Le LBO : une manière efficace de penser la relation entre actionnaire et dirigeants
Rare sont ceux qui peuvent y échapper : le sujet des LBOs, de prime abord financier et technique, envahit de plus en plus la presse générale, le débat politique et même le débat syndical. Incontestablement, les chiffres le montrent, les LBOs prennent une place grandissante dans l’économie mondiale. Le succès particulièrement frappant depuis cinq ans de cette nouvelle forme d’actionnariat est d’abord lié à des facteurs économiques et réglementaires, décrits en détail dans tous les articles de la presse générale (contraintes liées à la Bourse, taux historiquement bas induisant un coût d’emprunt faible…). Néanmoins, au-delà de ces facteurs » techniques « , le succès des LBO tient avant tout aux relations efficaces que ce type d’opération crée entre actionnaires et dirigeants.
La genèse de la relation investisseur/manager, une étape clé du LBO
La relation débute à un moment extrêmement sensible pour l’équipe dirigeante : la vente de l’entreprise qui les emploie. Ce moment est d’autant plus sensible qu’il s’agit souvent pour le management de la première expérience de vente. Non seulement cette période se caractérise par une quantité de travail accrue (au-delà du processus de vente, très gourmand en temps, il faut continuer à gérer la société), mais l’équipe dirigeante s’estime parfois à risque, ce qui induit un stress supplémentaire.
C’est dans ce contexte que l’investisseur et les dirigeants essaient de créer une relation de confiance, essentielle à la future réussite de la transaction : cette relation s’appuie certes sur une alchimie entre les personnes, mais également sur des discussions approfondies autour d’un projet à moyen terme pour l’entreprise (si le processus de vente le permet…) : quelle est la vision de l’entreprise à cinq ans ? À dix ans ? Quelle stratégie adopter pour y parvenir ? Cet échange entre actionnaire et dirigeants se révèle fondamental : c’est là que se concrétisent les visions des uns et des autres et que se discute le projet autour duquel s’articulera la future vie en commun.
Finalement, ces échanges sont résumés dans un plan d’affaires, terme plus communément anglicisé en business plan, exercice théorique mais nécessaire. Ce business plan détaille tous les éléments structurants pour la vie de l’entreprise à moyen terme (typiquement dans les cinq années à venir), par exemple : quels clients prioritaires démarcher ? Quels nouveaux produits lancer ? Quelles zones géographiques cibler en priorité ? Quelle organisation mettre en place ? Quelles acquisitions mener ? Quels recrutements effectuer ? Quels investissements prévoir ? Quel est le calendrier à suivre ?
Au cours de cette analyse de la stratégie et de la gestion à moyen terme de la société, un investisseur comme Chequers n’a pas de préconçus et s’adapte à la situation. Ainsi, tous les plans peuvent être explorés, y compris ceux qui réduisent temporairement la rentabilité de l’entreprise pour améliorer le retour sur investissement in fine.
L’essentiel réside dans la profondeur de la construction de ce business plan et dans l’étude d’analyses dites de » sensibilité « , visant à comprendre l’incidence sur la rentabilité d’inévitables écarts par rapport au plan. Cet exercice permet de donner au management les moyens nécessaires à l’exécution de son plan. En particulier, il permet de bien dimensionner le montant et la nature de la dette utilisée dans l’opération d’acquisition (profil d’amortissement, souplesse des conditions, mise en place de ligne de financement du BFR, d’investissement ou de croissance externe…).
Une fois parachevé, ce business plan constitue la feuille de route du management à moyen terme, sur laquelle seront fondés d’une part, les relations informelles régulières entre investisseur et dirigeants, et d’autre part, également, les accords formels entre eux.
La formalisation des relations entre actionnaire et équipe dirigeante
Tout d’abord, ces relations se caractérisent par un horizon de temps significativement plus long que celui de la plupart des sociétés cotées. En effet, l’investisseur financier raisonne typiquement à cinq ans, à la différence de la Bourse qui soumet les sociétés cotées au rituel des résultats trimestriels, avec toutes les contraintes que cela peut créer, à la fois en terme financier et managérial.
Deuxièmement, le fonctionnement de la relation actionnaire/management au jour le jour est particulièrement simple : il s’agit le plus souvent de relations bilatérales (une équipe dirigeante, un actionnaire) s’appuyant sur les discussions décrites précédemment. Cette simplicité s’avère cruciale dans les cas où il faut prendre rapidement des décisions : les sujets ont souvent déjà été abordés, au moins dans les grandes lignes. La décision est donc rapidement prise, particulièrement avec des investisseurs autonomes. Là encore, les entreprises cotées sont dans une situation très différente : il faut rendre des comptes à une multitude d’actionnaires, qui peuvent avoir des intérêts et des horizons d’investissement divergents.
De plus, les échanges entre investisseur et dirigeants dans le cadre d’un LBO se font dans un cadre clairement défini de séparation des rôles de l’actionnaire et du management, un point qui caractérise la philosophie d’investissement de Chequers. Ce cadre est souvent formalisé dans le mode de gouvernance choisi : directoire et conseil de surveillance. Dans ce type de gouvernance, les dirigeants » dirigent « , gèrent l’entreprise et exécutent le business plan ; de son côté, l’investisseur » surveille » l’exécution de ce plan et soutient le management (notamment, si besoin est, financièrement).
En outre, ce mode de fonctionnement est complété par la mise en place d’un système d’intéressement bénéficiant à l’équipe dirigeante. Lors du montage initial, l’équipe dirigeante investit aux côtés de l’investisseur financier, qui met en place un système de rétrocession de sa plus value dans une situation où le projet se déroule bien. Ces deux spécificités permettent de conforter l’alignement complet des intérêts du dirigeant avec ceux de l’actionnaire : il n’est donc pas nécessaire de perdre du temps à déchiffrer les motivations réelles ou supposées des uns et des autres.
En conclusion, consolidées par des échanges qui ont permis de se connaître et par un certain formalisme juridique (chacun étant actionnaire, les échanges sont formalisés dans un pacte d’actionnaires), ces relations actionnaire/dirigeant dans un LBO, on l’a vu, sont très différentes de celles qui ont cours dans une entreprise cotée. Elles constituent incontestablement un des piliers du succès des LBOs dans les dernières années sur au moins deux plans.
D’abord, la réussite économique des LBOs en cours : grâce à l’efficacité plus grande, à l’alignement des intérêts, à la refocalisation des esprits, à l’échange constructif entre des dirigeants et des actionnaires impliqués.
Ensuite, l’accélération du nombre de LBOs effectué chaque année : grâce à l’attractivité du modèle pour les dirigeants (simplicité, rationalité des décisions, absence de jeux politiques… et intérêt économique) ; au point que ce nouveau modèle d’actionnariat séduit un nombre croissant de dirigeants de sociétés cotés.