Le judo, pilier de l’excellence sportive de la France
Le judo – une des sections sportives de l’École – est une discipline parmi les plus pourvoyeuses de médailles françaises aux Jeux olympiques tant en individuel qu’en équipe. Pour Stéphane Nomis, président de la Fédération française de judo, ces succès s’appuient sur la rigueur de la sélection parmi les 5 000 clubs français, l’accompagnement des athlètes vers la performance et les valeurs portées par le judo lui-même.
Quel est le rôle et l’impact du judo français aux Jeux olympiques ?
Les Jeux olympiques représentent un événement majeur, réunissant environ de 450 à 500 sportifs, dont seulement une quarantaine repartiront avec une médaille (entre 33 et 43 médaillés sur les cinq dernières éditions). En judo, avec seulement 14 participants, le défi est encore plus relevé, mais cela n’empêche pas la discipline de se hisser au sommet du classement français des médailles, que ce soit à Tokyo, à Rio de Janeiro ou à Londres, où elle a remporté tantôt 7, tantôt 8 médailles par édition, devenant ainsi le premier pourvoyeur de médailles pour la France.
Depuis son introduction aux Jeux olympiques en 1964, le judo français a connu de nombreuses réussites individuelles, mais aussi en équipe avec 12 athlètes de l’équipe olympique française de judo remportant l’or dans la première épreuve par équipe en 2021. Avec ses 550 000 licenciés, la Fédération française de judo (FFJ) se classe parmi les trois principales fédérations sportives françaises. Son succès aux Jeux olympiques, où elle se classe régulièrement comme le premier ou le deuxième pourvoyeur de médailles, témoigne de l’histoire remarquable du judo français, ancrée depuis des générations dans la culture de la victoire.
Quelles sont les ambitions de la FFJ pour les prochains Jeux olympiques ?
L’objectif pour Paris est clairement défini : entre 8 et 10 médailles, sur 14 médailles possibles. Nous assumons pleinement cette ambition, conscients que cela représente un défi plus important que jamais. Être à Paris nous offre une chance exceptionnelle de nous préparer dans notre propre environnement et nous comptons bien en tirer parti. Participer aux Jeux olympiques dans son propre pays est une occasion unique pour un athlète. C’est un moment décisif où chaque défaite est ressentie comme une occasion manquée. La pression est exacerbée par l’attention médiatique constante et l’engouement populaire, ce qui fait de la sélection un enjeu crucial.
“Objectif : entre 8 et 10 médailles sur 14 médailles possibles.”
En judo, les sélections sont particulièrement délicates, car chaque non-sélection peut potentiellement ouvrir la voie à une médaille pour un autre compétiteur. Notre objectif est de former une équipe de 14 athlètes capable de réaliser les meilleures performances possibles. La sélection est donc un processus rigoureux visant à identifier ceux qui ont le potentiel de rapporter des médailles pour la France. C’est donc une grande responsabilité d’être sélectionné pour ces Jeux olympiques.
Quel impact ont les victoires des judokas français aux JO sur la pratique du judo en France ?
Contrairement à certaines idées reçues, les succès des judokas français à l’étranger n’attirent pas de nouveaux pratiquants vers notre sport. Chaque édition des Jeux olympiques suscite en moyenne environ 4 000 nouveaux judokas, à peine un nouveau membre par club. Il est important de souligner que les gens ne sont généralement pas attirés par la pratique du judo dans l’espoir de devenir le prochain Teddy Riner. Les parents encouragent leurs enfants à pratiquer le judo principalement pour les valeurs morales qu’il enseigne et non dans l’espoir de les voir devenir des athlètes professionnels. Contrairement à d’autres sports, la présence d’un grand champion ne constitue pas un facteur déterminant dans le choix d’inscrire un enfant au judo. Ce sont plutôt la proximité d’un dojo et la reconnaissance des valeurs éducatives et morales du judo qui influencent cette décision.
Comment les athlètes tels que Teddy Riner et Clarisse Agbegnenou, multichampions du monde et médaillés olympiques, trouvent-ils la motivation et la persévérance nécessaires pour continuer à s’entraîner et à se battre, même après avoir atteint des sommets dans leur carrière sportive ?
Pour ces champions d’exception, la poursuite de nouveaux records est une source de motivation essentielle. Ils ont assumé avec succès le rôle de porte-drapeau français, gérant habilement les nombreuses sollicitations médiatiques tout en se concentrant sur leurs performances sportives. Peu d’athlètes parviennent à concilier ces deux responsabilités avec autant de succès. Nous leur rappelons régulièrement l’importance de rester concentrés sur leurs objectifs, de se préparer mentalement et physiquement pour affronter une concurrence acharnée. Leur préparation est encadrée par les meilleurs spécialistes, couvrant tous les aspects de la performance sportive, de la préparation physique à la nutrition en passant par la psychologie. Ils doivent être au sommet de leur forme, sur le plan tant physique que mental, pour exceller lors de la compétition. Aux Jeux olympiques, la marge d’erreur est minime et ils sont pleinement conscients de l’importance de se présenter au meilleur de leur forme le jour J.
