LE LUXE : une industrie ultra rythmée et en constante mutation
Le monde du luxe est paradoxal. Solidement ancré dans son histoire, mais avec une volonté permanente d’innover et une force créatrice sans égale, il offre aux collaborateurs du groupe LVMH de nombreux challenges et opportunités. Le point avec Yves Cauchon (97) directeur des opérations de Thélios et Ludovic Pauchard (93) directeur industriel chez Louis Vuitton.
Votre industrie évolue et se transforme depuis plusieurs années. Cette transformation a été accentuée notamment sous l’impulsion du digital et des nouvelles technologies. Quel regard portez-vous sur ce sujet ?
Yves Cauchon : Les maisons de luxe ont cette particularité qu’elles doivent sans cesse s’actualiser pour être pertinentes aux yeux des clients d’aujourd’hui tout en conservant ce qui fait leurs permanences : leurs héritages, leurs valeurs, leurs codes, leurs savoir-faire. Leur pérennité repose sur ce délicat équilibre.
Le digital est devenu un sujet phare et un axe essentiel dans la manière dont les Maisons de luxe abordent leur relation aux clients. Aujourd’hui il fait partie intégrante de notre industrie comme il fait partie intégrante de nos vies. Il a fallu trouver le bon mode pour concilier l’instantanéité qu’il permet avec la permanence de nos maisons. Cet antagonisme est une grande source de créativité. Et notre industrie vit de la créativité sous toutes ses formes.
Ludovic Pauchard : Il y a eu une collusion entre le luxe et la mode il y a une vingtaine d’années. La mode a apporté du rythme et de la temporalité au monde du luxe, via les défilés et le lancement régulier de nouvelles collections.
Aujourd’hui, la montée en puissance du digital exacerbe ce besoin de vitesse : avec les réseaux sociaux, les clients sont connectés et plus exigeants, et le besoin de nouveautés est encore plus fort. Notre plus grand défi est de concilier la taille et la vitesse, rester agile et rapide tout en coordonnant des dizaines de milliers de collaborateurs à travers le monde.
Parmi ces grandes évolutions, il y a deux grands sujets qui mobilisent toutes les maisons du groupe LVMH à savoir : omnicanal et développement durable. Comment l’omnicanal est-il appréhendé au sein du groupe ?
L.P : L’omnicanal a connu une accélération avec la crise sanitaire, où il a fallu que l’acte de vente se transforme dans le contexte du confinement. L’enjeu était de pouvoir continuer à vendre nos produits à nos clients, en magasin, sur le site web ou sur l’application mobile tout en garantissant une expérience client fluide.
Sur la partie industrielle, cela induit un vrai changement de paradigme. Auparavant, une vente avait lieu seulement si le client, le vendeur et le produit étaient au même endroit, au même moment. Désormais, nous savons vendre à un client de New York 5th Avenue un produit qui est en stock à la boutique de Rodeo Drive… et même un produit encore en cours de production !
Le plan de production des ateliers devient alors une vraie « promesse client », avec des enjeux de vitesse et de fiabilité inédits.
Y.C : Tous les métiers ont été impactés. L’omnicanal a transformé nos boutiques, renforçant leur importance expérientielle, mais aussi notre merchandising, notre logistique, de plus en plus orientée vers le client final, notre gestion des supply chain.
Pour répondre à ces défis, comme toujours chez LVMH, les maisons sont autonomes pour définir la meilleure réponse pour leur marque propre, tout en s’appuyant sur une expertise forte au niveau du groupe.
Quid du développement durable ?
L.P : C’est une préoccupation quotidienne, qui est désormais au cœur de tous nos échanges. Cela commence dès la conception des produits, dans les échanges avec les stylistes et designers. Les sneakers Charlie, dessinés par Virgil Abloh pour Louis Vuitton, en sont un beau témoignage. Ils sont fabriqués à plus de 90% à partir de matières biosourcées ou recyclées.
