Le numérique responsable : un levier au service de la politique RSE des entreprises
Si le numérique représente 4 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) à l’échelle mondiale (avec une prévision d’augmentation de +60 % d’ici 2040 – Source ADEME), il est aussi un levier à disposition des entreprises et organismes publics pour réduire leur impact environnemental global. Le point avec Constance Renard, directrice de la Transformation et Sustainability de Computacenter.
Qui est Computacenter ?
Computacenter est un intégrateur IT international, coté à la Bourse de Londres, qui fournit des actifs technologiques allant du workplace (i.e. environnement de travail), aux data centers, en passant par les équipements de réseaux et sécurité. Associés à ces technologies, Computacenter délivre des services : maintenance, conseil en transformation digitale, gestion de projets, et infogérance des infrastructures. Fort de ses 22 000 collaborateurs dans le monde Computacenter a généré en 2023, un chiffre d’affaires de plus de 10 milliards de pounds. Ses clients sont aussi bien des acteurs publics que des entreprises privées. En France, près de 2 000 personnes, servent notre portefeuille clients, essentiellement composé de groupes du CAC 40/SBF 120. Il y a 4 ans, Computacenter a fait l’acquisition d’une filiale de British Telecom, permettant de gagner des parts de marché et de renforcer son positionnement dans les secteurs réseau & sécurité.
Dans un contexte post Accords de Paris visant la neutralité carbone à horizon 2050, quel peut être le rôle du Green IT et IT for Green ?
En notre qualité d’entreprise du numérique, nous sommes directement impactés et concernés par la décarbonation. Par nature notre secteur d’activité a un très fort impact environnemental et social, aussi nous portons ce sujet du numérique responsable au plus haut niveau de gouvernance, avec des Comité d’Administration et Exécutif très impliqués et engagés en matière de RSE. La COP21 de 2015 a lancé une dynamique forte, qui a poussé le législateur français à rendre obligatoire le Scope 3 pour toutes les entreprises depuis janvier 2023. Computacenter a ainsi réalisé le sien (avec le Cabinet Carbone4, fondé par Jean-Marc Jancovici) et s’appuie sur ces résultats pour élaborer et adapter son plan de transition (540 000 tCO2eq), dont l’objectif, porté par le Groupe, est d’être Net Zero d’ici 2040 (avec une étape intermédiaire de réduction de 50 % des GES d’ici 2032). Les notions de Green IT et de IT for Green, reflètent tout à fait le positionnement dual, voire paradoxal, du numérique, car il est à la fois en partie responsable du problème, mais aussi une des solutions. Le Green IT englobe toutes les technologies visant à réduire l’impact environnemental du numérique. Alors que dans les années 80⁄90, nous étions sur une logique d’obsolescence programmée, aujourd’hui, il s’agit de faire durer les usages et d’intégrer la notion de fin de vie dès les premières phases de conception. L’IT for Green s’articule autour de l’idée que le numérique peut être un véritable levier d’optimisation (carbone mais aussi social) des opérations, amorçant ainsi la transition écologique. Cela passe, par exemple, par la dématérialisation qui contribue au zéro papier et à la réduction des déplacements physiques. Mais il ne faut pas oublier que cette dématérialisation, a une vraie matérialité (pour construire ces data centers : actifs de stockage, de calcul, de sauvegarde…). Une étude récente de l’ADEME-ARCEP montre que l’analyse du cycle de vie du numérique en France, engendre 52 % d’épuisement des ressources abiotiques, et 11 % de réchauffement global ! Le carbone n’est pas ni le seul, ni le premier problème ! Pour notre secteur, le principal défi est de trouver un juste équilibre entre un numérique qui est un levier d’optimisation opérationnel, financier et environnemental, mais dont il faut limiter l’empreinte environnementale et carbone. Les entreprises et les organismes publics doivent, en effet, questionner chaque usage pour ne pas tomber dans une surconsommation (IA générative, IoT…) dont les effets ne peuvent être que néfastes.
Comment appréhendez-vous cette dimension ?
Chez Computacenter, le numérique responsable s’articule autour de trois piliers complémentaires : People – Planet – Solutions.
Ainsi, le volet Planet sert la volonté de mieux maîtriser ses usages et technologies pour réduire l’impact carbone associé sur l’environnement et la biodiversité, mais aussi la consommation d’eau ou la production de déchets. Le second pilier (People) est relatif à l’aspect social & économique, et vise notamment à réduire la fracture numérique entre les générations et les déserts technologiques, ou encore garantir l’inclusivité. Enfin le troisième axe (Solutions), concerne la valeur ajoutée que nous allons apporter à nos clients au travers de nos produits et de nos services, afin de les aider à réduire leur propre empreinte environnementale (notamment générée par l’approvisionnement des technologies). Dans cette démarche, nous nous concentrons sur le Scope 3, c’est-à-dire les GES qui sont indirectement liées à notre activité, en amont et en aval de celle-ci, Computacenter étant agnostique et travaillant avec un large écosystème de fabricants. Si nous n’avons bien évidemment pas la main sur la fabrication des produits et des équipements, nous pouvons néanmoins challenger les fabricants pour apporter ensemble plus de valeur à nos clients finaux. Computacenter se positionne donc au centre de la chaîne de valeur, entre les fournisseurs et les clients/utilisateurs finaux. Notre rôle est d’apporter le plus d’informations possible à notre client sur la dimension environnementale, qui va au-delà de l’impact carbone et qui couvre notamment la question de la biodiversité, de l’eau, du traitement des déchets, de l’extraction des métaux rares, de l’économie circulaire, afin qu’il puisse faire un choix éclairé.
