LE PEINTRE, L’AMOUR, LA MORT
Peintre à la vocation précoce, Henri Regnault, fils du chimiste Victor Regnault (X1830), choisit la voie royale du prix de Rome qu’il obtient à l’unanimité en 1866. La Villa Médicis, Madrid, Grenade, Tanger, son itinéraire guide l’évolution de son art autant que son inspiration épouse son itinéraire.
C’est pour l’auteur l’occasion d’évoquer le Paris des beaux-arts sous le Second Empire, l’Académie de France à Rome, capitale d’une Italie toute neuve, la révolution madrilène du général Prim et le fascinant Tanger, porte de l’Orient. Alors que la célébrité d’Henri Regnault explose au Salon de 1870 avec sa Salomé et qu’il se fait construire au Maroc l’atelier de ses rêves, le jeune peintre, bien que dispensé d’obligations militaires, rentre immédiatement en France pour participer à la défense nationale et tombe à vingt-sept ans au dernier combat du siège de Paris, apothéose d’une vie fulgurante.
Avec Le Peintre, l’Amour, la Mort le lecteur part à la découverte d’un destin digne des épopées anciennes : Roland à Roncevaux ou mieux encore Achille sous les murailles de Troie, Achille qui a si magnifiquement inspiré le jeune Regnault lors du Concours de Rome sur le thème Thétis apportant à Achille les armes forgées par Vulcain.
Comme le neveu de Charlemagne, comme le fils de Thétis et de Pélée, Henri Regnault est allé jusqu’au bout de ses rêves dans la fidélité à l’honneur et au prix de sa vie. Brigitte Olivier-Cyssau fait partager au lecteur avec compétence et passion les émotions artistiques et intimes de son héros, dans une connivence qui donne à son livre un charme original tout en éveillant le désir de redécouvrir l’oeuvre d’Henri Regnault, brûlant témoignage d’un amour inassouvi du monde et de l’existence. Car c’est à la toile, d’abord et surtout, que le peintre confie ce qu’il n’a pas pu, pas osé ou pas voulu dire. Peur de la mort, violence du désir, aspiration vers l’au-delà, la toile révèle l’homme au-delà des mots et des actes.
Certes depuis la mort d’Henri Regnault les conditions de vie ont changé, mais pas la condition humaine, l’art ne cesse de nous le rappeler. En ce sens le livre de Brigitte Olivier- Cyssau donne aussi envie de regarder la peinture autrement. C’est pour le lecteur un attrait supplémentaire.