Le juridique, entre mythe et réalité…

Dossier : Vie des entreprisesMagazine N°800 Décembre 2024
Par Claudia WEBER

Dans cette inter­view, Clau­dia Weber, Avo­cat Asso­cié Fon­da­teur du cabi­net ITLAW Avo­cats, revient sur la place cen­trale du juri­dique et son impor­tance stra­té­gique dans la pro­tec­tion des entre­prises, leur acti­vi­té et leur déve­lop­pe­ment. En effet, avec l’augmentation des nou­velles régle­men­ta­tions, en par­ti­cu­lier euro­péennes, la mul­ti dimen­sion­na­li­té des pro­jets et les inno­va­tions telles que l’IA, la confor­mi­té devient un enjeu cru­cial pour les entre­prises et les pro­jets se complexifient.

Avo­cate avec une expé­rience de près de 30 ans dans les nou­velles tech­no­lo­gies, Clau­dia Weber nous par­tage plu­sieurs pistes de réflexion pour mieux sécu­ri­ser ces pro­jets IT qui, lorsqu’ils ne sont pas conformes aux régle­men­ta­tions ou lorsqu’ils dérapent, peuvent entraî­ner de lourdes consé­quences busi­ness et économiques.

Quels sont les principaux enjeux et points de vigilance pour les entreprises qui lancent des projets IT ?

« L’enjeu prin­ci­pal réside selon moi dans l’anticipation et la ges­tion des risques. Je recom­mande vive­ment d’y tra­vailler en amont d’autant que les risques prin­ci­paux peuvent être iden­ti­fiés dès les pre­mières réflexions sur le pro­jet IT. »

Le point de départ de la réflexion, lorsqu’une entre­prise se lance dans un pro­jet impli­quant des tech­no­lo­gies, est l’identification de ses besoins, de ses objec­tifs et de ses contraintes. C’est sur cette base qu’une car­to­gra­phie des risques pour­ra être éta­blie ; le juri­dique aide à l’établissement de cette car­to­gra­phie. Connaître les régle­men­ta­tions appli­cables à son pro­jet, les juris­pru­dences en la matière, per­met de défi­nir une stra­té­gie d’anticipation pro­tec­trice avec des solu­tions concrètes.

Votre risque principal est le retard du projet ? 

Mettre en place un RACI détaillé, une gou­ver­nance et un pilo­tage ser­ré avec des actions concrètes telles que le recours à des experts tiers, aux frais du pres­ta­taire, peut être une solu­tion de repli à mettre en place dès les pre­miers signes de déra­pages, par exemple.

L’entreprise devra ensuite prendre en compte cette car­to­gra­phie des risques et les solu­tions d’anticipation et de ges­tion des­dits risques pour choi­sir le ou les par­te­naires adap­tés à son pro­jet et sur­tout conclure des contrats sur mesure qui trai­te­ront les besoins, objec­tifs, risques et solu­tions d’anticipation construites avec ce partenaire.

Dis­po­ser d’un cadre contrac­tuel adap­té aux besoins, objec­tifs et contraintes tout en anti­ci­pant les risques et inté­grant le juri­dique en amont, dès la concep­tion du pro­jet, per­met de sécu­ri­ser le bon dérou­le­ment des pro­jets IT.

Le contrat doit être appréhendé comme un outil au service du projet. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Chez ITLAW Avo­cats, c’est bien plus qu’un constat, c’est une conviction !

Le contrat est trop sou­vent vu comme un docu­ment admi­nis­tra­tif obli­ga­toire sans grand inté­rêt. Or, le contrat est un véri­table outil de confor­mi­té et d’efficience des projets. 

Le contrat, lorsqu’il traite les sujets tech­no­lo­giques, finan­ciers et orga­ni­sa­tion­nels, devient un outil effi­cace de ges­tion du projet. 

“Le contrat doit prendre en compte l’ensemble des dimensions du projet : aussi bien technologique, technique, financière, organisationnelle que juridique. C’est de cette façon qu’il deviendra ce remarquable outil de pilotage au service de la conformité et de l’efficience du projet.”

