Bertrand Collomb (60), le goût de l’Amérique
Aux origines mi-lyonnaises, mi-bretonnes, il est fils et petit-fils de polytechniciens (promotions 1891 et 1922). Il épousa Caroline Wirth, sœur d’un camarade de promotion, Didier Wirth.
Ayant choisi le corps des Mines, il fit son stage industriel aux Houillères de Lorraine, comme ingénieur de fond, puis fut ingénieur « ordinaire » du Service des mines à Metz.
Découvrant ce milieu de la mine de charbon, la rudesse des mineurs, mais aussi la noblesse de leurs comportements l’impressionnèrent.
L’APPEL DE L’AMÉRIQUE
Puis l’Amérique le séduisit. Ce qui cadre avec son caractère enthousiaste. Son premier séjour aux USA date de 1964 ou 1965. Il traversa le continent avec un groupe d’ingénieurs des Ponts, partis à l’étude des autoroutes et de l’urbanisme américains.
Dessin : Laurent Simon
Il y découvrit les grands espaces, ainsi que l’espace psychologique, le pays où tout est possible, la mentalité can-do. Il affectionne ce pays, empreint d’histoire, mais resté neuf et novateur.
Il y retourna peu après pour un complément de formation. Il avait suivi les cours d’économie de Maurice Allais. Ensuite, à l’École des mines de Nancy, il enseigna la microéconomie, à la Boiteux qui fut, avec Allais, le maître à penser en économie de sa génération.
À L’ÉCOLE AMÉRICAINE DU MANAGEMENT
Lui vint alors le désir de comprendre le management. La toute nouvellement créée Fondation nationale pour la gestion des entreprises, visant à former de jeunes Français au management dans les universités américaines, le mit en relation avec le professeur Abraham Charnes, qui venait juste d’être recruté par l’université du Texas ; il le suivit à Austin, pour y préparer un doctorat sous sa supervision.
Charnes était spécialiste de la recherche opérationnelle. Concurrent malheureux de George Dantzig, il avait inventé la programmation linéaire quasi simultanément mais, manque de chance, Dantzig publia les premiers articles.
Le séjour à Austin lui fut une révélation : « Les mathématiques que l’on m’avait enseignées à l’X ne servaient à rien, tandis qu’il y avait des mathématiques qui servaient à quelque chose et que l’on ne m’avait jamais enseignées, ni à l’X, ni ailleurs ; cela dit, on s’y mettait assez facilement…
Mais plus que les modèles mathématiques, c’était la recherche sur les réalités sociologiques de l’entreprise qui m’intéressèrent le plus. Et, ce qui était complètement sidérant, c’était l’accessibilité et la disponibilité des professeurs. Il est vrai que j’étais doctorant. »
DU CABINET MINISTÉRIEL À LAFARGE… ET AU TEXAS
Il crée en 1972 à l’X le Centre de recherche en gestion, que Michel Berry dirigera à partir de 1975, lorsque Collomb fut appelé par Lafarge. Affecté au cabinet ministériel d’Alain Peyrefitte, grâce à Michel Crozier, il y vécut la mutation de la culture administrative française, sous l’impulsion de la décentralisation. Ce fut ensuite celui de René Haby.
“ Il y avait des mathématiques qui servaient à quelque chose et que l’on ne m’avait jamais enseignées ”
Après trois ans de ministère et de cabinet, il fut recruté en 1975 par Lafarge, une société cimentière déjà très internationale, que son expérience américaine intéressait. Dix ans plus tard, en 1985, il prit la direction de la filiale américaine achetée quatre ans plutôt, remplaçant au pied levé un patron américain brusquement décédé.
Son épouse Caroline et lui repartirent au Texas à Dallas, avec chevaux et enfants. L’un et l’autre sont des fervents d’équitation : lui de la chasse à courre, avec l’ivresse de débouler dans un paysage que, ce faisant, on savoure dans l’instant ; elle, experte au plus haut niveau tant en dressage qu’en élevage.
Adorant la vie américaine, ils sont à présent (2016) propriétaires d’une ferme, un bâtiment historique datant en partie de 1735, avec des chevaux et des vaches en Virginie, près de Warrenton, où ils passent une grande partie de leur existence.
VERS LE LEADERSHIP MONDIAL
Devenu en 1989 patron du groupe Lafarge, il resta président de la filiale américaine cotée au NYSE, dont Lafarge ne possédait que 53 %. Son conseil d’administration, avec des gens distingués (dont Hillary Clinton), n’était pas une simple chambre d’enregistrement.
“ On ne peut pas gagner durablement de l’argent dans un secteur où on n’est pas leader ”
Bertrand Collomb devait donc revenir à Washington tous les trois mois, ce qui leur permit de garder leur ferme de Virginie. Dès les années 1993–1995, Lafarge ambitionnait de devenir leader mondial pour les matériaux de construction. Cela partait de l’idée qu’on ne peut gagner durablement d’argent dans un secteur où l’on n’est pas leader.
Lafarge devint effectivement leader mondial en matière de ciment, béton et granulats. Après la chute du Mur, il put renforcer son implantation en Allemagne, pays clef pour les matériaux de construction en dépit de difficultés conjoncturelles, et surtout l’un des rares marchés, à l’époque de sa réunification, où “la qualité payait”, et où par conséquent le dynamisme en termes de normes, de spécifications, de technologie était alors reconnu et valorisé.
Bertrand Collomb m’évoque ces professeurs-docteurs allemands, PDG d’une grande entreprise chimique : le recul qu’il tire d’avoir été chercheur explique sa gestion parfois visionnaire et son dynamisme.
Ses autres atouts sont la bienveillance, l’altruisme, la lucidité, sa belle culture historique, le goût de l’expression et un tempérament de communicateur.
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Bertrand Collomb et l’égalité Femmes/Hommes dans les sociétés
Bertrand Collomb est aussi très attaché faire progresser l’égalité entre les femmes et les hommes au sein des sociétés. Il soutient diverses entités oeuvrant dans ce domaine au niveau des Conseils d’Administration et de Surveillance.