Le futur comme déterminant du présent :

Dossier : La gestion des incertitudesMagazine N°632 Février 2008Par William DABPar Lucien ABENHAIM

En matière de san­té, la ges­tion des risques se fait sou­vent sous fortes contraintes d’in­cer­ti­tudes scien­ti­fiques. De nou­velles approches per­mettent de capi­ta­li­ser sur l’ac­quis scien­ti­fique pour anti­ci­per l’ef­fet des déci­sions actuelles. Une nou­velle ingé­nie­rie déci­sion­nelle est en train d’é­mer­ger qui demande de com­bi­ner quan­ti­fi­ca­tion des risques et débat public sur les cri­tères de choix à rete­nir dans la ges­tion des risques. La ques­tion de savoir ce qui consti­tue ou pas un risque sani­taire sera struc­tu­rante dans les pro­chaines années.

La sécu­ri­té sani­taire des popu­la­tions et la ges­tion des crises de san­té publique font appel aux notions d’é­va­lua­tion et de ges­tion des risques. Le risque est ain­si le concept cen­tral autour duquel s’or­ga­nisent les pra­tiques des acteurs scien­ti­fiques, tech­niques, indus­triels, admi­nis­tra­tifs, poli­tiques, judi­ciaires, asso­cia­tifs et média­tiques1. Ces dif­fé­rents acteurs par­tagent-ils une vision com­mune du risque ? À l’é­vi­dence non. Dans une ratio­na­li­té car­té­sienne, il existe un risque » objec­tif » que la science pour­rait mesu­rer rigou­reu­se­ment et un risque » sub­jec­tif » qui serait per­çu par les citoyens et les déci­deurs. Toute la dif­fi­cul­té de la ges­tion des risques pro­vien­drait alors du hia­tus entre le réel et le per­çu. Ce déca­lage serait lié à l’ir­ra­tio­na­li­té ambiante et il convien­drait donc d’a­mé­lio­rer la culture scien­ti­fique et tech­nique de la popu­la­tion pour une péda­go­gie des risques.

Évaluation et gestion du risque

Une autre dis­tinc­tion cou­rante sépare le domaine de l’é­va­lua­tion du risque qui relè­ve­rait d’une logique pure­ment scien­ti­fique, de celui de la ges­tion des risques qui serait néces­sai­re­ment de nature poli­tique, sous-enten­du pas tou­jours mue par de seules consi­dé­ra­tions cog­ni­tives. Mettre à l’a­bri l’é­va­lua­tion des risques des contraintes de leur ges­tion est ain­si la moti­va­tion issue des grandes crises sani­taires des années quatre-vingt et quatre-vingt-dix, qui a abou­ti à la créa­tion d’un impor­tant réseau public d’a­gences de sécu­ri­té sani­taire2. Pour être pré­cis, la pre­mière des agences créées, l’A­gence du médi­ca­ment (1993), cumule un rôle d’ex­per­tise, de déci­sion et de contrôle. Mais les agences créées par la suite auront plus des rôles d’é­va­lua­tion que de ges­tion et comme le dit D. Tabu­teau2 : » L’en­jeu est de déga­ger les actions de sécu­ri­té sani­taire de consi­dé­ra­tions autres que sani­taires, c’est-à-dire de consi­dé­ra­tions éco­no­miques, poli­tiques voire sociales. » Force est de consta­ter que, de plus en plus sou­vent, la science n’est pas en mesure d’é­va­luer les risques sur la base de don­nées objec­tives qui font défaut. Cela a pour prin­ci­pale impli­ca­tion de mettre les déci­deurs dans une situa­tion d’in­cer­ti­tude plus ou moins com­plète dou­blée d’une fré­quente absence de consen­sus par­mi les scien­ti­fiques, voire d’une situa­tion de vive contro­verse. Quand bien même des don­nées rigou­reuses seraient dis­po­nibles, il ne peut pas en décou­ler ipso fac­to une conduite à tenir. Qu’il s’a­gisse de défi­nir des cri­tères d’im­por­tance des risques et de prio­ri­tés d’ac­tion, de choi­sir des indi­ca­teurs à visée déci­sion­nelle pour fixer des objec­tifs, de sélec­tion­ner un modèle mathé­ma­tique pour simu­ler une réa­li­té mul­ti­fac­to­rielle, de sélec­tion­ner une stra­té­gie d’in­ter­ven­tion, il existe for­cé­ment un espace dans lequel les déci­deurs vont pro­je­ter leurs cri­tères de satis­fac­tion et leurs pré­fé­rences. Dans ce contexte, la sépa­ra­tion éva­lua­tion-ges­tion est loin d’être claire. Pour com­prendre les impli­ca­tions de ces ques­tions, il faut avant tout réa­li­ser que les risques sani­taires ont chan­gé de visage3.

