LE MANIFESTE DE L’ALTRUISME

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°668 Octobre 2011Par : Philippe Kourilsky (62)Rédacteur : Jacques Bourdillon (45)Editeur : Éditions Odile Jacob –15, rue Soufflot, 75005 Paris.

Le manifeste de l'altruisme par Philippe KourilskyPhi­lippe Kou­rils­ky, ancien DG de l’Institut Pas­teur, est l’auteur d’un remar­quable Rap­port sur le prin­cipe de pré­cau­tion (2000, avec Gene­viève Viney, Odile Jacob) et d’un ouvrage des­ti­né à défendre la science et la tech­nique contre les agres­sions dont elles sont de plus en plus l’objet, La Science en par­tage (1998, Odile Jacob). Ses deux der­niers livres ne sont pas des ouvrages scien­ti­fiques comme les pré­cé­dents, que j’avais lus avec beau­coup de plai­sir. Il s’agit cette fois-ci de phi­lo­so­phie poli­tique et morale avec deux ouvrages : Le Temps de l’altruisme et Le Mani­feste de l’altruisme (2009 et 2011, Odile Jacob), dans les­quels il nous pro­pose en quelque sorte de sub­sti­tuer un nou­veau libé­ra­lisme (que l’on pour­rait qua­li­fier d’altruiste) au libé­ra­lisme poli­tique contem­po­rain dont les vices cachés sont dénoncés.

Tout au long du Mani­feste de l’altruisme, l’auteur se réfère à des per­son­nages connus, en géné­ral de grande qua­li­té, tels que Amar­tya Sen, Jean- Bap­tiste de Fou­cauld, Monique Can­to- Sper­ber, Chris­tian de Duve, Camille Lan­dais, Tho­mas Piket­ty, Emma­nuel Saez ou Joseph Stiglitz.

Avec eux, il s’intéresse à des enjeux pla­né­taires, aux objec­tifs du mil­lé­naire : la faim, la san­té, l’éducation et la crois­sance. Il évoque à cet égard un nou­vel indi­ca­teur, celui du déve­lop­pe­ment humain (IDH).

À ses yeux, les moteurs de notre action pour atteindre ces objec­tifs devraient être notam­ment la géné­ro­si­té, la fra­ter­ni­té, le besoin de jus­tice sociale.

J’ai cru pou­voir sélec­tion­ner dans ce Mani­feste de l’altruisme quelques idées fortes expo­sées ci-après.

Le point de départ de sa réflexion est tout natu­rel­le­ment une cri­tique du libé­ra­lisme poli­tique contem­po­rain. Il donne deux exemples des patho­lo­gies de ce libé­ra­lisme : la fraude sur l’impôt, le refus de la vac­ci­na­tion ; et il pré­sente trois dés­équi­libres du sys­tème finan­cier exis­tant : dés­équi­libre entre les reve­nus finan­ciers et les reve­nus du tra­vail, dés­équi­libre dans les rela­tions entre action­naires et entre­pre­neurs, dic­ta­ture du court terme.

Il donne des défi­ni­tions de l’altruisme et de l’altruité : l’altruisme bio­lo­gique (qui existe chez les ani­maux et aus­si chez les hommes) n’a rien à voir avec le nou­veau concept qu’il nous pro­pose ; l’altruité, devoir ration­nel qui va avec la géné­ro­si­té et la fra­ter­ni­té, qui peut être une consé­quence des leçons des trois grandes reli­gions mono­théistes, mais qui peut aus­si pro­ve­nir d’une morale indi­vi­duelle (pas for­cé­ment religieuse).

À l’idée de liber­té, il pro­pose d’associer une autre idée, celle du devoir que nous avons de res­pec­ter la liber­té de l’autre ; il s’agit du devoir d’altruisme, car altruisme et liber­té, loin de s’opposer, se complètent.

Nous avons droit à l’énoncé des dif­fé­rentes décla­ra­tions des droits de l’homme : Décla­ra­tion d’indépendance des USA 1776, décla­ra­tions fran­çaises 1789, 1793, 1795, Phi­la­del­phie 1944, Décla­ra­tion uni­ver­selle 1948 (article 29), Charte afri­caine 1982 (cha­pitre 2). Seules les deux der­nières s’intéressent aus­si aux devoirs. Le devoir d’altruité implique la par­ti­ci­pa­tion à un com­bat contre les inéga­li­tés : on trouve sur la pla­nète des inéga­li­tés consi­dé­rables, mais on en trouve aus­si à l’intérieur des États (les riches et les pauvres) et notam­ment à l’intérieur de notre pays, ce qui explique le sou­tien appor­té par Phi­lippe Kou­rils­ky aux idées déve­lop­pées par Tho­mas Piket­ty, Camille Lan­dais et Emma­nuel Saez dans un récent ouvrage. Ce choix déli­bé­ré de l’altruité, de la géné­ro­si­té et de la fra­ter­ni­té ne doit pas pour autant faire oublier l’importance consi­dé­rable de la ratio­na­li­té et de la connais­sance dont Phi­lippe Kou­rils­ky est un ardent défenseur.

L’auteur fait enfin l’éloge de la tolé­rance (que l’on peut asso­cier à la pas­sion) et rap­pelle la néces­si­té de l’apprentissage et de l’éducation.

Quelques idées extraites de la conclu­sion du livre :

Les impor­tants pro­grès accom­plis dans dif­fé­rents domaines (soins médi­caux, espé­rance de vie et quelques autres) sont tous sans excep­tion liés à des avan­cées du savoir.

L’arrêt de la crois­sance de la popu­la­tion mon­diale est pré­vu pour 2050. Il va tout de même fal­loir accueillir sur la pla­nète 2,5 mil­liards d’hommes en plus, soit pra­ti­que­ment deux fois plus de Ter­riens qu’il n’y en avait en 1900, et la demande sur les biens essen­tiels (nour­ri­ture, éner­gie, autres res­sources), après avoir conti­nué à croître, devrait finir par dimi­nuer (éco­no­mies d’énergie, mais satis­fac­tion des besoins des pays les plus pauvres).

Enfin, le libé­ra­lisme altruiste n’est pas une branche du libé­ra­lisme ; il aurait plu­tôt voca­tion à lui succéder

Commentaire

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Jean-Marierépondre
29 décembre 2011 à 5 h 34 min

Il manque mal­heu­reu­se­ment à
Il manque mal­heu­reu­se­ment à l’a­na­lyse de Kou­rils­ky une dimen­sion spi­ri­tuelle théiste indé­pen­dante des reli­gions toutes inven­tées par des hommes.

Ce qu’il défi­nit n’est qu’un huma­nisme athée de plus

Il eut été plus hon­nête de sa part d’u­ti­li­ser altrui­té dans ses titres

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