Le photovoltaïque : présent et futur
Le solaire photovoltaïque reste, en 2017, le deuxième contributeur (après l’éolien) à la croissance mondiale des énergies renouvelables mais il devrait devenir le premier dans les toutes prochaines années.
Le Laboratoire de physique des interfaces et couches minces et l’Institut photovoltaïque d’Île-de-France sont les fleurons de l’X pour la recherche dans ce domaine.
La capacité mondiale d’énergie solaire photovoltaïque installée totale avoisinait 400 GWp (puissance nominale) à la fin de 2017. Ce fut une année extraordinaire pour l’énergie solaire en Chine, avec plus de 50 GWp de capacité nouvelle, soit plus que les croissances combinées (35 GW) du charbon, du gaz et de l’énergie nucléaire. La Chine a ainsi dépassé les États-Unis pour devenir le nouveau leader mondial : la nouvelle capacité solaire photovoltaïque ajoutée en Chine en 2017 équivaut à la capacité solaire photovoltaïque totale installée de la France et de l’Allemagne combinées. Aux États-Unis, 10 GWp d’énergie photovoltaïque ont été ajoutés en 2017, en baisse de 30 % par rapport à 2016, mais cela représente toujours la deuxième année la plus élevée jamais enregistrée. En ce qui concerne la France, le niveau est certes plus modeste avec 875 MWp installés en 2017, pour un total atteignant 8 GWp. Cependant, le plan « Place au Soleil » lancé par le gouvernement le 28 juin 2018 vise à porter le taux d’énergie renouvelable à 32 % en 2030, contre 22 % aujourd’hui. En parallèle plusieurs acteurs industriels majeurs s’engagent dans une politique proactive. Ainsi, EDF a un objectif de 30 GW photovoltaïque en 2035. Ce n’est pas le seul acteur industriel ayant une politique volontariste en la matière : par exemple dans la grande distribution, Les Mousquetaires (Intermarché, etc.) prévoient d’équiper 50 hectares d’ici cinq ans, le mouvement E. Leclerc vise la même surface d’ici à 2025, tandis que Système U veut installer 30 MWp sur 200 magasins, Carrefour 20 MWp en 2022 et Auchan 60 MWp en 2023. Enfin, notons que les armées se proposent de dédier 2 000 hectares à des fermes solaires d’ici 2025.
REPÈRES
La production mondiale d’électricité à partir d’énergies renouvelables a augmenté de 6,3 % (380 TWh) en 2017. La Chine et les États-Unis ont représenté à eux seuls la moitié de cette augmentation, suivis de l’Union européenne (8 %), du Japon et de l’Inde (avec une croissance de 6 % chacun). En termes de répartition, l’énergie éolienne a représenté la plus grande part de la croissance globale des énergies renouvelables (36 %), suivie du solaire photovoltaïque (27 %), de l’hydroélectricité (22 %) et de la bioénergie (12 %).
Les technologies des cellules solaires photovoltaïques
Depuis maintenant plusieurs années, et suite à une action plus que volontariste du gouvernement chinois, le silicium cristallin domine très largement le marché des cellules solaires grand public. Ainsi en 2017, selon le Photovoltaic Report 2018 du ISE Fraunhofer, cette filière technologique représente 95 % des capacités installées. Les autres filières industriellement significatives : tellurure de cadmium (CdTE), cuivre, indium, gallium et sélénium (CIGS), et silicium amorphe se répartissant les 5 % restants. En ce qui concerne le silicium cristallin, l’approche polycristalline reste dominante avec 62 % des parts de marché, mais on peut noter que, suite à une chute drastique des prix, la filière monocristalline connaît une croissance significative. Dans cette technologie, l’industrie française est présente via Photowatt et sa technologie Monolike et plus indirectement la société Sunpower, propriété de Total. Pour les autres technologies, dites en couches minces (c’est-à-dire basées sur des couches de quelques centaines de nanomètres), le marché peut être considéré en 2017 comme quasi confidentiel (4,5 GWp). Malgré tout, on peut noter l’arrivée de nouveaux acteurs chinois et japonais pour le CIGS et la volonté de First Solar (USA) d’augmenter ses capacités de production à 6 GWp.
Quid de la recherche actuelle ?
Même si la technologie du solaire photovoltaïque semble maintenant industriellement mature, elle reste un champ prospère de la recherche académique et industrielle.
En ce qui concerne les cellules classiques à base de silicium cristallin, la quête du meilleur rendement semble atteindre une limite. Avec un record en laboratoire pour cette technologie de 26,6 %, on est très proche de la limite théorique de Shockley-Queisser (29,1 %) qui par principe ne tient pas compte des pertes générées par les défauts des matériaux actifs et par les contacts métalliques. Malgré tout, la recherche est toujours active sur plusieurs points comme la texturation des surfaces pour un meilleur piégeage de la lumière, le contrôle de la cristallisation pour à la fois réduire la température et les défauts comme les joints de grains, et enfin la conception, par nano-structuration, de cellules plus fines (1 µm contre 100 µm actuellement).