Un monde plus sûr mais plus risqué

Les risques sani­taires ont chan­gé de visage

Il n’est pas exa­gé­ré de dire que jamais les ques­tions de san­té et de sécu­ri­té n’ont fait l’ob­jet d’une atten­tion aus­si grande qu’au­jourd’­hui. La ges­tion cala­mi­teuse du dos­sier de l’a­miante dans les années quatre-vingt ne doit pas faire oublier les impor­tants pro­grès sani­taires liés à l’a­mé­lio­ra­tion de la qua­li­té des milieux de vie et à celle des condi­tions de tra­vail. Mais alors même que l’ac­tion pré­ven­tive vis-à-vis de cer­tains risques pré­va­lents comme le tabac, l’al­cool ou l’o­bé­si­té reste impar­faite, voi­là que des risques nou­veaux émergent à un rythme inégalé.

Une mul­ti­tude de nou­veaux risques
Des risques nou­veaux émergent à un rythme inéga­lé en rai­son de la mon­dia­li­sa­tion de l’économie et des nou­velles tech­no­lo­gies qui se répandent à grande vitesse dans dif­fé­rents secteurs.
Dans le bâti­ment, la ven­ti­la­tion, la cli­ma­ti­sa­tion et les normes accrues d’isolation créent des risques liés aux légio­nel­loses ou à la qua­li­té de l’air intérieur.
L’intensification des trans­ports inter­na­tio­naux trans­forme notre rela­tion avec les agents biologiques.
La crise de la vache folle a révé­lé la vul­né­ra­bi­li­té induite par l’industrialisation agroa­li­men­taire et le rejet des OGM le souligne.
Les soins médi­caux deviennent de plus en plus per­for­mants, mais créent des épi­dé­mies noso­co­miales, des germes résis­tants aux anti­bio­tiques ou des acci­dents de radiothérapies.
Aucune tech­no­lo­gie ne s’est dif­fu­sée aus­si vite dans l’histoire de l’humanité que la télé­pho­nie por­table qui a bou­le­ver­sé notre envi­ron­ne­ment élec­tro­ma­gné­tique. Les consé­quences sani­taires de ces évo­lu­tions sont com­plexes à évaluer.

Une épidémie d’épidémies

En clair, jamais l’homme n’a trans­for­mé son éco­lo­gie de façon aus­si rapide. Dis­pose-t-il des capa­ci­tés suf­fi­santes d’a­dap­ta­tion ? Sommes-nous en train de créer une épi­dé­mie d’é­pi­dé­mies4 ? C’est pos­sible, mais l’im­por­tant est que toutes ces évo­lu­tions par­tagent des carac­té­ris­tiques com­munes en termes de figure de risques. Elles créent une dis­tri­bu­tion de masse des sub­stances et des pro­duits, expo­sant de vastes popu­la­tions. Ces expo­si­tions cor­res­pondent en géné­ral à de faibles doses ité­ra­tives créant des risques indi­vi­duels faibles. Mais lors­qu’un risque faible touche des mil­lions de per­sonnes, son impact sani­taire peut être consi­dé­rable. Cet impact se mani­feste plus par des mala­dies chro­niques sur­ve­nant long­temps après l’ex­po­si­tion que par des pro­blèmes aigus faci­le­ment attri­buables à des expo­si­tions récentes. Par ailleurs, le risque n’est plus une affaire locale. Il peut s’ex­pri­mer loin de là où il s’est pro­duit, ce qu’a illus­tré jus­qu’à la cari­ca­ture l’af­faire des farines ani­males et du prion. Comme le dit bien Uhl­rich Beck5, ce nou­veau pay­sage des risques est carac­té­ri­sé d’une part, par son incon­trô­la­bi­li­té et, d’autre part, par l’ef­fa­ce­ment d’une triple fron­tière : spa­tiale (aucune bar­rière géo­gra­phique, admi­nis­tra­tive ou poli­tique ne peut s’op­po­ser à la dif­fu­sion des risques) ; tem­po­relle (la longue latence entre l’ex­po­si­tion et les consé­quences) ; sociale (la com­plexi­té des sources de risques brouille leur tra­ça­bi­li­té et se prête à de gigan­tesques batailles juri­diques sur les ques­tions de responsabilité).

