Le plein emploi

Dossier : Dossier emploiMagazine N°542 Février 1999
Par Philippe HERZOG (59)

Je suis frap­pé de consta­ter à quel point la Répu­blique, au lieu de mobi­li­ser les Fran­çais pour l’emploi, les oblige à croire que le plein emploi est une chi­mère. Pour­tant il a déjà exis­té, il existe dans d’autres lieux de la pla­nète, même si c’est de façon très fra­gile, et des idées neuves appa­raissent pour le réaliser.

Le plein emploi d’hier

À la Libé­ra­tion réson­nait le défi énon­cé par Lord Beve­ridge : « le plein emploi dans une socié­té libre ». La socié­té capi­ta­liste s’as­si­gnait cet objec­tif face à la socié­té col­lec­ti­viste qui réa­li­sait un plein emploi sur la base de la néga­tion du mar­ché et du com­bat contre « l’en­ne­mi de classe ».

Le pro­blème majeur est : com­ment conju­guer pro­grès de pro­duc­ti­vi­té et emploi

La garan­tie éta­tique des coûts et du débou­ché, quelles que soient la qua­li­té et l’ef­fi­ca­ci­té des pro­duc­tions, abou­tis­sait à un échec pro­fond du socia­lisme sur le ter­rain du pro­grès tech­no­lo­gique comme de la démocratie.

Le secret du plein emploi dans la socié­té capi­ta­liste d’a­près-guerre repo­sait sur trois élé­ments per­met­tant de le résoudre.

Des normes sociales se sont inscrites dans les gestions d’entreprises

À par­tir de valeurs com­munes, les acteurs sociaux et poli­tiques ont sou­mis le conflit capi­tal – tra­vail au res­pect de règles conju­guant jus­tice et efficacité.

Le contrat de tra­vail est une rela­tion de subor­di­na­tion, mais en contre­par­tie le tra­vailleur sala­rié et sa famille ont été pro­té­gés face aux effets de la mala­die, du licen­cie­ment, et ont dis­po­sé de droits pour la retraite. Dans l’en­tre­prise, un com­pro­mis social qua­li­fié de « for­dien » s’est éta­bli. En contre­par­tie des gains de pro­duc­ti­vi­té, le salaire et le niveau de sécu­ri­té sociale ont aug­men­té. L’é­lé­va­tion de l’offre du pro­duit a trou­vé ain­si un débou­ché de masse. Nous avons connu alors un for­mi­dable pro­grès de la recon­nais­sance du tra­vail sala­rié, et avec lui de la socié­té de consommation.

L’État national a organisé des politiques de croissance durable

La séquence « les pro­fits d’au­jourd’­hui font les inves­tis­se­ments de demain et les emplois d’a­près-demain » n’a fonc­tion­né que sous la hou­lette d’un État key­né­sien inci­ta­teur et régulateur.

Admi­nis­trant le sec­teur ban­caire et finan­cier, pro­prié­taire d’en­tre­prises, l’É­tat a finan­cé la recherche, l’é­du­ca­tion et les inves­tis­se­ments non ren­tables, et rele­vé la pro­fi­ta­bi­li­té des inves­tis­se­ments pri­vés (sub­ven­tions, dis­sua­sion de la thé­sau­ri­sa­tion et de la rente, effet de levier du cré­dit…). Il a faci­li­té le « déver­se­ment » des tra­vailleurs des cam­pagnes vers les usines, accom­pa­gné le tra­vail libé­ré par la machine vers de nou­veaux lieux d’activités.

Les responsabilités ont été réparties entre des partenaires sociaux

Le régime de plein emploi a repo­sé sur une très forte délé­ga­tion et sépa­ra­tion des pou­voirs, sur­tout en France. Le patron gère, l’É­tat orga­nise les condi­tions col­lec­tives de la crois­sance, les sala­riés sont repré­sen­tés par des syn­di­cats forts qui luttent pour les droits sociaux mais ne par­ti­cipent pas à la gestion.

Des mutations qui obligent à changer de régime

La révo­lu­tion infor­ma­tion­nelle et la mon­dia­li­sa­tion ont ren­du caduc ce régime de plein emploi. Mal­heu­reu­se­ment la Répu­blique n’a pas appe­lé à l’ef­fort col­lec­tif de diag­nos­tic, les muta­tions sont encore trop sou­vent niées ou refu­sées, alors que tout le pro­blème est de les assi­mi­ler et de les utiliser.

Philippe HERZOG (59),
© SOPHIE LOUBATON

La pro­duc­ti­vi­té et l’emploi changent de nature. La sub­sti­tu­tion des machines aux hommes se pour­suit dans les condi­tions nou­velles de la révo­lu­tion de l’in­for­ma­tion, alors que l’es­sen­tiel est de conce­voir une nou­velle pro­duc­ti­vi­té. Elle doit repo­ser sur la valo­ri­sa­tion du tra­vail humain et l’é­co­no­mie de capi­tal, sur la capa­ci­té à géné­rer une for­mi­dable créa­tion d’ac­ti­vi­tés de ser­vices. L’in­ves­tis­se­ment n’est plus sim­ple­ment une accu­mu­la­tion de capi­tal maté­riel anti­ci­pant une demande, mais une chaîne recherche-déve­lop­pe­ment-for­ma­tion-orga­ni­sa­tion- pro­duc­tion-ser­vice. Dans une sorte de socia­li­sa­tion libé­rale, les coûts et les risques sont par­ta­gés au sein d’al­liances d’en­tre­prises ou par le canal du mar­ché financier.

