Le health data hub, plateforme des données de santé
Le partage des données de santé est essentiel pour améliorer la qualité des soins et le parcours patient. Le point avec Stéphanie Combes (2005), Directrice du Health Data Hub.
Le Health Data Hub est le guichet unique de l’accès aux données de santé. Quel est le contexte autour de sa création ?
Le Health Data Hub est né suite à plusieurs constats. Les travaux menés par Cédric Villani en 2018 autour de l’intelligence artificielle avaient notamment mis en évidence l’importance du partage des données dans le secteur de la santé.
La même année, la ministre des Solidarités et de la Santé a lancé une mission d’expertise suite à l’annonce du Président de la République de la création d’un Hub de données de santé. J’ai d’ailleurs participé à cette mission en tant que rapporteure aux côtés de la présidente de l’Institut des données de santé, de Gilles Wainrib, le cofondateur de la start-up Owkin spécialisée en intelligence artificielle dans le monde de la santé et de Marc Cuggia, expert en informatique médicale au CHU de Rennes. Dans ce cadre, nous avons rencontré plus d’une centaine d’acteurs qui nous ont livré leur vision du patrimoine des données de santé français et des cas d’usages potentiels. Nous avons également pu identifier les freins à l’utilisation de ces données.
Le rapport que nous avons remis prévoyait donc une feuille de route comprenant la création de la plateforme des données de santé : le Health Data Hub. Je suis devenue cheffe de projet et responsable de la mise en place de cette structure, dont je suis aujourd’hui la directrice. Concrètement, le Health Data Hub est un groupement d’intérêt public créé par la loi organisation et transformation du système de santé de juillet 2019. Issu de la transformation de l’Institut national des données de santé créé en 2016, il regroupe les parties prenantes représentantes de l’écosystème de la santé dans l’optique de garantir l’accès aisé, unifié, transparent et sécurisé aux données de santé pour améliorer la qualité des soins et l’accompagnement des patients. L’offre de services s’articule autour de 4 axes s’adressant aux différentes parties prenantes : soutenir les responsables de données dans la collecte, la consolidation et la mise en valeur de leur patrimoine ; offrir à tous les porteurs de projets un accès simplifié et accéléré aux données ; garantir à la société civile le respect des droits des citoyens et innover aux côtés des acteurs de la recherche et de l’industrie.
Quelle est votre offre de service ? Comment définissez-vous votre valeur ajoutée ?
En janvier 2020, nous avons approuvé notre feuille de route stratégique qui s’articule autour de quatre grands enjeux :
- Décloisonner le patrimoine de données de santé et améliorer sa qualité ;
- Développer une offre de services performante pour les utilisateurs de données ;
- Placer la France comme un leader de l’utilisation des données de santé dans l’écosystème européen et international ;
- Garantir la participation de la société civile à l’utilisation des données.
De manière très concrète, un certain nombre de réalisations ont déjà pu être obtenues six mois après la création du Health Data Hub. En particulier, la plateforme technologique visant à mettre à disposition des utilisateurs autorisés les données nécessaires à leurs projets a été mise en production en avril dernier, dans le cadre de la crise sanitaire.
Des premières bases de données sont ainsi déjà disponibles, des premiers utilisateurs exploitent nos outils, une vingtaine de projets pilote, en partie sélectionnés par le biais d’appels à projets, sont accompagnés de près dans leur démarche d’accès aux données et plusieurs événements fédérateurs sont en cours d’organisation (winter school, challenge datascience).
Nous avons également été choisis pour coordonner la réponse française dans le cadre de l’action conjointe de la Commission Européenne pour la création d’un European Data Space dans le secteur de la santé. Et nous travaillons avec les associations de patients et d’usagers sur la politique d’information du Health Data Hub vis-à-vis des citoyens.
“Le Health Data Hub est un groupement d’intérêt public créé par la loi organisation et transformation du système de santé de juillet 2019. Issu de la transformation de l’Institut national des données de santé créé en 2016, il regroupe les parties prenantes représentantes de l’écosystème de la santé dans l’optique de garantir l’accès aisé, unifié, transparent et sécurisé, aux données de santé pour améliorer la qualité des soins et l’accompagnement des patients.”
Plus particulièrement, qu’apportez-vous aux utilisateurs de données ?
L’absence de cartographie des sources de données, des règles d’accès hétérogènes, le cloisonnement des données sans identifiant unique, des réflexes propriétaires et le contexte juridique complexe rendent l’écosystème peu lisible aujourd’hui. Par ailleurs, les outils d’analyse disponibles ne permettent pas toujours l’émergence d’usages innovants et réduisent l’attractivité du secteur pour la communauté digitale pourtant en pleine expansion. S’y ajoutent les contraintes structurelles de financement de la recherche et de la collecte des données tout comme l’absence de modèle économique viable pour les innovations.
