Le financement de l’hydroélectricité à l’international

Les projets hydroélectriques dans les pays en voie de développement posent un problème de financement, dans la mesure où ils sont très coûteux, souvent transfrontaliers et souvent risqués. Il faut donc faire preuve d’imagination et de volontarisme pour sécuriser ces projets et pour mobiliser toutes les parties prenantes. Après une période de désaffection, les institutions financières internationales reviennent vers ces programmes qui ont tout leur intérêt dans le contexte de la lutte contre le changement climatique.
L’hydroélectricité joue un rôle essentiel dans la transition énergétique mondiale en offrant une source d’énergie renouvelable stable, permettant de réduire la dépendance aux énergies fossiles. Cependant, son financement reste un défi complexe, marqué par des investissements initiaux élevés, des risques géopolitiques et les particularités inhérentes aux grands projets d’hydroélectricité, tels que la variabilité hydrologique et les contraintes géologiques. Les modèles économiques appliqués à ces projets doivent être adaptés aux réalités locales et régionales pour garantir leur viabilité financière et leur attractivité pour les investisseurs.
Les particularités des projets transfrontaliers
Les projets hydroélectriques de grande envergure sont souvent transfrontaliers, exploitant des bassins hydrologiques partagés entre plusieurs pays. Ces projets présentent des défis uniques, surtout en termes de financement, car ils nécessitent la coopération entre plusieurs États aux cadres réglementaires et priorités nationales divergents. Les initiatives réussies sont encadrées par des autorités de bassin, comme la Zambezi River Authority (ZRA) et l’Organisation pour la mise en valeur du fleuve Sénégal (OMVS), qui facilitent la coopération en définissant des cadres de gouvernance pour le développement de ces infrastructures partagées. Le barrage de Batoka, situé entre la Zambie et le Zimbabwe, a été développé grâce à une forte implication de ZRA, avec un modèle innovant. Le barrage est partagé entre les deux pays, tandis que chacun des deux pays développe une usine sur son propre territoire. Ce modèle permet de s’adapter aux forces des marchés locaux, tout en optimisant les ressources partagées.
Le levier des partenariats public-privé
Les partenariats public-privé (PPP) sont une solution viable pour financer des projets d’hydroélectricité à grande échelle. Ces partenariats permettent aux États de tirer parti de l’expertise et des ressources du secteur privé, tout en conservant un contrôle sur des infrastructures stratégiques. Les barrages de Kaleta et Souapiti en Guinée illustrent le succès de cette approche : ces infrastructures de plus de 700 MW fournissent une énergie précieuse au réseau guinéen et soutiennent l’interconnexion régionale. Néanmoins, ces PPP soulèvent des questions cruciales sur l’engagement des États et sur leur implication dans la dette publique. Quelle est la capacité des États à maintenir un équilibre budgétaire face aux coûts élevés des grands ouvrages ?
Les contrats d’achat-vente à long terme
Les contrats d’achats vente d’électricité à long terme sont cruciaux pour rassurer les créanciers. En sécurisant des tarifs fixes, une couverture adéquate du risque hydrologique et du risque d’enlèvement, ou des mécanismes de rémunération fondés sur la performance, ces contrats permettent aux investisseurs de planifier leurs investissements avec plus de certitude, minimisant ainsi les impacts des fluctuations du marché et du climat. La solidité des acheteurs publics reste cependant un facteur de risque important.
Le risque des tiers pour les ouvrages en cascade
La gestion des cascades hydrauliques est également un point d’attention. Dans les pays en développement, pour faciliter le financement des projets, les concessions sont octroyées sur un site. Se matérialise alors le risque des ouvrages amont. Certains pays proposent la création d’un régulateur de la cascade. Opter pour ce modèle, tout en rassurant les créanciers des ouvrages aval, nécessite une grande confiance dans les institutions des pays hôtes. Une gestion via des contrats entre acteurs privés peut ainsi paraître plus simple à mettre en œuvre et éventuellement plus rassurante pour les créanciers.
Transformer le marché pour l’offre des grands projets emblématiques
Le mégaprojet du Grand Inga en République démocratique du Congo illustre à la fois le potentiel immense et les défis institutionnels des grandes infrastructures hydroélectriques. Le projet, avec son potentiel de 40 GW, est souvent présenté comme capable d’alimenter le continent africain et au-delà. Cependant, sa réalisation est freinée par les défis financiers liés à la fragilité institutionnelle et la taille réduite des marchés locaux et régionaux, ainsi que par la complexité des infrastructures de transport nécessaires.
Aujourd’hui on envisage l’ajout de capacités de production d’hydrogène vert pour rendre le projet plus attractif, par la diversification de ses produits et sources de revenus. Le barrage de Rogun, le plus haut au monde, au Tadjikistan, présente des défis similaires en matière de financement. Il s’agit encore une fois de trouver un marché solvable pour une énergie abondante, dont le coût de revient unitaire est très compétitif mais dont le coût total rend son financement compliqué dans un petit marché.
Le rôle des institutions financières internationales
Les institutions financières internationales (IFI) ont longtemps hésité à financer de nouveaux projets hydroélectriques, mais elles ont récemment manifesté un regain d’intérêt pour eux et ont repris le financement de l’hydroélectricité, en commençant par des projets de réhabilitation, notamment en Asie centrale. Les IFI jouent un rôle croissant pour rendre « bancables » les grands projets hydroélectriques de la région.
“Les institutions financières internationales ont repris le financement de l’hydroélectricité.”
La mise en œuvre de nouveaux projets hydroélectriques dans des contextes variés exige des réflexions approfondies sur les marchés énergétiques, l’intégration régionale et l’adaptation des financements aux réalités locales. La complexité des financements et des coopérations transfrontalières, combinée aux défis environnementaux et sociaux, impose une approche collaborative.