Le Mariage de Figaro
L’Espace-Marais, situé dans le quartier parisien du Marais comme son nom l’indique, n’est pas à proprement parler un théâtre, mais plutôt un plateau encadré de murs et plafond peints de noir mat, équipé d’un long praticable, d’un jeu complet de herses et destiné à la formation des comédiens. D’un côté de cette manière de scène, on a cependant établi des bancs permettant d’accueillir, après les heures de cours, une soixantaine de spectateurs plus avides d’originalité que de confort.
L’originalité résidant dans l’extrême proximité des comédiens et non dans les programmes : l’Espace-Marais se voue surtout à des auteurs sans surprise et le gros de la clientèle est fait de lycéens désireux de voir jouer des pièces figurant au programme du bac, ce dans des conditions d’accès simplifié, peu coûteuses et somme toute amusantes.
Il est en effet plaisant, et d’ailleurs instructif, de regarder les acteurs comme si l’on était soi-même un élève-comédien observant le jeu d’un camarade en attendant son propre tour, dans l’intimité d’une classe de conservatoire.
De sorte que j’ai aimé la leçon de comédie donnée par l’équipe de Michel Bouttier. Pour leur part en effet, les comédiens ni leur metteur en scène ne frondaient le texte de Beaumarchais et nous donnaient au contraire un Mariage de Figaro fort sage et bien agréable à écouter.
Ce qui n’est pas si facile tant la pièce, si l’on veut bien y réfléchir, est plutôt maladroitement bâtie, avec la reconnaissance de Marcelline comme mère de Figaro – tout à fait le genre mélo, “ ciel, la croix de ma mère ! ” façon Pixerécourt – et surtout pour finir le nocturne au jardin et son échange de costumes entre la comtesse Almaviva et Suzanne, entraînant des confusions d’une grande invraisemblance.
Il aura fallu vraiment tout le talent de dialoguiste quelque peu contestataire de Beaumarchais pour faire accéder au rang de chef‑d’oeuvre, relevant du patrimoine de l’humanité – Mozart s’en inspira – une intrigue aussi boiteuse. Dialoguiste certes mais aussi, et même surtout, créateur de personnages inoubliables.
Je pense, outre à Figaro bien entendu, déjà familier aux fervents du Barbier de Séville, au jeune Chérubin, tour à tour puéril, énamouré, boudeur, espiègle, merveilleusement interprété au Marais par une fille mutine, pleine de finesse, et aussi de métier : l’instant d’avant, ou d’après, changeant de rôle, elle savait aussi bien emplir la scène des criailleries de la truculente Marcelline.
Ce n’est pas donné à tout le monde.