Rendre visible l’invisible est devenu le principal enjeu

Quan­ti­fier les risques
Il est deve­nu impor­tant que les ingé­nieurs s’approprient les démarches per­met­tant de défi­nir voire de cer­ner les incer­ti­tudes sur les risques sani­taires. Il faut une connais­sance des filières, des pro­ces­sus de fabri­ca­tion et des cir­cuits de dis­tri­bu­tion pour éva­luer les risques et les seuls méde­cins ne peuvent pas y par­ve­nir. L’enjeu est consi­dé­rable. Chaque fois qu’il est pos­sible de quan­ti­fier un risque, le pro­ces­sus de ges­tion s’en trouve pro­fon­dé­ment affec­té. Non pas au nom d’une sorte de magie du chiffre mais parce que l’effort de for­ma­li­sa­tion, de trans­pa­rence et de cohé­rence qu’exige la démarche de quan­ti­fi­ca­tion des risques per­met à des faits scien­ti­fiques d’entrer en ligne de compte. Sans cela, nous sommes dans le monde des opi­nions, des conflits d’intérêts, des rap­ports de force. La mesure des risques est le sup­port de la pro­fes­sion­na­li­sa­tion de sa ges­tion. On ne peut gérer intel­li­gem­ment que ce que l’on mesure.

Durant tout le XXe siècle, l’ap­proche pro­ba­bi­liste a consi­dé­ré le risque comme une fonc­tion de pro­ba­bi­li­té per­met­tant de quan­ti­fier l’in­cer­ti­tude selon des lois sta­tis­tiques (nor­male, bino­miale, de Pois­son, etc.). Le risque était une incer­ti­tude quan­ti­fiée. Au XXIe siècle, nous fai­sons face à une incer­ti­tude bien plus radi­cale, au point que l’on peut se deman­der si ce n’est pas l’in­cer­ti­tude non quan­ti­fiée qui est deve­nue la figure domi­nante du risque. Lors­qu’il n’existe aucune don­née sur les risques sani­taires pos­sibles, faut-il en conclure que ces risques n’existent pas ? Ce serait évi­dem­ment absurde. Pour Beck6, le risque est un évé­ne­ment non encore sur­ve­nu qui motive l’ac­tion. C’est une défi­ni­tion élé­gante qui laisse ouverte la ques­tion de sa pré­vi­si­bi­li­té. Autour de cette notion, une démarche for­ma­li­sée d’é­va­lua­tion quan­ti­ta­tive des risques a pris forme7. Des échelles de clas­si­fi­ca­tion des dan­gers ont été vali­dées ; des modèles pour esti­mer les expo­si­tions humaines aux pol­luants de l’en­vi­ron­ne­ment ont été mis au point ; des méthodes per­met­tant de faire des extra­po­la­tions (d’une espèce à l’autre, d’une sub­stance à une autre, d’une voie d’ex­po­si­tion à une autre, des fortes vers les faibles doses, etc.) sont désor­mais cou­ram­ment utilisées.

C’est un véri­table bou­le­ver­se­ment de l’ingénierie déci­sion­nelle qui s’opère

Ce qu’il y a de remar­quable dans cette approche, c’est que, pour la pre­mière fois, on dis­pose d’une capa­ci­té opé­ra­tion­nelle de capi­ta­li­ser le savoir scien­ti­fique exis­tant (lequel pro­vient de champs dis­ci­pli­naires très divers allant de la bio­lo­gie à l’é­pi­dé­mio­lo­gie en pas­sant par la toxi­co­lo­gie, la bio­ma­thé­ma­tique, la phy­sique, la chi­mie, etc.) pour anti­ci­per les impacts de nos déci­sions actuelles. Comme si le futur deve­nait en quelque sorte le déter­mi­nant du pré­sent alors que jus­qu’à main­te­nant, c’é­taient les erreurs ou les suc­cès du pas­sé qui venaient nous dic­ter notre conduite actuelle. C’est un véri­table bou­le­ver­se­ment dans » l’in­gé­nie­rie déci­sion­nelle » qui est en train de s’o­pé­rer et qu’illustre le débat très vif sur l’o­ri­gine et les consé­quences du chan­ge­ment cli­ma­tique. Les limites de l’ap­proche épi­dé­mio­lo­gique clas­sique pour l’é­va­lua­tion des risques émer­gents ont conduit à pro­po­ser de nou­velles démarches fon­dées sur des jeux d’hy­po­thèses et de modèles qu’il n’est certes pas tou­jours pos­sible de véri­fier empi­ri­que­ment mais qui sont expli­cites et réfu­tables, ce qui en fait des outils scien­ti­fiques au sens poppérien.

