Le Grand Uniforme aujourd’hui
Aujourd’hui, un document fixe les spécifications techniques du Grand Uniforme (GU), incluant ses différentes composantes et leurs procédés de fabrication. Ce cahier des charges est utilisé par le fabricant pour produire et livrer les uniformes dans un délai serré entre la prise de mesures des élèves à leur inkhôrporation et leur retour de stage militaire ou civil. Il peut changer au fil des années : sa dernière modification en date remonte à la promotion X20 pour laquelle la jupe a été remplacée par un pantalon dans l’uniforme féminin. Dans le local que nous partageons au quotidien, je me suis entretenu avec le Kessier mili de ma promotion, Noah Amégnaglo (X21), afin de discuter de la place de l’uniforme dans le paysage polytechnicien actuel.
« Qu’est-ce que le Grand Uniforme représente pour toi ? »
« Je pense qu’il y a autant de réponses que de polytechniciens. Le GU, c’est le symbole par lequel nous sommes identifiables par le monde extérieur. Mais, pour celui qui le porte, il est bien plus difficile de définir notre lien à lui. Il n’est plus un uniforme militaire, puisque nos camarades internationaux le portent selon
les mêmes modalités que nous. Uniforme républicain donc, mais qui a hérité des symboles de l’uniforme d’officier et qui en a gardé, en un sens, l’essence. Pour moi, c’est en recevant le GU que l’on devient réellement polytechnicien. Comme un symbole, le “droit” de porter cet uniforme n’arrive qu’au terme d’un certain nombre d’étapes, puisque être polytechnicien, ce n’est pas seulement avoir réussi le concours d’entrée. Être polytechnicien, c’est se placer en héritier de certaines traditions et faire siennes certaines valeurs. Entre la recherche de l’excellence, le don de soi, le service à la Patrie, je suis persuadé que recevoir le GU, c’est porter haut ces principes qui nous unissent toutes et tous une fois que nous sommes passés par l’École. »
Noah Amégnaglo (X21), le Kessier mili
Une réception par étapes
Lorsque j’ai quitté mon bureau de rédaction de l’iK pour aller me renseigner auprès du Service du matériel (Smat), qui gère notamment la commande et la remise des uniformes, on m’a indiqué que le choix du fabricant du GU relève d’une mise en concurrence par des appels d’offres réguliers conformément à la réglementation des marchés publics. Le fabricant, et donc son maître tailleur également, peut ainsi changer d’une année à l’autre en fonction de la concurrence. Ce qui demeure pour l’instant inchangé, c’est la chronologie de la perception de l’uniforme : les élèves de la promotion arrivante reçoivent d’abord le GU sans bicorne ni tangente auprès du Smat, puis participent aux cérémonies de remise des bicornes et de remise des tangentes organisées par la Khômiss.
« Que penses-tu de la manière dont est remis le Grand Uniforme ? »
« La symbolique derrière les “marches à l’uniforme” pratiquées dans les autres grandes écoles d’officier lors de la remise de l’uniforme mériterait d’être réintroduite. Soyons clairs, loin de moi l’idée d’un quelconque mérite à porter le GU selon des performances physiques. […] En revanche, la notion d’introspection, de réflexion quant à son engagement, d’intégration de valeurs communes, voilà des étapes qui me semblent sapées par le fait que notre GU nous est remis sans cérémonie au Smat. Bien sûr, la remise solennelle du bicorne et de la tangente sont des moments de rappel de ces valeurs. Mais la notion d’introspection commune préalable au premier port du GU est selon moi manquante. […] Ainsi, le GU a une double symbolique : pour le monde extérieur, il est le signe d’une excellence académique et d’une capacité à décider ; entre X, il est un signal de ralliement autour de valeurs communes qui nous sont chères, et le symbole visuel de notre appartenance à une communauté transgénérationnelle empreinte d’un esprit de camaraderie. »
Noah Amégnaglo (X21), le Kessier mili