Le nucléaire dans le monde, demain…

Le nucléaire dans le monde, demain…

Dossier : Vie des entreprisesMagazine N°780 Décembre 2022
Par Alain VALLÉE

Le réchauf­fe­ment cli­ma­tique, main­te­nant visible et pré­gnant, rebat com­plé­te­ment les cartes d’un sec­teur éner­gé­tique qui se nour­rit à 80 % d’énergies fos­siles. Il s’est donc enga­gé dans une muta­tion mas­sive, déve­loppe et déploie, à vitesse accé­lé­rée, les quelques tech­no­lo­gies peu émet­trices de gaz à effet de serre.

Quand on doit éli­mi­ner le pétrole, le gaz et le char­bon, le nombre de res­sources envi­sa­geables se compte sur les doigts d’une main, et le nucléaire élec­tro­gène sera, à court, moyen et long terme, un élé­ment incon­tour­nable du pay­sage éner­gé­tique mon­dial. Il le sera d’autant plus que réduire l’usage des car­bu­rants fos­siles ne peut se réa­li­ser qu’avec un appel accru à l’électricité dans les trans­ports, l’habitat et l’industrie : au niveau mon­dial, la pro­duc­tion élec­trique n’utilise aujourd’hui que 15% de l’énergie pri­maire consom­mée. Même en pariant sur des pro­grès majeurs d’efficacité éner­gé­tique, la demande élec­trique va donc for­te­ment se ren­for­cer, tant dans les pays déve­lop­pés, pour répondre aux nou­veaux besoins, que dans les pays en voie de déve­lop­pe­ment, pour accom­pa­gner leur déve­lop­pe­ment économique.

Après une période incer­taine, consé­cu­tive à l’accident de Fuku­shi­ma, de nom­breux pays s’engagent réso­lu­ment vers la réa­li­sa­tion de réac­teurs, appor­tant une nou­velle dyna­mique à une indus­trie nucléaire élec­tro­gène mon­diale dont le niveau de pro­duc­tion stag­nait et qui voyait iné­luc­ta­ble­ment sa contri­bu­tion dimi­nuer. 

Ce renou­veau ne concerne pas uni­que­ment la pro­duc­tion d’électricité, car au même moment, un autre domaine nucléaire, la pro­duc­tion de radioi­so­topes pour la méde­cine se trouve aus­si en forte croissance.

Depuis le début du XXème siècle et l’utilisation des rayons X, la méde­cine a tou­jours lar­ge­ment employé des tech­niques nucléaires, avec un équi­libre lar­ge­ment posi­tif entre les risques et les bénéfices.

Les radia­tions, si elles sont à la source de cer­tains can­cers, sont aus­si une arme effi­cace dans la lutte contre cette mala­die. Elles y sont uti­li­sées pour diag­nos­ti­quer les tumeurs et les éra­di­quer. Des pro­grès récents ont appor­té une nou­velle dyna­mique à la demande de radioi­so­topes médi­caux ; ils sont issus d’une capa­ci­té à lier cer­tains d’entre eux, à vie très courte, avec des molé­cules qui en assurent le trans­port dans le corps humain, vers des tis­sus ou des organes avec les­quelles elles ont une affi­ni­té par­ti­cu­lière. Le tech­né­tium 99, dont l’isotope-mère est pro­duit dans des réac­teurs de recherche, est injec­té chaque année à 40 mil­lions de patients, afin de loca­li­ser des cel­lules tumo­rales. Cette tech­nique de « liant » com­mence à être uti­li­sée avec d’autres radioi­so­topes, comme le Lute­tium 177, à des fins thé­ra­peu­tiques, per­met­tant de brû­ler de manière très ciblée les cel­lules tumorales.

Ces pro­grès en méde­cine nucléaire sont une forte inci­ta­tion, dans de nom­breux pays, à mettre en place et déli­vrer ce type de soins à leur popu­la­tion. Pour les iso­topes pro­duits en réac­teurs, le mar­ché est mon­dial, domi­né par quelques acteurs dont les ins­tal­la­tions vieillissent. Les pays qui ont, à ce jour, un accès très limi­té à ces trai­te­ments, cherchent à mon­ter en com­pé­tence et cer­tains veulent même s’équiper de réac­teurs de recherche pour garan­tir un appro­vi­sion­ne­ment indépendant.

L’énergie nucléaire est par­ti­cu­liè­re­ment com­plexe à maî­tri­ser, et néces­site des com­pé­tences, des infra­struc­tures adap­tées et la mise en place d’organismes essen­tiels, comme une Auto­ri­té de Sûre­té. Les réac­teurs de recherche, plus simples que les réac­teurs élec­tro­gènes, sont une bonne porte d’entrée. Leur uti­li­sa­tion est extrê­me­ment diver­si­fiée, et au-delà de leur usage médi­cal, ils sont aus­si employés pour la recherche scien­ti­fique, la recherche tech­no­lo­gique, nucléaire ou non, et sont des outils de for­ma­tion incom­pa­rables, dans le domaine du génie nucléaire.

Dans les 10 der­nières années, 7 nou­veaux réac­teurs de ce type ont démar­ré dans le monde, 12 sont aujourd’hui en construc­tion, et, d’après l’Agence inter­na­tio­nale pour l’énergie ato­mique, 14 sup­plé­men­taires devraient être mis en chan­tier dans les pro­chaines années.

