Sont considérés comme « adhérents » la vingtaine de fidèles qui participent à la majorité des réunions.
Propos recueillis
par Jean-Marc Chabanas (58)