Le labyrinthe des jours ordinaires
Les Anglais disposent de deux mots pour qualifier un labyrinthe : maze, qui correspond au sens français d’un lacis de chemins et de carrefours séparant un point de départ d’un point d’arrivée, et labyrinth, où un seul chemin mène au but par des tours et des détours tortueux.
Pierre Rosenstiehl passe du maze au labyrinth dans le très joli livre qu’il vient de publier. Partant d’un maze, il montre comment un algorithme simple utilisant un fil qu’on débobine et rembobine permet d’arriver au but, en décrivant une fois dans chaque sens tous les couloirs. Il suffit alors de fermer chaque voie qui aboutit à un carrefour déjà visité pour transformer le labyrinthe en arbre (mathématique), dont la base se ramifie de proche en proche.
Si l’on enveloppe d’un trait toutes les branches de l’arbre en partant de la base, on y revient nécessairement puisque tous les croisements ont été éliminés. Le maze est devenu labyrinth. Rosenstiehl montre bien d’autres manières d’explorer les labyrinthes. Voici pour les labyrinthes du titre. Mais les jours ordinaires ? Entre des démonstrations sous forme de dialogue d’anciens Grecs en train de banqueter, Rosenstiehl insère de courts récits de l’existence du jeune Renart, que sa famille a confié à une nourrice.
Dès le premier chapitre, l’enfant s’égare à la recherche de pissenlits qu’il destine à son lapin, puis il retrouve son chemin et donne sa récolte à un gros lapin dont il craint la morsure vorace. Le labyrinthe est déjà là, et son minotaure-lapin.
On a compris que le fil débobiné plus haut est celui qu’Ariane confia à Thésée et les convives grecs qui discutent mathématiques, des Crétois du temps de Minos et Pasiphaé.
Le labyrinthe est celui de la vie de Renart et celui qui nous fait parcourir le livre. Il est une figure universelle et mystérieuse, peut-être symbolique, mais de quoi ? Le même dessin de labyrinth a été tracé à l’aide de galets il y a 4 000 ans sur des îles de la Baltique, gravé sur les murs des cités grecques, sur les pièces minoennes, il est ornement sur les mosaïques de Pompéi. On l’a trouvé chez les Bataks de Sumatra et dans des tribus amazoniennes dont on doute qu’elles aient entendu parler du Minotaure.
Une complication de la forme minoenne a pavé de dalles noires et blanches l’entrée de plusieurs cathédrales gothiques, et les enluminures de très vieux manuscrits en utilisent des variantes.
Malgré l’ingéniosité de Rosenstiehl, le labyrinthe garde sa part de mystère.