Financée à hauteur de 53 M€ par l’agence de l’eau Seine-Normandie, la restauration de la Sélune, un projet emblématique à l’échelle européenne, apporte déjà d’importants bénéfices pour la biodiversité.

Le modèle français des agences de l’eau : 60 ans de succès

Dossier : Les politiques publiques de l'eauMagazine N°798 Octobre 2024
Par Sandrine ROCARD (X91)

La grande loi sur l’eau de 1964 fête ses 60 ans. C’est elle qui a mis en place le modèle fran­çais des agences de l’eau, dotées des ins­tru­ments de pla­ni­fi­ca­tion, d’intervention et d’animation qui leur ont per­mis au cours du temps d’améliorer la qua­li­té de l’eau et des milieux aqua­tiques et de pro­té­ger la bio­di­ver­si­té. Leur suc­cès est la preuve de l’efficacité d’une approche col­lec­tive, prag­ma­tique et infor­mée pour l’action publique.

Des séche­resses extrêmes dans le Sud entraînent rup­tures de l’alimenta­tion en eau potable, res­tric­tions fortes des usages de l’eau et incen­dies. Dans le Nord, pluies intenses et ruis­sel­le­ments sont à l’origine d’inondations catastro­phiques. À l’Ouest, les « méga­bas­sines » déchaînent les pas­sions. À l’Est, des sources d’eaux miné­rales sont conta­mi­nées par des bac­té­ries et des pes­ti­cides. À Paris, la qua­li­té de l’eau de la Seine est l’objet de tous les regards, enthou­siastes ou grin­cheux, à l’occasion des Jeux olym­piques. Ces mises en lumière média­tiques éphé­mères, sou­vent accom­pa­gnées de mes­sages au mieux simplifi­cateurs, ne rendent pas compte des enjeux liés à l’eau, sujet aus­si vital que com­plexe, trait d’union entre les pro­blé­ma­tiques d’environnement, de san­té, de bio­di­ver­si­té et de cli­mat. La ges­tion équi­li­brée de l’eau, qui ne peut s’inscrire que dans la durée, est de plus aujourd’hui mise à rude épreuve par le chan­ge­ment cli­ma­tique, dont la forte per­tur­ba­tion du cycle de l’eau consti­tue le prin­ci­pal mar­queur. Il y a soixante ans, la France s’est dotée d’une gou­ver­nance et d’outils ori­gi­naux per­met­tant de rele­ver ces défis. Mécon­nus du grand public, consi­dé­rés avec inté­rêt par nos par­te­naires euro­péens et inter­na­tio­naux, ils méritent que l’on s’y attarde.

La loi de 1964 : création des agences de l’eau

Nous célé­brons en 2024 l’anniversaire de la loi qui a ins­ti­tué les prin­cipes fon­da­men­taux de la ges­tion de l’eau à la fran­çaise, bien avant que l’Europe ne se pré­oc­cupe d’harmoniser la poli­tique de l’eau et de don­ner davan­tage de cohé­rence aux diverses régle­men­ta­tions sec­to­rielles exis­tantes, à tra­vers l’adoption de la direc­tive-cadre sur l’eau du 23 octobre 2000. La loi du 16 décembre 1964 rela­tive au régime et à la répar­ti­tion des eaux et à la lutte contre la pol­lu­tion, comme son appel­la­tion quelque peu tech­nique ne l’indique pas, est stra­té­gique, puisqu’elle crée le cadre ins­ti­tu­tion­nel et finan­cier per­met­tant une ges­tion décen­tra­li­sée de la res­source en eau en France. Elle ins­taure ain­si une logique de ges­tion de l’eau par bas­sin ver­sant hydro­gra­phique (et non selon le décou­page admi­nis­tra­tif usuel) et pré­voit la créa­tion, dans chaque bas­sin, d’une ins­tance de concer­ta­tion, le comi­té de bas­sin, et d’une agence per­ce­vant des rede­vances payées par les acteurs du bas­sin (« agence finan­cière de bas­sin »). Elle impose éga­le­ment la mise en place d’un sui­vi de la qua­li­té des eaux super­fi­cielles et pré­voit la défi­ni­tion d’objectifs d’amélioration de la qua­li­té de ces eaux.