La gestion calme du risque transfusionnel du prion

Spé­ci­fi­ci­tés françaises
La France occupe une place tri­ple­ment par­ti­cu­lière. D’abord, le « réga­lien » est immé­dia­te­ment convo­qué dès que la sécu­ri­té col­lec­tive est en jeu. Ensuite, le prin­cipe de pré­cau­tion est bran­di comme un prin­cipe de poli­tique de sécu­ri­té sani­taire là où chez nos voi­sins c’est un prin­cipe de poli­tique envi­ron­ne­men­tale. Enfin, la pré­cau­tion est deve­nue en 2005 une norme consti­tu­tion­nelle, ce qui conti­nue de sus­ci­ter une vive contro­verse dont la com­mis­sion Atta­li s’est encore fait récem­ment l’écho. Le tout crée un contexte d’une grande com­plexi­té dans lequel les acteurs sont un peu per­dus, ce qui pro­voque des blo­cages éton­nants vus de l’étranger comme l’illustre la posi­tion domi­nante dans le pays sur les OGM.

Lors­qu’il est adve­nu que les 8e et 9e malades du Creutz­feldt-Jakob en France du fait du prion patho­gène avaient été des don­neurs régu­liers de sang, l’é­mo­tion fut immense car on croi­sait deux affaires dou­lou­reuses : trans­fu­sion san­guine et vache folle. Mal­gré les immenses incer­ti­tudes, un tra­vail d’é­va­lua­tion des risques struc­tu­ré par le croi­se­ment des connais­sances sur les méca­nismes bio­lo­giques avec un rai­son­ne­ment pro­ba­bi­liste a per­mis une ges­tion calme d’un dos­sier que d’au­cuns pré­ten­daient immaî­tri­sable8. L’in­cer­ti­tude et l’u­ni­ver­sa­li­té sont véri­ta­ble­ment le déno­mi­na­teur com­mun à ces nou­velles ques­tions de risques sani­taires9. La peur est moins liée à l’ob­jec­ti­vi­té du risque qu’aux ima­gi­naires induits10. Pour les citoyens, plus l’in­cer­ti­tude est grande et plus le risque est grand. Ce n’est pas de l’ir­ra­tio­na­li­té. Ne pas com­prendre ce point est un piège mal­heu­reu­se­ment fréquent.

Quelles précautions ?

Une croyance quantifiée
Le concept de pro­ba­bi­li­té qui sous-tend celui de risque ren­voie en fait à une dimen­sion sub­jec­tive autant qu’objective. La pro­ba­bi­li­té est un indi­ca­teur per­met­tant de quan­ti­fier la croyance en la sur­ve­nue de tel ou tel évé­ne­ment12.
Dès lors, sépa­rer le risque réel du risque per­çu, c’est créer les condi­tions d’une incom­mu­ni­ca­bi­li­té sociale sur ce sujet.

Dire que l’in­cer­ti­tude est deve­nue la figure prin­ci­pale des risques sani­taires débouche évi­dem­ment sur la ques­tion de la pré­cau­tion et de son fameux prin­cipe11. La situa­tion dans laquelle la sen­si­bi­li­té des sys­tèmes de veille aug­mente crée un cli­mat d’in­quié­tude. Si on est de mieux en mieux armé pour iden­ti­fier des menaces, on a aus­si de grandes dif­fi­cul­tés à ras­sem­bler des preuves for­melles dans le contexte d’in­vi­si­bi­li­té évo­qué plus haut. La science crée plus d’in­cer­ti­tudes donc d’in­quié­tudes qu’elle ne peut en résoudre.

Débattre sur les critères de choix

Il ne sert à rien de prendre des pré­cau­tions pour évi­ter des phé­no­mènes dont on ne connaît pas l’origne