Bien qu’apparues il y a seulement six années et toujours cantonnées à la recherche, les cellules solaires pérovskites sont sans aucun doute l’étoile montante du photovoltaïque. Elles suscitent l’enthousiasme de l’industrie de l’énergie solaire et des laboratoires grâce à un rendement de conversion exceptionnel dépassant déjà 20 % (23,3 % en 2018) en laboratoire, et à une relative facilité de fabrication en couches minces. Les pérovskites hybrides possèdent des propriétés intrinsèques qui sont fondamentales pour les cellules solaires, telles qu’un large spectre d’absorption, une séparation rapide des charges, une longueur de diffusion des électrons et des trous, etc. Enfin, elles ont également d’autres propriétés qui, bien qu’actuellement secondaires, sont source de fortes potentialités pour des utilisations futures comme la flexibilité, la semi-transparence et la légèreté. Malgré son grand potentiel, la technologie des cellules solaires pérovskites en est encore à ses balbutiements et pas encore mature pour son industrialisation, même si plusieurs start-up se sont déjà lancées, comme Oxford PV en Grande-Bretagne et Solaronix en Suisse. En effet, il reste un certain nombre de défis qui motivent la recherche.
Tout d’abord, les cellules solaires pérovskites se détériorent rapidement (quelques heures) en présence d’humidité, et les produits de désintégration attaquent les électrodes métalliques. Une encapsulation complexe pour protéger la pérovskite peut augmenter le coût et le poids de la cellule. Cependant des publications récentes ont montré une stabilité équivalente à une année.
Le second problème majeur est la toxicité. En effet, les cellules pérovskites à haut rendement utilisent systématiquement du plomb qui est un polluant massif et produisant, par exemple, comme produit de dégradation de l’iodure de plomb qui est considéré comme potentiellement cancérigène. Des recherches sont en cours pour trouver des substituants, comme l’étain et le sélénium, mais les rendements restent inférieurs à 10 % et la toxicité est toujours présente.
Enfin, la dernière difficulté est la mise à l’échelle industrielle. Les rendements rapportés ont été obtenus avec de toutes petites cellules (quelques millimètres carrés), ce qui est loin de la taille d’un panneau solaire. Notons qu’un module de 802 cm2 a atteint dernièrement un rendement de 11,6 %.
L’autre grand challenge de la recherche et développement dans le solaire photovoltaïque est la conception de structures multijonctions pour continuer la course au rendement.
L’approche multijonction n’est pas complétement nouvelle, mais elle était jusqu’à présent cantonnée aux applications spatiales, là où le coût n’est pas un problème. Il semble aujourd’hui qu’une structure tandem (2 cellules) est l’approche pour obtenir, dans un futur proche et avec un coût commercialement viable, un rendement égal ou supérieur à 30 %. Plusieurs structures semblent possibles comme les couples silicium/GaAs, silicium/CIGS, CIGS/CdTe et surtout silicium cristallin/pérovskites hybrides. Pour cette dernière approche, la start-up Oxford PV a obtenu un rendement de 27,3 % en juin 2018.
“Les cellules solaires pérovskites sont l’étoile montante du photovoltaïque”
La recherche photovoltaïque à l’École polytechnique
On doit mettre en exergue tout d’abord le Laboratoire de physique des interfaces et couches minces (unité mixte de recherche CNRS, École polytechnique). Depuis 1986, le LPICM promeut, parmi ses thématiques, une recherche au niveau mondial, sur les cellules solaires en couches minces (silicium, organique et pérovskites).
L’Institut photovoltaïque d’Île-de-France (IPVF), créé en 2014 et soutenu par l’État dans le cadre des « investissements d’avenir », est un partenariat industriel-académique créé à l’initiative d’EDF, de Total, du CNRS et de l’École polytechnique, associés aux sociétés Air Liquide, Horiba Jobin Yvon et Riber. Installé depuis septembre 2017 dans un nouveau bâtiment de 8 000 m2, construit juste à l’ouest du campus de l’École polytechnique, il a pour ambition de devenir l’un des principaux centres mondiaux de recherche, d’innovation et de formation dans le domaine de l’énergie solaire photovoltaïque en fédérant des équipes de recherche académiques reconnues au plan international et des industriels leaders de la filière photovoltaïque. Enfin, notons la création en août 2018 d’un nouveau laboratoire, nommé également IPVF, unité mixte de recherche, avec entre autres, l’École polytechnique et le CNRS comme tutelles.
Pérovskite
Une cellule solaire pérovskite est un type de cellule qui comprend une structure cristalline spécifique, le plus souvent un matériau hybride organique-inorganique à base de plomb ou d’halogénure d’étain, en tant que couche active captant la lumière. Les pérovskites hybrides, tels, par exemple, les halogénures de méthylammonium et de plomb (CH3NH3PbI3), sont peu coûteuses à produire et relativement simples à déposer (dépôt par impression ou par évaporation à faible température 200 °C).
Structures multi-jonctions
L’idée est simple : ne plus tenter de capter l’ensemble du spectre solaire par une cellule unique (forcément pas optimisée à la fois pour le visible et l’infrarouge), mais de construire un empilement de plusieurs cellules (chacune optimisée pour une partie spécifique du spectre). En théorie on peut alors atteindre 46 % avec 2 cellules, 52 % avec trois et jusqu’à 60 % avec six.