Comment la Fédération repère, évalue et accompagne les jeunes talents en devenir, les potentiels champions ?
La Fédération s’appuie sur son réseau de 5 000 clubs à travers le pays. Lorsque les jeunes démontrent un potentiel prometteur, ils sont orientés vers les pôles espoirs. Ces pôles, au nombre de 25 en France, offrent un niveau de compétition régional, interrégional et national, accueillant environ 50 sportifs chacun.
Au niveau supérieur, nous avons les 5 pôles France, destinés aux meilleurs juniors et cadets français, représentant une deuxième étape dans le parcours de détection et de formation. Enfin, le troisième niveau se situe à l’Insep, l’Institut national du sport, de l’expertise et de la performance. Ce groupe, composé de l’élite des judokas français, est spécifiquement dédié à la préparation des compétitions internationales de niveau mondial.
Chaque année, environ 30 à 40 garçons et autant de filles sont sélectionnés pour rejoindre ce groupe d’élite. Le processus de sélection est extrêmement rigoureux, car le judo est un sport exigeant, sur le plan tant physique que mental. Avec seulement une dizaine de compétitions par an, chaque événement revêt une importance cruciale. Les judokas doivent être au sommet de leur forme à chaque compétition, car une défaite peut avoir des conséquences importantes sur leur parcours.
Comment la Fédération intègre-t-elle les nouvelles technologies dans l’entraînement des sportifs ?
Au niveau amateur, nous constatons un retard par rapport à des sports comme le tennis ou le golf, en ce qui concerne l’utilisation de logiciels grand public. En revanche, dans le haut niveau, les athlètes sont suivis par des data scientists qui analysent tous les aspects de leur performance ainsi que celles de leurs adversaires, notamment la gestion des combats, des temps, du sommeil et des paramètres physiologiques. Mais, globalement, nous sommes très en retard par rapport aux Japonais, qui ont développé des tatamis et des kimonos connectés.
Au Japon, les entreprises financent la recherche et le développement du judo car ce sport rapporte beaucoup de médailles. Il existe une grande fierté nationale autour du judo, ce qui incite les entreprises à investir dans les équipements technologiques. Si nous avions une approche similaire en France, cela profiterait à tous les sports, pas seulement au judo. La technologie nous permettrait de progresser encore davantage.
Y a‑t-il des partenariats entre la FFJ et des laboratoires de recherche ?
Jusqu’à présent, aucune collaboration n’a été établie sur des projets de recherche spécifiques dans le domaine du judo, mais nous restons ouverts à de telles possibilités.
Quelles chances majeures ont été identifiées dans le cadre de la préparation des JO ?
Voici une liste à l’état brut ! La mise en place du projet des « 1 000 dojos » visant à créer un réseau étendu de centres d’entraînement. Le début d’un rapprochement avec les entreprises, ouvrant ainsi de nouvelles perspectives de partenariats et de soutien financier pour le judo français, tout en renforçant les liens entre le sport et le secteur privé.
L’engagement de la France dans un nouveau chantier visant à promouvoir une pratique sportive plus générale à l’école, reconnaissant ainsi l’importance de l’activité physique dans la santé et le bien-être des individus. Cette initiative vise à contrer la tendance croissante à la sédentarité et ses effets néfastes sur la santé publique. Les efforts internes au sein du judo pour continuer à améliorer et perfectionner le système d’entraînement, garantissant ainsi que les athlètes disposent des meilleures conditions pour atteindre leurs objectifs et représenter dignement la France lors des Jeux olympiques.
Pouvez-vous nous en dire plus sur le projet des « 1 000 dojos » ?
La Fédération a lancé un ambitieux projet visant à créer 1 000 nouveaux dojos à travers la France. L’objectif est de promouvoir la pratique du judo dans toutes les régions, en particulier dans les quartiers défavorisés. Cette initiative vise à offrir aux enfants de tous horizons la possibilité de pratiquer un sport, en mettant l’accent sur les valeurs éducatives et républicaines véhiculées par le judo. En effet, cette discipline enseigne le respect, la discipline et l’égalité, des principes essentiels qui transcendent les différences sociales.
Le déploiement de ces nouveaux dojos constitue un défi logistique et administratif important, avec des délais de réalisation plus longs que prévu en raison des contraintes réglementaires et administratives. Cependant, malgré ces obstacles, près de 500 dojos seront déployés d’ici la fin 2024. Ces dojos solidaires seront des lieux sociaux et éducatifs offrant un accès gratuit à la pratique sportive, ainsi que des services complémentaires tels que l’aide aux devoirs et le suivi médical. Ce projet bénéficie du soutien de l’État, du ministère chargé des Sports, de l’Agence nationale du sport et d’autres partenaires.