Chez ITLAW Avo­cats, nous démar­rons tou­jours nos mis­sions par un cadrage des besoins, des objec­tifs et des contraintes afin d’établir une car­to­gra­phie des risques pour les anti­ci­per dans le contrat. 

Le contrat doit prendre en compte l’ensemble des dimen­sions du pro­jet : aus­si bien tech­no­lo­gique, tech­nique, finan­cière, orga­ni­sa­tion­nelle que juri­dique. C’est de cette façon qu’il devien­dra ce remar­quable outil de pilo­tage au ser­vice de la confor­mi­té et de l’efficience du projet.

Vous recommandez en plus de prendre en compte la conformité « by design ». En quoi est-ce une démarche à forte valeur ajoutée pour les entreprises ?

La prise en compte, bien en amont, de la confor­mi­té per­met de construire un pro­jet sur des fon­da­tions solides. En effet, il est pré­fé­rable, voire recom­man­dé, de s’interroger sur la confor­mi­té d’un pro­jet ou d’une pla­te­forme plu­tôt que d’avoir à réagir suite à une action d’un concur­rent ou face à une mise en demeure de la CNIL ou de tout autre organisme.

Cette démarche contri­bue à ren­for­cer la péren­ni­té d’un pro­jet, mais per­met éga­le­ment d’optimiser les coûts, voire de les réduire signi­fi­ca­ti­ve­ment en évi­tant les conten­tieux liés à une éven­tuelle non-confor­mi­té. Toute non-confor­mi­té d’un pro­jet en pro­duc­tion va créer du stress à tous les niveaux de l’entreprise, drai­ner l’énergie et la moti­va­tion des équipes, engen­drer des coûts très impor­tants et bien sou­vent une atteinte à l’image de l’entreprise importante.

Cette démarche de confor­mi­té dès la construc­tion du pro­jet est d’autant plus impor­tante que l’entreprise va mettre en place une inno­va­tion tech­no­lo­gique. Par exemple, par­lons de l’IA : mettre en place une IA peut appor­ter une aug­men­ta­tion des per­for­mances, une opti­mi­sa­tion des coûts. Mais, mettre en place une IA au sein d’une entre­prise ou d’un pro­jet néces­site de s’assurer de sa confor­mi­té aux régle­men­ta­tions appli­cables, en par­ti­cu­lier les nou­velles régle­men­ta­tions européennes.

Selon vous, quelles sont les pistes que les entreprises doivent explorer pour mieux sécuriser leur projet sur le plan juridique ?

Je constate qu’aujourd’hui de nom­breuses entre­prises com­mencent à prendre conscience de l’importance du juri­dique et de la néces­si­té de l’intégrer dans leur stra­té­gie, ain­si que dans la construc­tion et la ges­tion de leurs pro­jets IT.

Le prin­ci­pal levier pour conti­nuer cette évo­lu­tion réside dans la for­ma­tion des dif­fé­rentes direc­tions de l’entreprise pour que cha­cun soit sen­si­bi­li­sé aux fon­da­men­taux du droit.

Chez ITLAW Avo­cats, nous avons construit des for­ma­tions adap­tées aux non juristes tels que les DSI, ache­teurs, com­mer­ciaux, pour leur per­mettre d’acquérir les réflexes juri­diques utiles, de nou­veaux leviers dans la négo­cia­tion de leur contrat et ain­si enri­chir leur pratique.

En conclusion…

La dimen­sion juri­dique est trop sou­vent per­çue comme une contrainte empê­chant de signer un contrat ou créant des conflits. Pour­tant, inté­grer le juri­dique dès les pre­mières étapes d’un pro­jet per­met de sécu­ri­ser les pro­jets IT tout en ren­for­çant les rela­tions avec les fournisseurs.

« Je suis convain­cue, et mon expé­rience le confirme au quo­ti­dien : le juri­dique est un véri­table outil de per­for­mance, de pro­tec­tion et créa­teur de valeur. Le contrat lorsqu’il est négo­cié et rédi­gé en pre­nant en compte les besoins, les contraintes et la ges­tion des risques offre de véri­tables oppor­tu­ni­tés et des leviers d’efficacité tech­nique, orga­ni­sa­tion­nelle, mais éga­le­ment rela­tion­nelle entre les partenaires » 

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