Le nouvel ordre moral mondial
Pourquoi s’intéresser à la conformité ? Certainement parce que cette problématique est devenue réellement prégnante au cours des dix dernières années, au point d’atteindre le cœur de nos entreprises.
Les États-Unis en sont les premiers responsables. Avec des réglementations extraterritoriales complexes, ceux-ci ont rappelé leur puissance, érigée en modèle de moralité. Mais ils n’ont pas échappé aux accusations de concurrence déloyale. Les autres blocs économiques (Chine, UE) ne sont pour le moment pas parvenus à rectifier cette asymétrie. Les signataires de la convention de 1997 sur la lutte contre la corruption d’agents publics étrangers ont été conduits à rehausser leurs propres dispositifs. En France, la loi Sapin 2 de 2016 a permis la création de l’Agence française anticorruption (AFA), outil efficace et dorénavant bien identifié par les entreprises. Elle a aussi introduit en droit français la justice transactionnelle, empruntée au système américain. Pour autant, ces avancées n’écartent pas le « risque américain ».
“La conformité est complexe, protéiforme,
et requiert une expertise croissante. ”
Nous avons choisi d’illustrer ici la conformité (compliance en anglais) sous le prisme de la lutte contre la corruption. Mais ce terme peut prendre différentes acceptions. Ainsi, le contrôle des exportations impose des réglementations nationales substantiellement différentes dans des chaînes d’approvisionnement par ailleurs globalisées. De la même manière, les mesures restrictives décidées à l’encontre de certains pays (embargos) s’accompagnent de listes extrêmement fournies de personnes morales ou physiques avec lesquelles il est interdit de commercer. Pour les entreprises, le risque d’erreur n’est pas négligeable. Dans ce cadre aussi, les sanctions américaines ont une portée extraterritoriale.
Au total, la conformité au sens large est complexe, protéiforme, et requiert une expertise croissante. Pour la corruption, le développement en France d’une expertise tierce (cabinets d’avocats, moyens techniques de recherche de preuve), qui ne repose pas uniquement sur des ressources étrangères, est absolument nécessaire. Finalement, tout cela renvoie à des objectifs et principes politiques et moraux, et témoigne de l’irruption de la cité dans l’entreprise, aux côtés de la responsabilité sociale et environnementale, de la diversité… Les entreprises ancrent ces notions dans les pratiques managériales. Mais, en tant que citoyens, ne devrions-nous pas déjà être convaincus de leur intérêt ?