Le Grand U dans tous ses états : l’uniforme de grande tenue des polytechniciens de 1794 à 2000
La célébration du Bicentenaire de l’École polytechnique, en 1994, a permis au public parisien de se familiariser avec l’histoire de cette institution et de découvrir l’œuvre des polytechniciens, notamment par le biais de trois grandes expositions.
Plus récemment, l’exposition : “ L’École polytechnique : un patrimoine inattendu”, tenue à la Fondation Mona Bismarck à Paris présentait pour la première fois la richesse et la diversité des collections patrimoniales de l’École polytechnique.
À la veille de l’an 2000, il nous a semblé intéressant de faire le point sur l’histoire de l’uniforme des élèves et tout particulièrement sur leur uniforme de grande tenue, dénommé : “ Grand U ” dans l’argot des polytechniciens.
Fondée en septembre 1794, l’École polytechnique, d’abord civile puis militarisée par Napoléon, connaît une histoire aux rebondissements calqués sur les aléas politiques qui régissent les gouvernements successifs de la France.
Ainsi la dizaine de types d’uniformes qui constitue la trame de cette exposition reflète la suite des régimes politiques, depuis la Convention nationale jusqu’à la cinquième République.
En 1794, il s’agissait de pouvoir distinguer les élèves de l’École polytechnique des autres militaires ou citoyens. C’est l’uniforme de canonnier de la Garde nationale qui fut attribué aux élèves par l’arrêté du 28 janvier 1796 et son maintien connut quelques aléas.
Lorsque Napoléon Ier, par son décret du 27 messidor an XII (16 juillet 1804), fit de l’École polytechnique une institution militaire, il imposa aux élèves le casernement et leur attribua un uniforme.
Le shako fut donné à l’École après 1806, lorsqu’il remplaça pour toute l’infanterie l’ancien chapeau à trois cornes dont la forme incommode gênait tous les mouvements.
Lorsque, après l’abdication de l’Empereur (11 avril 1814), Louis XVIII eut repris possession du trône de France, mais surtout après le licenciement du 14 avril 1816, pour cause d’insubordination, la transformation de l’uniforme fut radicale. L’ordonnance de réorganisation du 4 septembre supprima le régime et l’appareil militaires et donna aux élèves une tenue “ bourgeoise ”, dépourvue d’épée !
En 1822, à la suite des ordonnances royales des 17 septembre et 20 octobre, portant réorganisation de l’École, un ordre du jour du Gouverneur redonna aux élèves un uniforme militaire. Cet uniforme très populaire, porté pour la première fois par la promotion 1823, se maintiendra finalement, avec quelques modifications, jusqu’en 1873.
Pendant la période qui s’étend de 1830 à 1874, la grande tenue de 1822 ne subit aucune importante modification, si ce n’est la disparition des fleurs de lys. Les élèves portent à nouveau l’épée au lendemain des trois glorieuses journées de juillet 1830. Cet uniforme perdura à l’École sous Louis-Philippe et le second Empire.
Après la défaite de 1870, les uniformes de presque tous les corps durent subir diverses modifications. En conséquence, à partir de 1874, l’habit élégant qu’était l’uniforme de Polytechnique disparut : le frac fut remplacé par une tunique noire semblable à celle des officiers du génie.
La grande tenue ne semble pas avoir subi de modification majeure à l’issue de la troisième République, même lorsque l’École était redevenue civile, sous l’occupation.
À partir de 1972 les jeunes filles furent admises à concourir : cette année-là, l’une d’entre elles, Anne Chopinet, fut major. On leur dessina un grand uniforme féminin avec jupe et tricorne.
Depuis 1996, les X‑ettes de la promotion 1994 ont demandé et obtenu de porter le bicorne, comme les garçons, à la place du tricorne.
Le Code X qui régit depuis l’origine la conduite des élèves de l’École polytechnique et qui sauvegarde les traditions consacre un de ses articles au “ Grand Uniforme ” jusque dans sa version la plus récente, rédigée à l’intention de la promotion 1997.
L’an 2000 apportera t‑il des modifications importantes à la grande tenue des polytechniciens ? Cela semble peu probable… Car désormais, dans la conscience collective et l’imaginaire commun, le Grand Uniforme, avec ses célèbres accessoires, bicorne et épée, s’est imposé comme symbole fort de l’École polytechnique, avec sa devise et son drapeau.