Depuis envi­ron trois décen­nies, le niveau de com­mandes de nou­veaux réac­teurs élec­tro­gènes stag­nait à un niveau très bas, quelques réac­teurs par an, insuf­fi­sant pour main­te­nir glo­ba­le­ment intactes les capa­ci­tés indus­trielles, et per­mettre des effets de série, por­teurs de pro­duc­ti­vi­té. Le mar­ché s’était concen­tré sur les pays avan­cés, pré­sen­tant un réseau élec­trique suf­fi­sam­ment robuste. Ce contexte, ain­si que la com­pé­ti­tion éco­no­mique avec les cen­trales à gaz et à char­bon qui avaient béné­fi­cié, dans les années 1990, de pro­grès tech­no­lo­giques majeurs, a inci­té les concep­teurs de réac­teurs à jouer sur l’effet de taille et favo­ri­ser la mon­tée vers les fortes puissances.

De nom­breux pays ont un réseau trop faible pour pou­voir accep­ter des réac­teurs de 1 000 MWe ou plus. Or, à ce jour, les seules sources conti­nues, non car­bo­nées, pou­vant pro­duire l’électricité à la demande et accom­pa­gner le besoin, bases indis­pen­sables au déve­lop­pe­ment éco­no­mique, sont l’hydraulique et le nucléaire. Cette situa­tion conduit beau­coup de pays émer­geants à s’intéresser au nucléaire, mais pour la plu­part d’entre eux, le niveau de puis­sance actuel des réac­teurs qui peut leur être pro­po­sés est trop éle­vé. Cela concerne prin­ci­pa­le­ment le Sud-Est asia­tique, l’Afrique, l’Amérique Cen­trale et du Sud, où la popu­la­tion, et par consé­quent, la demande éner­gé­tique, sont en forte crois­sance. 

Le nucléaire n’est bien sûr pas la réponse géné­rique à toutes ces attentes, mais il appor­te­ra sa contri­bu­tion à la décar­bo­na­tion des acti­vi­tés humaines, si son déploie­ment peut se faire dans un res­pect abso­lu des règles de sûre­té, et par des réac­teurs adap­tés aux exi­gences de ces nou­veaux mar­chés.  

Depuis une tren­taine d’années, de nom­breux pro­jets de réac­teurs de petite puis­sance ont vu le jour, mais sont res­tés à l’état papier. Ils ont tou­jours buté sur la bar­rière éco­no­mique au moment de la pre­mière réa­li­sa­tion, les prix bas du gaz et du char­bon ser­vant de réfé­rence pour le coût de l’électricité. 

Le contexte a main­te­nant chan­gé, avec la mon­tée rapide du prix du car­bone, et les condi­tions éco­no­miques sont deve­nues plus favo­rables pour l’émergence de petits réac­teurs, les SMR, qui font l’objet de déve­lop­pe­ments nom­breux dans tous les pays béné­fi­ciant d’une indus­trie nucléaire. La Rus­sie et la Chine, qui ont pris le lea­der­ship du nucléaire mon­dial, viennent de démar­rer et démarrent des pro­to­types, ouvrant la voie, dans un futur assez proche, à des prises inter­na­tio­nales de com­mandes. Ils entrent dans une nou­velle phase, cru­ciale, celle de l’industrialisation, qui impose des inves­tis­se­ments mas­sifs dans les usines qui pro­dui­ront en série les modules des réac­teurs. Ceux-ci devront être iden­tiques quel que soit le pays où ils sont ven­dus, impli­quant la néces­si­té d’une grande homo­gé­néi­té entre les approches de sûre­té natio­nales, à l’image de ce qui se fait dans l’aéronautique. 

L’énergie nucléaire est par­ti­cu­liè­re­ment com­plexe et très exi­geante en termes de sûre­té et de sécu­ri­té. Les pays qui y font appel doivent donc se pré­pa­rer, et sur­tout faire en sorte que les acteurs locaux, auto­ri­tés de sûre­té ou opé­ra­teurs, ont les com­pé­tences et l’expérience néces­saire ; or la longue durée des pro­jets nucléaires, bien gérée, per­met une prise en main pro­gres­sive. 

NucAd­vi­sor a tra­vaillé et tra­vaille à la pré­pa­ra­tion et à la réa­li­sa­tion des pre­miers pro­jets nucléaires de divers pays, centres nucléaires, réac­teurs de recherche ou pré­pa­ra­tion de pro­grammes élec­tro­gènes. L’organisme en charge du pro­jet recrute de jeunes ingé­nieurs locaux, sou­vent for­més à l’étranger au génie nucléaire, qui com­posent le noyau ini­tial et qui por­te­ront la mon­tée en com­pé­tence nucléaire du pays ; ils tra­vaillent en étroite col­la­bo­ra­tion avec nos experts qui leur trans­mettent la culture nucléaire et des méthodes de tra­vail dans un par­tage concret d’expérience.

L’éducation et la for­ma­tion de nou­velles géné­ra­tions d’ingénieurs et de tech­ni­ciens sera une condi­tion struc­tu­rante à un déve­lop­pe­ment har­mo­nieux du nucléaire dans le monde, tant dans les pays maî­tri­sant déjà cette éner­gie, qui doivent y atti­rer les jeunes, que dans les pays démar­rant des pro­grammes, qui doivent leur appor­ter des expé­riences concrètes. Le trans­fert de savoir-faire est un des volets majeurs de la démarche inter­na­tio­nale de NucAd­vi­sor et répond à une attente essen­tielle de ceux qui nous font confiance.  


En bref

NucAd­vi­sor est une socié­té de conseil, créée en 2009 par un groupe d’anciens res­pon­sables de l’industrie nucléaire fran­çaise. Le groupe Vin­ci, au-tra­vers de Sole­tanche-Freys­si­net, en est l’actionnaire majo­ri­taire, au côté d’une quin­zaine de Par­te­naires qui lui apportent com­pé­tences, expé­rience et réseau. La qua­si-inté­gra­li­té de son acti­vi­té est internationale.

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