« Près de 500 dojos seront déployés d’ici la fin 2024. »
Cette réalisation témoigne de la création d’un modèle opérationnel solide et efficace pour le développement du judo. Tout d’abord, chaque dojo peut accueillir jusqu’à 100 personnes, enfants et adultes, offrant ainsi un espace d’apprentissage accessible et inclusif. Ensuite, sur le plan humain, nous avons investi dans la formation des professeurs.
Nous avons mis en place l’Académie de judo, un institut de formation qui garantit que les enseignants sont spécialement formés pour travailler avec diverses populations dans ces nouveaux clubs. Cela nous permet de fournir davantage de professeurs qualifiés pour répondre aux besoins croissants de la communauté judo. Enfin, sur le plan financier, nous avons trouvé des solutions pour assurer le financement des dojos et des frais opérationnels, notamment en veillant à ce que les professeurs soient rémunérés de manière adéquate.
Comment la FFJ se prépare-t-elle à accueillir les Jeux à domicile ?
La Fédération française de judo ressent une forte pression, de la part des acteurs tant politiques, économiques que médiatiques, et le sujet des Jeux olympiques est au cœur des discussions. L’enthousiasme est palpable et l’ampleur de cet événement est extraordinaire. Nous n’étions pas nécessairement préparés à une telle intensité. L’impact a été sous-estimé. Nous avons pris conscience de cette dimension et avons mis en place des mesures pour protéger nos athlètes et atténuer leur exposition à ces pressions extérieures. Nous leur proposons un entraînement médiatique et les préparons autant que possible. La Fédération a également développé une stratégie spécifique et mobilisé une équipe dédiée aux Jeux olympiques pour garantir le meilleur accompagnement possible.
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Au fil de cette préparation pour les JO, auriez-vous une anecdote à nous faire partager ?
Je voudrais évoquer notre équipe féminine, qui est véritablement remarquable. Nous avons des athlètes d’une grande qualité, de véritables combattantes. La sélection a été un défi, tant le niveau était exceptionnel. Je suis fier de dire que c’est l’une des équipes féminines les plus impressionnantes que nous ayons eues. Cette équipe représente une véritable source d’inspiration. À chaque compétition, elles nous montrent toute l’étendue de leur talent. Les voir évoluer sur le tatami est à chaque fois un véritable plaisir. L’histoire derrière la formation de cette équipe est captivante. Comment avons-nous réussi à rassembler une telle concentration de talents, avec des championnes du monde et des championnes olympiques dans chaque catégorie ? C’est un exploit extraordinaire. Ces athlètes possèdent un talent indéniable et je suis impatient de les voir à l’œuvre lors des épreuves. C’est une grande fierté pour nous tous.
En tant que président de la FFJ, qu’est-ce qui vous rend le plus fier dans cette préparation pour les JO ?
Ce dont je suis le plus fier, c’est d’avoir pris la décision de changer l’équipe masculine. Il y a un an, le staff de l’équipe masculine ne répondait plus aux exigences de performance que nous souhaitions atteindre. C’était un risque considérable de changer tout le staff, mais nous l’avons pris. En seulement un an, nous avons réussi à reconstruire une équipe complète et compétitive qui sera prête pour les Jeux olympiques. Le succès de cette équipe se manifeste par les quatre médailles remportées lors du dernier championnat d’Europe.
Ce changement a été une prise de risque majeure, allant à l’encontre des opinions générales, mais je suis satisfait des résultats obtenus. Il est intéressant de noter les similitudes entre le monde de l’entrepreneuriat et le rôle de président de la Fédération. Comme dans une entreprise, si l’équipe réussit, c’est une victoire collective. Mais, si elle ne performe pas, la responsabilité ultime en incombe au président. C’est un défi que je suis prêt à relever pour assurer le succès de notre équipe.
En tant que président de la Fédération de judo, je suis impressionné par les réalisations du comité d’organisation des Jeux olympiques. Créer une nouvelle entité à partir de rien en si peu de temps, c’est tout simplement remarquable. Étant entrepreneur moi-même, je sais à quel point cela peut être difficile, même avec des ressources importantes. Malgré les critiques et les controverses, je ne peux qu’admirer le travail des équipes du COJO. Sous la direction de Tony Estanguet, elles ont fait preuve d’une détermination exemplaire. Je suis confiant dans l’idée que le COJO livrera des Jeux olympiques et paralympiques exceptionnels. Et nous, à la Fédération de judo, nous serons là pour jouer notre rôle et livrer les médailles.