Le comité de bassin Seine-Normandie, une représentation de tous les acteurs et territoires.
Le comi­té de bas­sin Seine-Nor­man­die, une repré­sen­ta­tion de tous les acteurs et territoires.

Des enrichissements du cadre législatif

Les deux autres grandes lois sur l’eau fran­çaises viennent enri­chir, en 1992 et en 2006, ce cadre fon­da­teur. La loi du 3 jan­vier 1992 recon­naît la res­source en eau comme patri­moine com­mun de la Nation et dote les bas­sins d’instruments de pla­ni­fi­ca­tion de la ges­tion de l’eau : le sché­ma direc­teur d’aménagement et de ges­tion des eaux (SDAGE) pour le bas­sin, les sché­mas d’aménagement et de ges­tion des eaux (SAGE) au niveau local.

“Bien plus que des « agences financières de bassin ».”

Celle du 30 décembre 2006 ins­ti­tue un droit d’accès à l’eau potable et fixe les grandes orien­ta­tions des pro­grammes plu­ri­an­nuels des agences de l’eau. Aujourd’hui, les six agences ins­tau­rées par la loi de 1964 sont bien plus que des « agences finan­cières de bas­sin ». Le rôle de ces éta­blis­se­ments publics de l’État ori­gi­naux, sous tutelle du minis­tère char­gé de l’Écologie, s’est élar­gi et affer­mi au fil des années : ils ont su évo­luer et s’adapter aux défis et aux besoins.

Protéger l’eau en offrant des perspectives aux agriculteurs : l’agence de l’eau Seine-Normandie soutient les filières à bas niveaux d’intrants, telles que la luzerne.
Pro­té­ger l’eau en offrant des pers­pec­tives aux agri­cul­teurs : l’agence de l’eau Seine-Nor­man­die sou­tient les filières à bas niveaux d’intrants, telles que la luzerne.

L’accompagnement technique et financier des maîtres d’ouvrage

Aider à l’émergence des pro­jets contri­buant à la pré­ser­va­tion des res­sources en eau et les accom­pa­gner consti­tuent la mis­sion his­to­rique des agences de l’eau. Les prin­cipes et moda­li­tés de leur inter­ven­tion sont pré­ci­sés dans un pro­gramme plu­ri­an­nuel. Les taux d’aide pra­ti­qués ou encore les condi­tions d’éligibilité sont conçus pour sou­te­nir les pro­jets qui répondent au mieux aux prio­ri­tés d’action iden­ti­fiées pour le bas­sin. À l’origine, les agences ont cher­ché à accom­pa­gner les inves­tis­se­ments coû­teux per­met­tant de lut­ter contre les pol­lu­tions des cours d’eau – comme ceux rela­tifs aux sta­tions d’épuration urbaines et indus­trielles – ou encore de sécu­ri­ser l’alimentation des popu­la­tions en eau potable. Dans le bas­sin de la Seine, il s’agissait éga­le­ment de mieux régu­ler les débits, à tra­vers la construc­tion de vastes bar­rages-réser­voirs en amont de l’agglomération pari­sienne. La pré­ven­tion des pol­lu­tions dif­fuses, essen­tiel­le­ment d’origine agri­cole (nitrates, pes­ti­cides et leurs méta­bo­lites), pour pro­té­ger la res­source en eau et évi­ter de coû­teux trai­te­ments de l’eau potable, la pré­ser­va­tion des milieux natu­rels et des éco­sys­tèmes (comme les zones humides), ain­si que de la bio­di­ver­si­té qu’ils abritent, la pro­tec­tion du milieu marin, la ges­tion à la source et l’infiltration des eaux plu­viales et plus glo­ba­le­ment la ges­tion quan­ti­ta­tive de l’eau, essen­tielle à l’ère du chan­ge­ment cli­ma­tique, ont enri­chi pro­gres­si­ve­ment les domaines d’intervention des agences. La capa­ci­té finan­cière d’intervention des six agences, dans le cadre de leur 11e pro­gramme 2019–2024, s’élevait à 12 Md€ sur six ans, ver­sés sous forme de sub­ven­tions et, plus mar­gi­na­le­ment, d’avances rem­bour­sables. Le bas­sin Seine-Nor­man­die en repré­sente à lui seul un tiers, du fait de la diver­si­té et de l’intensité des pres­sions qui s’y exercent (voir ci-contre) et des choix opé­rés en matière de redevances.