Il faut recon­naître la légi­ti­mi­té d’un débat sur les cri­tères de choix sur la ques­tion des risques. Vou­loir s’en affran­chir pour assé­ner des véri­tés de façon péremp­toire en dis­qua­li­fiant d’a­vance toute opi­nion contraire pro­duit presque tou­jours le résul­tat inverse de celui espé­ré. Ain­si, les spé­cia­listes de san­té publique savaient depuis long­temps que l’o­bli­ga­tion vac­ci­nale par le BCG ne se jus­ti­fiait plus au plan épi­dé­mio­lo­gique. Il a fal­lu trois ans de débats publics pour que ce point devienne audible et que l’o­bli­ga­tion soit levée sans créer d’in­di­gna­tion. C’est dans le même esprit qu’a été créé à la demande de la DGS le Nano­fo­rum du Cnam qui vise à créer non pas un lieu de convic­tion ou de for­ma­tion mais un lieu de par­tage sur la sécu­ri­té sani­taire des pro­cé­dés nano­tech­no­lo­giques avec l’i­dée que la per­cep­tion d’un risque fait par­tie de son objec­ti­va­tion13. Il fau­drait pou­voir sor­tir du débat sim­pliste entre la vision catas­tro­phique et la vision néga­tion­niste. La pre­mière est incar­née par Sir Mar­tin Rees, un astro­phy­si­cien recon­nu, qui a parié 1 000 dol­lars que d’i­ci 2020 une bioer­reur ou une bio­ter­reur aura tué un mil­lion de per­sonnes14. La seconde s’ex­prime par exemple sous la plume de Jean de Ker­vas­doué15, un ancien direc­teur des hôpi­taux, qui estime » qu’il ne sert à rien de prendre des pré­cau­tions pour évi­ter des phé­no­mènes dont on ne connaît pas l’o­ri­gine car, jusque-là, tous ceux aux­quels on pen­sait se sont révé­lés sans dan­ger « . Les ques­tions sur les risques sani­taires et les incer­ti­tudes affé­rentes sont d’une actua­li­té qui va domi­ner les jeux de la concur­rence16. Les futures batailles sur cette ques­tion seront des conflits de défi­ni­tion qu’a bien repé­rés Uhl­rich Beck5. Si Marx avait mis les rap­ports de pro­duc­tion au coeur de sa vision de la socié­té du XIXe siècle, il est bien pos­sible que les » rap­ports de défi­ni­tion » de ce qu’est un risque et de ce qui n’en est pas un soient struc­tu­rants pour l’his­toire du XXIe siècle. Qui déci­de­ra ce qu’est un risque ? Sur quels niveaux de preuves ? Avec quelle concep­tion de la cau­sa­li­té ? Et quelle vision de la res­pon­sa­bi­li­té ? Sur quels cri­tères défi­nir des seuils de toxi­ci­té et des seuils d’ac­cep­ta­bi­li­té du risque ? De grands conflits oppo­se­ront les dif­fé­rentes concep­tions des risques et les manières de les gérer avec sché­ma­ti­que­ment d’un côté une phi­lo­so­phie du » lais­ser-faire » (une tech­no­lo­gie est sûre jus­qu’à preuve du contraire) et de l’autre côté une approche de pré­cau­tion (aucune inno­va­tion n’est a prio­ri inof­fen­sive). Dans ce contexte, les ingé­nieurs devraient, d’une part, ren­for­cer leur capa­ci­té à mesu­rer les risques et, d’autre part, accep­ter que les démarches d’é­va­lua­tion des risques soient sou­mises à des pro­ces­sus de déli­bé­ra­tions publiques. C’est une nou­velle fron­tière entre sciences, tech­niques et socié­té qu’il nous faut col­lec­ti­ve­ment dessiner.

Bibliographie

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6. Beck U. La socié­té du risque. Aubier. Paris, 2001.

7. Dab W. San­té et Envi­ron­ne­ment. Que sais-je ? n° 3771. PUF. Paris, 2007.

8. Les­te­rade J. Juste un soup­çon de Creutz­feldt-Jakob dans les médi­ca­ments. Libé­ra­tion. 1er mars 2005.

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11. Ewald F., Gol­lier C., de Sade­leer N. Le prin­cipe de pré­cau­tion. Que sais-je ? n° 3596. PUF. Paris. 2001.

12. Aben­haim L. Nou­veaux enjeux de san­té publique : en reve­nir au para­digme du risque. Revue fran­çaise des Affaires sociales. 1999, n° 1, 31–43.

13. Les comptes ren­dus du Nano­fo­rum du Cnam sont dis­po­nibles sur Jour­nal de l’Environnement

14. Rees M. Le pari à un mil­lion de morts. Le Monde 2, 2 octobre 2004, 41–43.

15. De Ker­vas­doué J. Les prê­cheurs de l’a­po­ca­lypse. Pour en finir avec les délires éco­lo­giques et sani­taires. Plon. Paris, 2007.

16. Noi­ville C. Du bon gou­ver­ne­ment des risques. PUF. Paris, 2003.

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