Nous nous préoccupons également de l’impact environnemental de nos ateliers. En dix ans, nous avons divisé par six la consommation énergétique de nos bâtiments. Ils seront « carbon neutral » dans un proche avenir.
Y.C : Notre groupe et nos maisons s’inscrivent dans une vision à long terme. Le développement durable est une nécessité, pas un effet de mode. La direction de l’environnement a été créée en 1992. Dès 2012, nous avons structuré le programme LIFE : LVMH Initiatives for the Environment. En 2020, le groupe a voulu aller encore plus loin avec LIFE 360 : des objectifs et des échéances précises ont été définies à horizon 3, 6 et 10 ans, autour de 4 piliers : protection de la biodiversité, lutte contre le dérèglement climatique, économie circulaire, transparence.
Cet engagement se traduit par des défis très concrets au quotidien. Pour prendre un exemple en cours chez Thélios, le lunetier du groupe : comment introduire de la circularité dans le sourcing de notre matière première principale, l’acétate.
Face à un secteur qui bouge et qui évolue rapidement, attirer et fidéliser les talents est essentiel. Quelles sont vos ambitions dans ce cadre ?
Y.C : Pour en avoir fait l’expérience lors d’échanges avec les étudiants, nous constatons qu’une certaine image d’Épinal du luxe n’est pas dépassée : un monde très artisanal ou non adapté aux ingénieurs. Il y a aujourd’hui des polytechniciens dans toutes les maisons et tous les métiers du groupe. Quelques exemples : digital chez Louis Vuitton, merchandising chez Berluti, ventes chez Loro Piana, finance à la holding.
Cette industrie innove sans cesse (sur les produits, sur la gestion des opérations, le digital, l’environnement, la relation client) et cible l’excellence opérationnelle : les jeunes talents ont leur place pour s’exprimer et prendre des initiatives !
L.P : les ingénieurs de manière générale – et les polytechniciens en particulier – méconnaissent le groupe LVMH. Comme le dit Yves, ils sont souvent freinés par l’image d’intemporalité et d’inaccessibilité du luxe. C’est regrettable, car nous recrutons beaucoup, et nous offrons de très belles opportunités de carrières, en France et à l’international.
Le parcours d’Yves en est l’illustration : après quelques années en production chez Louis Vuitton, il a rejoint l’équipe Stratégie de LVMH, puis a dirigé la supply chain chez Berluti. Il est ensuite parti à Rome pour piloter la supply chain et le projet omnicanal de Fendi et est désormais directeur des opérations de Thelios.
Étant vous-mêmes diplômés de l’École polytechnique, et ayant évolué pendant plusieurs années au sein du groupe LVMH, quel message adresseriez-vous aux jeunes qui voudraient rejoindre votre groupe ?
L.P : Venez nous voir, venez nous parler, postulez pour des stages… Il y a dans le groupe 75 maisons, chacune avec une histoire passionnante et des produits sublimes, vous ne pouvez pas y être insensible. La recherche de l’excellence pousse LVMH à s’entourer des meilleurs collaborateurs et à leur confier très tôt de larges responsabilités, avec un impact fort sur le business. La coopération et la prise d’initiatives sont largement encouragées. C’est un environnement qui ne peut que plaire aux polytechniciens.
Y.C : Allez sur le site lvmh.fr, renseignez-vous sur les initiatives du groupe pour les étudiants ou jeunes professionnels, notamment INSIDE LVMH. Visitez notre nouvelle plateforme digitale www.insidelvmh.com, qui permet de découvrir de nombreux contenus exclusifs sur l’industrie du luxe et LVMH, sur les opportunités de carrière et de métiers que le groupe offre avec la participation de talents du groupe.
Et usez de la fraternité polytechnicienne, rapprochez-vous des anciens, posez des questions. Vous comprendrez rapidement que LVMH offre un terrain de jeu professionnel passionnant.