Carte de l'Agence de l'eau Seine Normandie

Seine-Normandie, un bassin sous forte pression

Seine-Nor­man­die est le bas­sin ver­sant de la Seine, de ses prin­ci­paux affluents (l’Yonne, la Marne et l’Oise) et de petits fleuves de la côte nor­mande. Il compte 55 000 km de rivières et couvre 18 % du ter­ri­toire fran­çais. Il com­prend près de 8 150 com­munes, s’étend sur 28 dépar­te­ments de 7 régions dif­fé­rentes. Il est riche en eaux sou­ter­raines, qui per­mettent de satis­faire près de 60 % des besoins en eau potable, pre­mier usage de l’eau sur le bas­sin, et qui jouent un rôle déter­mi­nant dans le fonc­tion­ne­ment des rivières. Il com­porte de nom­breuses zones humides, éco­sys­tèmes riches et com­plexes, qui ont un rôle fon­da­men­tal dans l’épuration des eaux et la réduc­tion des inon­da­tions, et qui abritent une bio­di­ver­si­té fau­nis­tique et flo­ris­tique remar­quable. Sa façade lit­to­rale s’étend de la baie du Mont-Saint-Michel au pays de Caux et compte 650 kilo­mètres de linéaire côtier, 154 plages et 19 ports.

Le bas­sin est très mar­qué par l’homme : la den­si­té des forêts y est faible, alors que l’urbanisation et l’activité agri­cole, qui se déploie sur 60 % de la sur­face du bas­sin (beau­coup de grandes cultures et peu d’élevage), sont for­te­ment pré­sentes autour des grands cours d’eau. La val­lée de la Seine consti­tue un pôle d’implantation et d’attraction indus­trielle majeur, aus­si bien pour les indus­tries de trans­for­ma­tion (pétro­chi­mie, chi­mie de spé­cia­li­tés, pape­te­ries) que pour les indus­tries manu-fac­tu­rières (construc­tion auto­mo­bile, aéro­nau­tique, indus­trie méca­nique). Elle pos­sède deux des plus impor­tants ports flu­viaux fran­çais : Paris (port de Gen­ne­vil­liers) et Rouen.

5 200 cap­tages d’eau per­mettent de pro­duire 1,5 mil­liard de mètres cubes d’eau potable par an pour les 18,3 mil­lions d’habitants que compte le bas­sin (près de 12 pour la seule région Île-de-France). La fré­quen­ta­tion tou­ris­tique sur le lit­to­ral nor­mand et en Île-de-France est mas­sive et vient aug­men­ter la pres­sion sur le bas­sin. Plus de 2 500 sta­tions d’épuration traitent les eaux usées de l’ensemble de la popu­la­tion. Le bas­sin com­porte la plus impor­tante sta­tion d’épuration d’Europe (Achères).

Le bas­sin Seine-Nor­man­die reçoit ain­si les rejets de 30 % de la popu­la­tion fran­çaise, 40 % de l’industrie natio­nale et les pol­lu­tions dif­fuses de 25 % de l’agriculture natio­nale, alors que la Seine est le plus petit des prin­ci­paux fleuves fran­çais, en débit.

Les six agences de l’eau comptent aujourd’hui 1 500 agents. L’agence de l’eau Seine-Nor­man­die en compte 400, dont la majo­ri­té tra­vaille dans six direc­tions ter­ri­to­riales, char­gées de sous-bas­sins de la Seine ain­si que des fleuves normands.