Dans ce contexte nous développons une offre de valeur aussi bien pour les responsables de la collecte des données que pour les utilisateurs. Pour les premiers, il s’agit de leur fournir un appui à la collecte, la standardisation, la documentation de leurs données ; leur fournir un hébergement à l’état de l’art sécurisé et un accompagnement dans la mise en conformité RGPD de leurs bases de données ; enrichir leurs données en les chaînant à d’autres et valoriser leur travail et leur expertise aussi bien sur le plan économique qu’académique.
Pour les utilisateurs, il s’agit de leur fournir une information claire sur le catalogue de données, les accompagner dans leurs démarches administratives par le biais d’un guichet unique et leur mettre à disposition une plateforme technologique et des outils d’analyse à l’état de l’art, au plus haut niveau de sécurité.
Quels sont les avantages de la valorisation et de l’exploitation des données de santé pour le système de santé ? Quelles sont les perspectives qui en découlent ?
Si on prend l’exemple récent de la crise de la Covid-19, la mise en production accélérée du Health Data Hub a répondu à l’impérieuse nécessité, d’une part, d’assurer la centralisation des données de santé afin d’en faciliter l’accès aux équipes de recherche sur des sujets identifiés comme étant prioritaires et, d’autre part, de contribuer à la construction, en partenariat avec les acteurs à la source de la collecte des données, des grands jeux de données dont il est apparu que certains font défaut dans la lutte contre l’épidémie de Covid-19.
Les résultats de ces projets de recherche permettront par exemple d’identifier des solutions pour faciliter le diagnostic de la maladie, mieux appréhender son impact sur les populations à risque ainsi que les impacts de la crise sanitaire dans son ensemble.
En cas de deuxième vague, leurs résultats permettront des prises de décisions plus éclairées.
L’utilisation et le partage de la donnée impliquent des enjeux de taille liés à la sécurité. Comment appréhendez-vous cette dimension ?
Le projet est bien évidemment respectueux de la réglementation française et européenne, notamment la Loi Informatique et Libertés et le RGPD. Ainsi, la protection des données personnelles est une composante essentielle de notre stratégie et fait partie intégrante des engagements pris vis-à-vis de la société civile. Ces derniers ont été construits en associant les associations d’usagers et de patients et ont été publiés sur notre site internet.
Ils précisent notamment les éléments suivants :
- Le Health Data Hub ne collecte que des données qui ont fait l’objet d’un circuit de pseudonymisation opéré par des acteurs tiers et ne détient aucune information susceptible d’identifier directement une personne.
- Les données ne sont jamais mises à disposition en accès libre. Les données présentes sur les « espaces projets » se limitent strictement à leur juste besoin tel que validé par la CNIL, et ne peuvent pas être extraites de la plateforme.
- La sécurité informatique de la plateforme technologique est maintenue au plus haut niveau, à travers une démarche associant l’ANSSI, prévoyant notamment la conduite d’audit réguliers de sécurité.
- Les utilisateurs sont formés et tenus contractuellement de respecter les conditions générales d’utilisation de la plateforme. L’ensemble des usages sont tracés à des fins de contrôle et des outils d’alerte sont mis en place pour détecter les comportements suspects.
Quels sont les autres enjeux qui vous mobilisent notamment dans le cadre de la crise du Covid-19 ?
Au-delà de la mise à disposition de la plateforme technologique pour répondre aux besoins des acteurs de la crise en termes d’accès aux données de santé via une infrastructure sécurisée, le Premier ministre a confié, à Emmanuel Bacry, directeur scientifique du Health Data Hub et moi-même, une mission visant à faciliter et à accélérer les initiatives mobilisant les données de santé pour combattre l’épidémie de COVID-19 et en atténuer les impacts.
À cette fin, nous avons structuré une équipe projet dans le but de collecter et cartographier l’ensemble des démarches en cours, mais également organiser les synergies entre acteurs ; identifier, suivre et concourir aux démarches les plus essentielles, puis remonter pour arbitrage les difficultés rencontrées ; organiser la collecte et la mise à disposition de manière décloisonnée de l’ensemble des données nécessaires aux projets prioritaires le nécessitant (données médico-administratives, de surveillance, de médecine de ville et téléconsultation, de SAMU et d’urgence, cliniques telles que biologiques, génomiques, d’imagerie, de pharmacie, d’entrepôts hospitaliers, de médecine de ville, d’EHPAD, de cohortes, d’enquêtes…).
En réunissant plus d’une centaine de personnalités, provenant du monde de la santé, de l’enseignement et de la recherche, des institutions publiques et de l’entreprise, nous nous sommes notamment intéressés plus précisément aux trois aspects suivants :
- La modélisation de la diffusion de l’épidémie et stratégie de déconfinement ;
- Les données de vraie vie : identification des populations à risque, pharmaco-épidémiologie, aide au diagnostic et stratégies de prise en charge ;
- L’impact plus général de la crise sur la population.
En bref
- 35 collaborateurs et 15 prestataires ;
- Six mois d’existence ;
- 18 projets pilotes ;
- 15 partenaires potentiels pour le catalogue de données ;
- Un budget de 80 millions d’euros sur quatre ans.
Pour en savoir plus
Plateforme Health Data Hub : https://www.health-data-hub.fr/