Le fonds d’amorçage, un bon atout pour start-up
Le « capital-amorçage », finançant les projets sur leurs premiers stades de développement, souvent précommercial, est le stade amont de l’activité plus générale de capital-risque accompagnant de jeunes entreprises innovantes à fort potentiel de croissance jusqu’au stade de la rentabilité.
Il se distingue d’autres modes de soutien (incubateurs, subventions, etc.) en ce qu’il est étroitement associé à un objectif de valorisation financière de l’entreprise investie par l’investisseur en capital.
À la fin des années 1990, le financement des jeunes entreprises innovantes croît de manière spectaculaire, sous l’impulsion des bons résultats aux États-Unis, portés principalement par l’avènement de la « nouvelle économie ».
La France n’est pas en reste : les levées de fonds de capital-investissement sont multipliées par dix entre 1997 et 2000, le « nouveau marché » apparaît comme un succès appelé à durer.
Valoriser la recherche publique
Financé par les recettes de l’introduction en Bourse de France Télécom, l’appel à projets du 24 mars 1999 s’inscrivait dans le cadre plus général des réflexions autour de la valorisation de la recherche publique.
“ Créer un réseau de compétences d’investissement en France ”
L’État avait lancé un appel à projets auprès des organismes de recherche « Incubations et capital-amorçage des entreprises technologiques », doté de 300 millions de francs au total, dont 150 millions pour la création de fonds d’amorçage, dont l’objectif était d’encourager la création d’entreprises technologiques innovantes susceptibles de valoriser le potentiel de recherche des laboratoires publics.
Ce programme a contribué à créer un réseau de compétences d’investissement en France mais n’a pas atteint la rentabilité.
Un relatif échec
La rentabilité financière n’est pas au rendez-vous de cette première génération. Pour 100 euros investis, 57 euros devraient être rendus (et peut-être moins car seulement 40% des participations ont été liquidées aujourd’hui).
D’où vient ce relatif échec ?
Les spécifications des cibles de ce premier programme ont été trop précises et ont ignoré les conditions économiques du succès.
Ce programme reposait sur un positionnement très technologique, visait uniquement les laboratoires de recherche publics tout en encourageant les sorties précoces. Il est caractéristique de l’état d’esprit de cette période précédant la crise de 2001 pendant laquelle technologie rimait directement avec profit, sans considération des structures de marché.
Mais ce programme a eu une vertu : il a permis de créer en France un premier embryon de compétences d’investissement, avec la création de nouvelles sociétés de gestion ou de pôles dédiés à l’amorçage dans des sociétés existantes.
Choisir le bon moment
DEUX CENTS ENTREPRISES LANCÉES
Le programme initial a financé onze fonds et sociétés de capital-risque, thématiques (informatique, biotechnologies, écotechnologies, etc.) ou régionaux et a contribué à structurer le paysage français de l’amorçage. La part publique (État, plus Caisse des dépôts et consignations) était de 41 %. Celle du nouveau programme public est de 50 % (fonds national d’amorçage).
Avec un taux de survie entre 65 et 70 %, le programme a permis de financer plus de 200 entreprises. Les 204 entreprises « investies » ont créé environ 1 700 emplois. Trois entreprises sont entrées en Bourse, 31 entreprises ont été cédées à un industriel et 13 entreprises à des investisseurs financiers.
Cette expérience doit permettre de mieux concevoir les prochaines politiques publiques en faveur du financement des start-ups.
Ce programme était le premier à financer en France la création d’entreprises innovantes par du capital- risque, un retour d’expérience était nécessaire. S’il n’a permis de répondre à toutes les questions que l’on peut se poser, il a permis de dégager des grandes tendances pour le financement de ces jeunes pousses.
À quel moment doit-on financer une entreprise avec du capital-amorçage ?
Une start-up est une organisation particulière : c’est un groupe resserré tout entier tourné vers la recherche dans l’urgence d’un modèle économique viable. Pour ne pas prendre de risque démesuré qui détruirait leur rentabilité, les fonds qui investissent dans des start-ups ne doivent pas investir prématurément, et laisser les fondateurs développer quelques briques de concept en vivant sur leur capital personnel ou sur d’autres dispositifs à base de subventions (bourses, concours).
Ne pas respecter ce principe, c’est se condamner à des rentabilités négatives qui feront fuir les investisseurs.
Des emplois durables et qualifiés
Le capital-amorçage est-il le bon outil pour financer des start-ups ?
D’autres modèles seraient imaginables : soutien par des business angels, fonds sectoriels de capital-investissement investissant à tous les stades de développement pour mutualiser les risques et capables de suivre les start-ups jusqu’à ce qu’elles soient valorisables, financement subventionnel par la puissance publique, soutien à des outils de valorisation.
Pour l’instant, les premiers fonds d’amorçage n’atteindront pas l’équilibre financier et auront donc de fait une part subventionnelle, mais le retour d’expérience pris en compte pour les programmes ultérieurs (France Investissement, Fonds national d’amorçage, etc.) laisse espérer un résultat financier positif.
D’ores et déjà, un rapide calcul permet de considérer que le rapport « capital détruit/ emploi » est satisfaisant (autour de 10 000 euros par emploi), d’autant qu’il s’agit au moins pour moitié d’emplois durables et fortement qualifiés.
Des sorties lucratives
Le maillon faible en France est-il celui de l’amorçage ?
Aux États-Unis comme en France, les succès, mesurés par les introductions en Bourse, sont très concentrés : les meilleurs fonds ont des équipes qui sont maintenant capables de gérer des introductions en Bourse. Cela relativise également la « chaîne » théorique qui voulait qu’une entreprise passe par des financements en capital-amorçage, puis risque, puis développement. Par choix ou par impossibilité de sortir plus tôt, certains fonds ont porté les start-ups jusqu’à leur cotation.
“ Il ne faut pas investir prématurément ”
Après l’amorçage, les entreprises doivent pouvoir avoir accès au marché du capital-risque ou capital-investissement aux stades ultérieurs. C’est en effet lors de la vente des parts qu’un fonds réalise ses performances. Dans un système où les échecs sont très nombreux, la possibilité de réaliser quelques sorties lucratives doit exister. Mais la puissance publique doit s’interroger sur ces sorties.
Schématiquement deux cas sont possibles. Soit l’entreprise parvient à devenir un champion mondial indépendant. Cela passe par une consommation importante de fonds donc une introduction en Bourse.
Soit elle permet des synergies importantes avec un acteur important du secteur qui la rachète et lui fait bénéficier de son envergure et de son réseau commercial. Et pour que la transaction soit rentable pour les actionnaires, il faut généralement intéresser plusieurs acteurs.
Retenir nos champions
Aujourd’hui, la place boursière française, par manque de compétences de valorisation, ne parvient pas à retenir nos champions. Et nous ne disposons pas de consolidateur européen dans le domaine du numérique.
Dans ce contexte, il faut s’interroger sur l’intérêt pour l’État de soutenir indistinctement de jeunes entreprises dans des secteurs où leur croissance passera forcément par le rachat par des acteurs en situation de quasi-monopole ou duopole (souvent des géants américains) et donc qui capteront toute la valeur ajoutée.
Cela passe probablement par deux actions : acquérir à Paris des compétences d’analyse financière des nouveaux modèles économiques qui rendront possibles les introductions boursières en France ; limiter le soutien par les pouvoirs publics aux business-models qui n’ont d’autres alternatives que le rachat par un géant américain du numérique.