La gestion des redevances

Pour assu­rer cet accom­pa­gne­ment et leur propre fonc­tion­ne­ment, les agences de l’eau per­çoivent des rede­vances auprès de tous les usa­gers des bas­sins, qui pol­luent ou pré­lèvent de l’eau : col­lec­ti­vi­tés, entre­prises, agri­cul­teurs ou asso­cia­tions. Ces rede­vances consti­tuent l’essentiel de leurs recettes, les agences de l’eau ne rece­vant notam­ment aucune sub­ven­tion de la part de l’État, contrai­re­ment à la plu­part des éta­blis­se­ments publics de l’État. Si la ges­tion par bas­sin ver­sant est lar­ge­ment répan­due, impo­sée en Europe depuis la direc­tive-cadre de 2000 et don­née en exemple par les Nations unies, le modèle fran­çais décen­tra­li­sé, inté­gré et mutua­liste des agences de l’eau fait figure d’exception. Tout comme les rede­vances des agences de l’eau : recon­nues comme des impôts (le Conseil consti­tu­tion­nel a esti­mé, en 1982, que les rede­vances des agences de l’eau devaient être ran­gées par­mi les impo­si­tions de toute nature, dont la Consti­tu­tion réserve au légis­la­teur le soin de fixer les règles concer­nant l’assiette, le taux et les moda­li­tés de recou­vre­ment), leur niveau n’en est pour autant pas fixé par le Par­le­ment, ce qui ne manque pas d’agacer cer­tains puristes depuis leur créa­tion. Parce qu’elle peut inci­ter les usa­gers de l’eau à adop­ter des com­por­te­ments ver­tueux – moins pol­luer, moins pré­le­ver – cette fis­ca­li­té pour­rait être uti­li­sée encore davan­tage comme un outil de poli­tique publique à part entière, com­plé­men­taire aux outils inci­ta­tifs ou encore à la régle­men­ta­tion, assez peu uti­li­sée comme levier d’action pérenne.

L’animation des instances de bassin

Le rôle d’animation qu’assure chaque agence de l’eau, en par­ti­cu­lier du comi­té de bas­sin et de ses com­mis­sions thé­ma­tiques ou ter­ri­to­riales, est cen­tral. 185 membres issus des col­lec­ti­vi­tés ter­ri­to­riales, de l’État, des acteurs socio-éco­no­miques, du monde asso­cia­tif, com­posent par exemple le comi­té de bas­sin Seine-Nor­man­die. L’écoute et l’implication, la concer­ta­tion et la recherche du consen­sus, la soli­da­ri­té – entre tous types d’usagers, de la source à l’estuaire, entre ter­ri­toires urbains et ruraux – sont les maîtres mots de la démo­cra­tie de l’eau qui s’y exerce. C’est une spé­ci­fi­ci­té forte de la ges­tion de l’eau que d’associer l’ensemble des par­ties pre­nantes au sein d’instances qui ont un réel pou­voir déci­sion­nel, puisqu’elles valident les orien­ta­tions stra­té­giques, opé­ra­tion­nelles et finan­cières (comme les taux des rede­vances) des agences de l’eau, les­quelles les mettent en œuvre sur le terrain.

La planification

Construire et pro­po­ser ces orien­ta­tions au sein de docu­ments struc­tu­rants (SDAGE et pro­gramme de mesures, stra­té­gie d’adaptation au chan­ge­ment cli­ma­tique, pro­gramme d’intervention), tou­jours âpre­ment débat­tus au sein des ins­tances de bas­sin, consti­tuent une autre grande mis­sion des agences. Il n’est pas éton­nant que l’eau ait été le pre­mier objet de pla­ni­fi­ca­tion éco­lo­gique choi­si par le gou­ver­ne­ment : la pla­ni­fi­ca­tion en matière d’eau est une démarche tren­te­naire en France, confor­tée et pré­ci­sée par la direc­tive euro­péenne de 2000, qui en a repris les prin­cipes. Un des objec­tifs actuels est de déve­lop­per dans les ter­ri­toires des bas­sins des décli­nai­sons locales de cette pla­ni­fi­ca­tion, aus­si opé­ra­tion­nelles que pos­sible et assor­ties d’objectifs.

Financée à hauteur de 53 M€ par l’agence de l’eau Seine-Normandie, la restauration de la Sélune, un projet emblématique à l’échelle européenne, apporte déjà d’importants bénéfices pour la biodiversité.
Finan­cée à hau­teur de 53 M€ par l’agence de l’eau Seine-Nor­man­die, la res­tau­ra­tion de la Sélune, un pro­jet emblé­ma­tique à l’échelle euro­péenne, apporte déjà d’importants béné­fices pour la biodiversité.

