Le LMD ou le deep learning du climat
Prenez 479 ballons-sondes, 120 chercheurs, les équations de Navier & Stokes, un lidar et quelques petaflops, et vous n’aurez qu’un avant-goût des talents du Laboratoire de météorologie dynamique, dont une bonne moitié se cache dans d’humbles bureaux de l’aile 5 à Palaiseau. C’est pourtant ce labo, au nom un peu vintage, qui, avec celui de Météo-France, alimente périodiquement les scénarios du Giec sur les changements climatiques, et que Riwal Plougonven (95) a fait découvrir au groupe X‑Recherche.
Au départ, en 1968, les campagnes de ballons-sondes atmosphériques, qui fournissent vers 1980 les données du premier modèle général de circulation atmosphérique, le LMDZ, pièce maîtresse du modèle climatique global de l’Institut Pierre-Simon-Laplace.
Comme tous les modèles climatiques, il procède par discrétisation et simulation numérique, ce qui, pour des scénarios sur cent ans, mobilise les plus grosses machines du marché. D’année en année, il se perfectionne : l’atmosphère, puis la surface terrestre, l’océan et la cryosphère, les aérosols, le cycle du carbone, la végétation, la chimie atmosphérique, et bientôt les nuages.
Actuellement, la modélisation colle bien à ce que l’on sait de l’histoire des climats, et le consensus s’est fait sur la tendance générale : réchauffement global, amplification aux pôles, pluviométrie accrue aux hautes latitudes et dans le Pacifique ouest, fonte de la cryosphère. Les modèles actuels divergent, notamment pour l’Afrique de l’Ouest et le sud de l’Europe, l’Antarctique. Trois domaines résistent encore à la modélisation : les facteurs économiques, les nuages, la circulation thermohaline.
“Actuellement, la modélisation colle bien à ce que l’on sait de l’histoire des climats”
Les mesures atmosphériques se perfectionnent avec la télédétection du lidar du Sirta : un magnifique rayon vert pointant à 30 km d’altitude. Si l’on ajoute les campagnes en préparation Stratéole 2 de ballons stratosphériques, et un contrat de définition de futures missions spatiales, on voit que le cycle vertueux observation-théorie-modèles-simulation n’est pas près de se tarir.
Le LMD étend maintenant ses modélisations aux atmosphères des planètes et exoplanètes, aussi bien qu’aux systèmes régionaux et locaux (Méditerranée, cyclones, etc.). Le projet Trend‑X (voir le dossier principal de ce numéro) élargit le puzzle des connaissances et recherches aux domaines sociétaux.
Instruments innovants, modélisation, algorithmique, bases de données, optimisation numérique : le LMD progresse imperturbablement ; il fait entendre sa voix bien au-delà de l’École, au niveau européen et international. Les pieds sur terre, toujours pionnier, il développe des partenariats industriels avec une dizaine de grands groupes, accompagne des start-up, et est consulté par les plus hautes instances. Alors, comme le dit avec malice son directeur Philippe Drobinski (D1998) : pourquoi céderait-il à la mode et changerait-il de nom ?