Sur ces thématiques et enjeux, vous avez un partenariat avec Intel. Dites-nous en plus.
Intel est un partenaire américain de longue date de Computacenter (implanté en France depuis des décennies) avec qui nous sommes très heureux de collaborer et d’innover. Nos ambitions business et environnementales fortes sont alignées et nous inscrivent tous deux dans une démarche d’innovation continue au service de nos clients finaux, visant à apporter sens et valeur ajoutée à ces derniers. Intel conçoit et fabrique des technologies embarquées dans des produits finaux (ordinateurs portables, serveurs de calcul…) avec le souci de réduire au maximum son empreinte environnementale, et ce, à chaque étape de la conception et commercialisation (éco-design, éco-conception, consommations en eau et en énergie…). Cette stratégie de bout en bout de sa chaîne de valeur lui vaut d’être régulièrement nommée comme l’entreprise la plus durable aux États-Unis par BARRON’s. À titre d’exemple, on peut citer parmi ses innovations, Intel vPro®, une technologie de l’environnement de travail, permettant la prise en main à distance d’appareils et de mener des opérations de maintenance ou réparation logicielles. Sur le plan financier, cette technologie engendre des économies de coûts (optimisation de l’énergie, extinction des appareils à distance, lancement de mises à jour la nuit…). La gestion et la réparation à distance permettent ainsi de réduire significativement les émissions liées aux déplacements et aux interventions de techniciens sur site. Et dans un contexte d’accélération de l’hybridation du travail, cette technologie va jouer un rôle de plus en plus important, permettant un accès aux appareils hors bande depuis n’importe quel endroit. Aujourd’hui, Intel ambitionne de développer ce mode opératoire et propose cette technologie à des intégrateurs finaux, comme Computacenter. Concernant la verticale produit « Data Center », la technologie Intel® Telemetry Collector exploite les données provenant de capteurs placés au niveau de la puce intégrée dans les solutions alimentées par Intel. Ainsi il est possible de visualiser et gérer la santé du système, la consommation d’énergie et l’efficacité thermique. Indispensable pour prendre des décisions d’optimisation matérielles et d’espace. Cette technologie contribue donc à l’optimisation du cloud, mais aussi des infrastructures on premise. En parallèle, nous préparons l’avenir et travaillons ensemble sur les futurs usages et perspectives du numérique responsable. À titre d’exemple, nous sommes mobilisés sur la question de l’allongement de la durée de vie des actifs. Aujourd’hui, la durée de vie moyenne des matériels est de 3 à 5 ans, l’idée est de l’étendre davantage en s’appuyant sur l’expertise et les technologies Intel. L’ambition est aussi d’anticiper les prochaines tendances qui vont redessiner la façon de travailler des entreprises, comme cela a été le cas avec l’hybridation du travail, intensifié par le Covid-19. Dans cette démarche, il ne s’agit plus seulement d’atteindre la meilleure performance financière ou commerciale, mais aussi de garantir une performance opérationnelle et environnementale.
Quels sont les enjeux qui persistent et comment vous projetez-vous ?
En France, nous avons de forts enjeux réglementaires, qui sont en avance versus le reste de l’Europe. Avec la directive CSRD (reporting extra-financier de 1 178 datapoints), les entreprises vont devoir s’engager fortement en matière de RSE, amenant les indicateurs environnementaux au même niveau que les indicateurs financiers, qui mesureront ainsi la performance globale de l’entreprise (non plus évaluée de façon exclusivement financière). Le fait que la CSRD concerne désormais 50 000 entreprises (versus 12 000 avec l’ancienne DPEF) montre la volonté d’inclure et responsabiliser un maximum d’acteurs privés. Pour ce faire, il faut se doter d’outils de collecte et d’analyse afin de générer une comptabilité carbone précise en complément des autres KPIs sociaux et environnementaux, À cela s’ajoute un enjeu humain : celui de la formation des collaborateurs, managers et dirigeants, primordiale. Au sein de Computacenter, tout le Comex a ainsi été formé à la Fresque du Climat l’an dernier. À titre personnel, je suis moi-même formatrice de la Fresque, afin d’initier à cet atelier un maximum de collaborateurs. Cette démarche est essentielle pour une compréhension collective des enjeux et susciter l’innovation à tous les niveaux de notre chaîne de valeur. Ces chantiers nécessitent bien évidemment des financements (outils, ressources, process) qui doivent être anticipés par les entreprises. Et, placer au cœur des structures de rémunérations ces enjeux RSE afin qu’ils soient concrètement pris en compte par les opérationnels est déjà fait pas de nombreux Conseils d’Administration. Enfin, nous sommes aussi face à un enjeu business, car il est évident que les entreprises ne pourront pas continuer à se développer ni à être profitables dans un monde où le réchauffement climatique dépasse 2,7° et où la biodiversité aura disparu ! Nous avons tous notre part à jouer : individus, entreprises et États !