La connaissance

Chaque agence dis­pose enfin d’une connais­sance appro­fon­die des milieux aqua­tiques de son bas­sin, de leur fonc­tion­ne­ment, sou­vent com­plexe, de leur état qua­li­ta­tif comme quan­ti­ta­tif. Cette connais­sance, par­ta­gée et lar­ge­ment mise à dis­po­si­tion du public, ain­si que l’expertise du per­son­nel des agences sont essen­tielles pour fon­der les déci­sions des acteurs des bas­sins sur des faits et don­nées solides. L’agence assure ain­si elle-même la maî­trise d’ouvrage de la sur­veillance de la qua­li­té de toutes les eaux de sur­face et sou­ter­raines. Elle finance de nom­breuses études, assure le secré­ta­riat du conseil scien­ti­fique pla­cé auprès du comi­té de bas­sin et sou­tient et oriente de grands pro­grammes de recherche par­te­na­riaux, en les inci­tant à déve­lop­per le trans­fert de connais­sances vers les ges­tion­naires du bas­sin. S’appuyer sur la parole scien­ti­fique se révèle sou­vent utile pour éclai­rer les débats et clore les polémiques.

En 2023, 4,4 Mm³ d’eau ont été économisés grâce à des projets financés par l’agence de l’eau Seine-Normandie, dont 3,4 Mm³ par des entreprises.
En 2023, 4,4 Mm³ d’eau ont été éco­no­mi­sés grâce à des pro­jets finan­cés par l’agence de l’eau Seine-Nor­man­die, dont 3,4 Mm³ par des entreprises.


Nouer des partenariats contractuels avec les collectivités

En 2020, le syn­di­cat de l’Orge (voir page 42) signait un contrat de ter­ri­toire « eau et cli­mat » pour la période 2020–2024 pour les bas­sins ver­sants de l’Orge et ses affluents, cou­vrant 39 com­munes. L’objectif du contrat : l’amélioration de la qua­li­té des eaux super­fi­cielles, par la maî­trise des rejets pol­luants dans les cours d’eau, par la res­tau­ra­tion de la conti­nui­té éco­lo­gique des cours d’eau et par la maî­trise des ruis­sel­le­ments. 41,7 M€ de tra­vaux y sont iden­ti­fiés comme prio­ri­taires. En 2022, le même syn­di­cat signait éga­le­ment le contrat de « recon­quête de la bai­gnade en Seine esson­nienne », qui défi­nit les actions prio­ri­taires à mettre en œuvre pour répondre aux objec­tifs de recon­quête de la qua­li­té de l’eau de la Seine, dans l’objectif d’atteindre une qua­li­té satis­fai­sante pour la bai­gnade sur le ter­ri­toire des com­munes esson­niennes rive­raines de la Seine. Il ren­force et com­plète les enga­ge­ments déjà pris par les nom­breux maîtres d’ouvrage signataires.


Un rôle fédérateur

Davan­tage qu’une mis­sion, trou­ver des alliés, des relais sur le ter­rain pour faire connaître les enjeux de l’eau et mobi­li­ser les innom­brables acteurs, maîtres d’ouvrage et usa­gers des bas­sins autour des prio­ri­tés d’action iden­ti­fiées est une néces­si­té pour les agences de l’eau, qui agissent lar­ge­ment indi­rec­te­ment et res­tent des éta­blis­se­ments publics de taille modeste. La contractua­lisation de l’agence – avec des col­lec­ti­vi­tés ter­ri­to­riales mais aus­si, par exemple, avec des entre­prises ou fédé­ra­tions d’entreprises – per­met de scel­ler des engage­ments réci­proques à mener et sou­te­nir des pro­jets favo­rables à la pré­ser­va­tion des res­sources en eau. Des conven­tions de par­te­na­riat moins for­melles, par­fois inter­agences de l’eau, ont été conclues avec des acteurs publics ou pri­vés afin de jeter des ponts entre le monde de l’eau et ceux, sec­to­riels, de l’agriculture, des trans­ports, de l’énergie, de l’urbanisme ou encore de l’habitat social. L’agence apporte par ailleurs un sou­tien à des struc­tures met­tant en place des ani­ma­teurs pour por­ter sur le ter­rain des thé­ma­tiques prio­ri­taires, telles que la pro­tec­tion des cap­tages pour l’eau potable, la sau­ve­garde des zones humides ou la pré­ven­tion des inon­da­tions. Les actions d’information, de com­mu­ni­ca­tion, de for­ma­tion des acteurs et des sco­laires se sont éga­le­ment for­te­ment déve­lop­pées à l’échelle du bas­sin et dans les ter­ri­toires, qu’elles soient direc­te­ment por­tées ou seule­ment finan­cées par l’agence. Elles s’appuient lar­ge­ment sur la valo­ri­sa­tion d’initiatives et de pro­jets exem­plaires accom­pa­gnés par l’agence (cf. enca­dré). Au niveau natio­nal, les agences de l’eau s’unissent pour faire connaître, tou­jours par l’exemple, les enjeux de l’eau au grand public, lors de cam­pagnes télévisuelles.

