Le paysage offert par la loi de programme pour la recherche
La loi de programme pour la recherche du 18 avril 2006 constitue la traduction législative du Pacte pour la Recherche présenté par le Gouvernement en octobre 2005. Celui-ci a pour objectif de donner un nouvel élan à la recherche française, actuellement confrontée à de nombreux défis :
• nécessité d’un renforcement de la compétitivité économique par la différenciation technologique et l’innovation,
• émergence de nouveaux risques sociétaux, médicaux et environnementaux, ainsi que de nouveaux besoins d’expertise,
• défiance croissante de la société vis-à-vis de la science,
• désaffection des jeunes pour les carrières scientifiques.
Dans un contexte très fortement contraint par l’état des finances publiques, le Pacte et la loi apportent ainsi une visibilité sur les moyens publics qui seront consacrés à la recherche. Chaque année, un milliard d’euros supplémentaires y sera injecté, pour porter la dépense de l’État de 18,6 à 24 milliards d’euros entre 2004 et 2010. En 2007, 2 000 emplois y seront créés, alors même que 15 000 emplois seront globalement supprimés dans la Fonction publique.
Le Pacte et la loi introduisent également les outils pour une évolution dynamique du système de recherche français, qui s’articule autour de cinq objectifs majeurs.
Renforcement des capacités d’évaluation stratégique et de définition des priorités
Installé en septembre 2006 par le Président de la République, le Haut Conseil de la science et de la technologie (HCST) a pour mission d’éclairer le Gouvernement sur les grandes orientations dans ses domaines de compétence. Il rassemble vingt personnalités scientifiques éminentes sous la présidence de Serge Feneuille, ancien directeur général du CNRS et de Lafarge Coppée-Recherche. Le secrétariat général est assuré par la nouvelle direction de la stratégie du ministère chargé de la Recherche
Par ailleurs, la loi a pérennisé l’Agence nationale de la recherche (ANR), créée en 2005 et chargée de financer les projets correspondant aux priorités définies dans sa programmation
La montée en puissance de cette agence (dont le budget atteint 800 millions d’euros en 2006) marque la volonté de rééquilibrer la part des financements sur projets par rapport aux financements récurrents des laboratoires.
Mise en place d’un système d’évaluation de la recherche unifié, cohérent et transparent
L’évaluation, qui constitue la juste contrepartie de la liberté de la recherche, apparaît en France trop disparate et hétérogène tant par ses acteurs que par ses méthodes. Une évaluation de qualité, menée en toute transparence, aux conclusions claires, indépendante des décisions qui en découlent, est indispensable pour garantir le bon fonctionnement du système de recherche publique.
Tel est l’objet de la nouvelle Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (AERES) organisée par décret du 3 novembre 2006. Les membres de son conseil seront nommés parmi les candidats proposés par les dirigeants et les instances d’évaluation existantes des établissements publics concernés.
L’AERES comprendra trois sections :
• une section compétente pour l’évaluation des établissements et organismes, ainsi que pour valider les procédures d’évaluation des personnels ;
• une section compétente pour l’évaluation des unités de recherche ;
• une section compétente pour l’évaluation des formations et des diplômes.
Rassemblement des énergies et facilitation des coopérations entre les acteurs de la recherche
Pour faciliter la coopération des équipes de recherche, la loi a créé deux cadres juridiques : établissement de coopération scientifique (EPCS) et fondation de coopération scientifique (FCS), ainsi que deux nouveaux types d’organisations : les pôles de recherche et d’enseignement supérieur (PRES) et les réseaux thématiques de recherche avancée (RTRA).
Dans une logique de site, les PRES constituent un outil de mutualisation d’activités et de moyens ; ils peuvent revêtir différentes formes juridiques (association, GIP, EPCS, etc.). Après expertise, les projets les plus avancés pourront faire l’objet d’une contractualisation et d’un abondement de leurs moyens par l’État d’ici la fin de l’année 2006.
Les RTRA ont pour but de favoriser l’émergence de hauts lieux scientifiques, à forte visibilité internationale, par le rapprochement d’équipes leaders dans leurs domaines. Chacun doit prendre la forme d’une FCS. 200 millions d’euros leur seront attribués d’ici la fin de l’année.
L’École polytechnique est membre fondateur de deux des treize projets sélectionnés en septembre dernier : le RTRA Digiteo dédié aux sciences et technologies de l’information et le RTRA « Triangle de la physique ». Ces deux RTRA constituent le socle de recherche amont et de technologie sur lequel repose le pôle de compétitivité System@tic.
Amélioration de l’attractivité des carrières scientifiques
Par comparaison avec les autres pays, le doctorat pâtit en France d’une reconnaissance insuffisante, notamment auprès des employeurs privés, d’où un manque d’attractivité pour les jeunes scientifiques. Plusieurs actions vont permettre de remédier à cette situation, notamment une forte revalorisation du montant des allocations de recherche, une réforme des écoles doctorales et un encouragement à la reconnaissance de la période doctorale comme première expérience professionnelle par les partenaires sociaux.
Le lancement des nouvelles bourses Descartes ainsi que le doublement programmé des promotions de l’Institut universitaire de France vont permettre d’offrir des conditions matérielles considérablement améliorées aux meilleurs jeunes chercheurs et enseignants-chercheurs.
Enfin, un ensemble de mesures est destiné à revaloriser et à diversifier les carrières des scientifiques du secteur public.
Intensification de la dynamique d’innovation et des liens entre recherches publique et privée
La valorisation socioéconomique de la recherche publique et le développement de la recherche en entreprise constituent un axe stratégique pour notre pays. Au-delà des initiatives majeures lancées parallèlement au Pacte pour la Recherche (Agence de l’innovation industrielle, pôles de compétitivité), un soutien massif à la recherche en entreprise est apporté par l’élargissement du crédit d’impôt recherche, dont la dépense fiscale devrait atteindre 1 245 millions d’euros en 2009 contre 486 millions d’euros en 2004. Un ensemble de mesures en faveur des start-ups et des entreprises technologiques à croissance rapide, notamment pour l’accès au capital, va permettre à la France de rattraper un retard relatif dans ce domaine.
Par ailleurs, la recherche partenariale privé-public va être considérablement encouragée par la création des labels Carnot. Vingt premiers groupements de laboratoires publics ont été ainsi labellisés en 2006, ce qui traduit leur capacité à concilier recherche amont et forte interaction avec le monde socioéconomique. Dorénavant structurés en réseau, ils bénéficient dès cette année d’un abondement de 40 millions d’euros. L’ANR s’implique également fortement dans la recherche partenariale ; ainsi les montants alloués à des projets labellisés par les structures de gouvernance des pôles de compétitivité ont représenté près de 38 % du total des financements de projets en 2005.
Au-delà des cinq objectifs indiqués, différentes initiatives structurantes ont été prises dans le cadre du Pacte pour la Recherche, notamment pour mieux intégrer la France dans l’espace européen de la recherche (préparation du 7e PCRD, lancement d’appels à projets de recherche internationaux, échange de chercheurs, etc.), et pour améliorer les relations entre la science et la société (création de l’Institut des hautes études pour la science et la technologie, destiné à favoriser l’échange sur la recherche et l’innovation par l’accueil d’auditeurs issus d’horizons variés, pour un cycle annuel de trente-deux journées de visites, de séminaires et d’analyses).