LE JOURNAL DE FANNY
On peut parcourir ce roman rapidement, car le style est alerte et concis, et les péripéties ne manquent pas ! On peut aussi le savourer plus lentement, ressentant des impressions et suscitant des réflexions. L’histoire aussi est duale : on peut y voir la vie de l’héroïne, Fanny, devenue P‑DG d’un groupe international avec l’appui de deux fonds de pension américains (15 % des actions), avec en toile de fond sa lutte quotidienne pour garder le pouvoir.
Au contraire, ces luttes sont le sujet même du roman, la vie de Fanny n’étant qu’un lien, nécessaire à l’intrigue. Fanny est intelligente, cultivée, bardée de diplômes, et très arriviste. Les problèmes posés par sa vie de femme, et particulièrement de mère, dans le cadre de son métier, sont évoqués. Ils auraient sans doute mérité plus de place, mais l’auteur s’est beaucoup plus appesanti sur son évolution psychologique, passant d’un arrivisme forcené, à une morale plus classique, non par idéologie, mais par contact avec la réalité des usines : morale humaniste, lui faisant trahir les fonds de pension, ce qui amènera sa perte.
La financiarisation à outrance est présente dans tout le livre, avec des idées chocs, comme sur le rôle des stock-options, ou la façon dont 15% d’actionnaires peuvent en gruger 85 %, dans une assemblée par ailleurs démocratique. Dans les passages consacrés à ce mal bien actuel, le style est plus proche du vitriol que de l’aigre-doux.
L’auteur a beaucoup voyagé et ses descriptions de villes comme Anagni, Séoul, Lisbonne évoquent bien leurs charmes propres.
Bref, la lecture de cet ouvrage reste un passe-temps fort agréable, même si, en grattant quelque peu, il va bien au-delà de son modèle, l’exceptionnelle Fanny.