Ayant mon­tré leur robus­tesse et leur capa­ci­té d’adapta­tion, dis­po­sant de nom­breux leviers, tra­vaillant ensemble, les agences de l’eau sont ain­si deve­nues au fil du temps des acteurs clés dans les ter­ri­toires au ser­vice de la pré­ser­va­tion de l’eau, de la bio­di­ver­si­té et de l’adaptation au chan­ge­ment cli­ma­tique. Elles ont per­mis d’immenses pro­grès. Preuve que, en matière envi­ron­ne­men­tale, une approche col­lec­tive, prag­ma­tique et infor­mée, s’appuyant sur un modèle de finan­ce­ment confir­mé dans la durée par la puis­sance publique, peut pro­duire des résul­tats décisifs.


Basse vallée de la Saâne, en Seine-Maritime.
Basse val­lée de la Saâne, en Seine-Mari­time. © Tho­mas Drouet / Conser­va­toire du littoral

Illustrations de l’intervention de l’agence de l’eau Seine-Normandie

Rendre la Seine bai­gnable pour les JO et bien au-delà. Ce chan­tier hors norme consis­tait à mettre en ser­vice des ouvrages struc­tu­rants et de nou­veaux réseaux d’assai­nissement, créer les rac­cor­de­ments ou cor­ri­ger les mau­vais bran­che­ments sur les réseaux de tous les usa­gers (parti­culiers, bâti­ments publics, rési­dences des bailleurs sociaux, hôtels, bateaux), dés­in­fec­ter les rejets de sta­tions d’épuration, limi­ter les apports d’eaux plu­viales pol­luées en désimper­méabilisant des sur­faces. L’agence de l’eau aura été pré­sente depuis les études préa­lables jusqu’à la concep­tion de dis­po­si­tifs d’accompagne­ment adap­tés et au sui­vi de la bonne exé­cu­tion du plan bai­gnade, appor­tant la moi­tié du 1,2 Md€ inves­ti. Cette accé­lé­ra­tion des inves­tis­se­ments per­met­tra la pour­suite de la recon­quête de la qua­li­té et de la bio­di­ver­si­té de la Seine, déjà très avan­cée, et la recon­nexion de la popu­la­tion fran­ci­lienne à son fleuve.

Pré­ser­ver la qua­li­té des res­sources en eau en pro­té­geant les cap­tages d’eau des pol­lu­tions dif­fuses. En 2020, Eau de Paris, qui four­nit de l’eau potable à tous les Pari­siens et tra­vailleurs à Paris, lan­çait, avec le sou­tien de l’agence, un dis­po­si­tif pion­nier de conseil et d’aides agri­coles, venant en appui à l’agriculture durable et bio­lo­gique, pour réduire ou sup­pri­mer l’usage d’engrais chi­miques et de pes­ti­cides sur l’ensemble de ses aires d’alimentation de cap­tages (dis­po­si­tif de 47 M€ sur dix ans, pris en charge à 80 % par l’agence). Depuis lors, 19 dis­po­si­tifs de « paie­ments pour ser­vices envi­ron­ne­men­taux » visant dif­fé­rents objec­tifs environne­mentaux ont vu le jour sur le bas­sin, com­plé­tant la large palette des aides au sec­teur agri­cole déployées par l’agence. Cette der­nière s’attache éga­le­ment à aider la struc­tu­ra­tion des filières à bas niveaux d’intrants (sto­ckage, séchage, triage, trans­for­ma­tion, etc.), pour confor­ter la péren­ni­té des exploi­ta­tions enga­gées dans la pro­tec­tion de l’eau.

