Le guerrier et le philosophe
Dans son nouveau livre, Erik Egnell nous offre une rétrospective très intéressante d’une époque ô combien dramatique ! celle des guerres de religion vues au travers du prisme de deux acteurs contrastés : le guerrier, Blaise de Monluc, futur maréchal de France, et Michel de Montaigne, le philosophe des immortels Essais.
L’auteur nous fait rencontrer au long des années ces deux caractères bien trempés dont l’unpassera sa vie sur les champs de bataille, allant de l’Italie, chère au cœur des Valois, à la répression sans états d’âme des soulèvements protestants,l’autre préférant le champ clos de sa studieuse retraite, ce qui ne l’empêchera pas de faire face à des charges diverses, dont la mairie de Bordeaux et un rôle discret de médiateur entre les partis antagonistes : papistes et huguenots.
Si différents qu’ils soient, les deux hommes – ils se connaissent, bien que séparés par une génération sont pourtant unis dans un même projet que l’auteur met en valeur avec talent : la volonté de garder au royaume de France l’Aquitaine, un moment tentée par la sécession. Et il est intéressant de constater que Henri de Navarre, le futur Henri IV, dépassant sa foi réformée, est possédé par la même idée, ce qui, après quelques allers et retours, le ramènera comme chacun sait au catholicisme au nom de l’unité du royaume et de la victoire sur la Ligue.
Le livre nous rappelle avec force à quelles horreurs peuvent mener les « intégrismes » si l’on considère, par delà la Saint-Barthélemy, les cruautés qui ensanglantent alors la terre de France et tout particulièrement le grand Sud-Ouest où la lutte des deux factions conduites par les plus illustres capitaines : Anjou, Condé, Montmorency, Guise, ne cessera jamais pendant plus de trente ans, avec cependant de nombreuses trêves où chacun retourne à ses occupations. La leçon reste d’actualité.
Le scandale des mignons
Mais le récit est enrichi aussi par des extraits d’oeuvres de fiction postérieures qui montrent à quel point notre littérature a été marquée par cette époque : Voltaire, Balzac, Dumas ont interprété, chacun à sa manière, la fourberie intelligente et conciliatrice de Catherine de Médicis, le scandale des « mignons », les tentations des « grands ».
L’on y apprend également que Ronsard ne dédaignait pas de mettre la main à l’épée, comme la plupart des gens de son temps et que le trésor royal, perpétuellement vide, obligeait les grands argentiers à des acrobaties, ce qui n’est passans nous rappeler le présent.
Le bruit et la fureur
Bref, c’est à un vrai travail de bénédictin que s’est livré notre camarade,avec l’approbation bienveillante d’Anne-Marie Cocula, grande spécialiste universitaire de Montaigne, ravie de voir un « pseudo-thésard », aussi scrupuleux que tardif, venir jeter une lumière originale sur une époque dont le bruit et la fureur nous invitent à réfléchir aux moyens d’éviter de tels drames, avec au bout du compte la leçon un peu triste mais toujours valable qu’il faut que les adversaires soient bien fatigués de la guerre pour que l’esprit de tolérance prenne enfin l’avantage.