Accom­pa­gner les pro­jets de dés­im­per­méa­bi­li­sa­tion des zones urba­ni­sées grâce à une meilleure ges­tion des eaux plu­viales. L’agence de l’eau a accom­pa­gné (avec une prise en charge finan­cière à 90 %) la ges­tion des eaux plu­viales à la source dans le cadre de la recons­truc­tion du centre hos­pi­ta­lier régio­nal de Caen, cou­vrant au total 12 hec­tares. Le pro­jet inclut la réa­li­sa­tion de sur­faces de par­king dans les­quelles les eaux plu­viales sont infil­trées. Les eaux de ruis­sel­le­ment des autres sur­faces sont orien­tées vers des noues d’infiltration et des espaces en creux. Des toi­tures végé­ta­li­sées viennent com­plé­ter le pro­jet. Ce type de pro­jet, en très fort déve­lop­pe­ment sur le bas­sin, pré­sente de mul­tiples béné­fices : l’infiltration des eaux plu­viales, qui n’encombrent ain­si pas les réseaux, la recharge natu­relle des nappes sou­ter­raines, le rafraî­chis­se­ment des villes. Il béné­fi­cie éga­le­ment du sou­tien de l’agence à tra­vers le fonds vert (volet rena­tu­ra­tion des villes et vil­lages) géré pour le compte de l’État.

Pro­té­ger et res­tau­rer les milieux natu­rels et leur bio­di­ver­si­té. En juillet 2022, l’agence de l’eau lan­çait un appel à pro­jets « eau et bio­di­ver­si­té », avec pour objec­tif d’encourager les stra­té­gies fon­cières pour la sau­ve­garde des milieux humides, les trames vertes liées à l’eau, la pro­tec­tion, la rési­lience et la recon­quête des espèces. 57 pro­jets ont été sélec­tion­nés et finan­cés par l’agence par­mi les 78 reçus. Cet appel à pro­jets pré­fi­gu­rait le sou­tien à la stra­té­gie natio­nale bio­di­ver­si­té 2030 appor­té par l’agence de l’eau, à tra­vers la ges­tion du fonds vert (volet bio­di­ver­si­té) que l’État lui a confiée.

Encou­ra­ger la sobrié­té en eau pour tous les usages. Avec l’appui de l’agence de l’eau, 1 Mm3 sera éco­no­mi­sé chaque année sur le site mar­nais de l’entreprise Cris­tal Union, com­por­tant une sucre­rie et une dis­til­le­rie, grâce à la moder­ni­sa­tion des cir­cuits d’eau et le recours accru au recy­clage des eaux dans le pro­cess agroa­li­men­taire et pour l’irrigation. L’industriel agroa­li­men­taire vise l’autonomie en eau de l’ensemble de ses sites, sans pré­lè­ve­ments dans les nappes, à l’horizon 2030. Tous les usa­gers, citoyens, agri­culteurs, entre­prises, col­lec­ti­vi­tés, sont invi­tés à faire preuve de sobrié­té : il est prio­ri­taire de faire bais­ser la demande en eau – avant de cher­cher à sécu­ri­ser l’offre d’eau – pour s’adapter dura­ble­ment à la raré­fac­tion de la ressource.

Adap­ter les ter­ri­toires au chan­ge­ment cli­ma­tique. Adap­ter la basse val­lée de la Saâne, en Seine-Mari­time, pour réduire les risques d’inondation et de sub­mer­sion marine, per­mettre la pour­suite de l’ensemble des usages socio-éco­no­miques de la val­lée et amé­lio­rer la qua­li­té des milieux natu­rels : c’est l’objet du pro­jet de recom­po­si­tion spa­tiale d’un ter­ri­toire lit­to­ral, por­té par plu­sieurs acteurs publics locaux, coor­don­né par le Conser­va­toire du lit­to­ral, accom­pa­gné par l’agence de l’eau et sou­te­nu par l’Union euro­péenne du fait de son ambi­tion. Sur le ter­rain, trois chan­tiers se déploient, en matière d’assainissement, de relo­ca­li­sa­tion d’activités, d’aménagement hydrau­lique et de res­tau­ra­tion et rena­tu­ra­tion de cours d’eau.

Poster un commentaire