Le tra­vail doit être ren­du « flexible », mais sur­tout, et c’est bien plus dif­fi­cile, il faut déve­lop­per les capa­ci­tés humaines et les mettre en valeur. L’é­du­ca­tion ne doit plus être cou­pée de l’ex­pé­rience de la rela­tion de tra­vail et de créa­tion ; le tra­vail doit inté­grer la for­ma­tion au long de la vie et deve­nir plus auto­nome et créa­tif. Le « déver­se­ment » d’Al­fred Sau­vy ne fonc­tionne plus comme une pompe aspi­rante et refou­lante : chaque tra­vailleur est sol­li­ci­té pour recom­bi­ner des activités.

Les États-Unis et d’autres pays déve­lop­pés se confrontent à ce nou­veau type de crois­sance, alors que la crois­sance des pays émer­gents com­bine l’an­cien régime d’ac­cu­mu­la­tion maté­rielle mas­sive et l’ex­pé­rience des tech­no­lo­gies de l’information.

Dans les années 90, les États-Unis assurent à la fois une très forte ren­ta­bi­li­té à leurs inves­tis­se­ments et une forte créa­tion d’emplois, grâce à une effi­ca­ci­té du capi­tal éle­vée et crois­sante (ratio valeur ajoutée/capital maté­riel et finan­cier), alors que la demande pour les nou­velles acti­vi­tés de ser­vices est finan­cée par endet­te­ment. Un rela­tif plein emploi est obte­nu, mais fra­gile et au prix d’i­né­ga­li­tés sociales crois­santes, voire d’une rup­ture du lien social.

Au lieu de valo­ri­ser les capa­ci­tés humaines, on a déva­lo­ri­sé le tra­vail sala­rié et fait des jeunes les cobayes du tra­vail précaire.

L’Eu­rope est sou­vent en échec sur l’ef­fi­ca­ci­té du capi­tal : pour­quoi ? La recherche de la pro­fi­ta­bi­li­té repose de façon trop obses­sion­nelle sur la baisse du coût du tra­vail. Les poli­tiques publiques dites de l’emploi ont accen­tué ce vice.

Au lieu d’une stra­té­gie de créa­tion mas­sive d’emplois qua­li­fiés dans des acti­vi­tés uti­li­sant les tech­no­lo­gies nou­velles, la valeur ajou­tée dis­po­nible accrue per­met­tant aus­si de for­mer les non-qua­li­fiés, on conti­nue à inci­ter l’embauche à bas salaires. Par exemple on conçoit les emplois de proxi­mi­té comme des petits bou­lots, alors que des métiers nou­veaux nom­breux sont à inventer.

On stig­ma­tise les « rigi­di­tés », mais on ne pense pas à celles des élites dirigeantes.

La mul­ti­pli­ca­tion des sta­tuts pré­caires ne favo­rise pas l’é­mer­gence de sala­riés entre­pre­neurs. La for­ma­tion reste cou­pée de l’ac­ti­vi­té. On dit que la négo­cia­tion des 35 heures oblige à chan­ger l’or­ga­ni­sa­tion du tra­vail, mais aucun débat, aucune ému­la­tion natio­nale n’ont eu lieu sur l’in­no­va­tion d’or­ga­ni­sa­tion et de productivité.

Le finan­ce­ment à risque sert à rache­ter des entre­prises plus qu’à en créer qui soient durables ; on décou­rage les por­teurs de pro­jet. La poli­tique éco­no­mique cherche une bonne régu­la­tion macroé­co­no­mique mais sans ses fon­de­ments : des stra­té­gies et des ges­tions efficaces.

Ces biais sont dus notam­ment à l’ex­ces­sive délé­ga­tion ver­ti­cale des pou­voirs dans notre socié­té. Je suis frap­pé de voir à quel point les savoirs eux-mêmes sont deve­nus des outils au ser­vice des mono­poles de pou­voir, là où la révo­lu­tion infor­ma­tion­nelle exi­ge­rait par­tage, inter­ac­ti­vi­té et coopération.

La mon­dia­li­sa­tion fait explo­ser les sys­tèmes de pilo­tage étatique.

Elle est le fruit de deux phé­no­mènes : l’ef­fon­dre­ment des coûts de l’in­for­ma­tion et le rôle pré­pon­dé­rant consen­ti aux mar­chés des actifs finan­ciers, avec le choix de la libre cir­cu­la­tion des capi­taux. La nou­velle finance est extrê­me­ment souple : grandes firmes et États peuvent trou­ver de l’argent par­tout, la valo­ri­sa­tion des actifs anti­cipe la pro­fi­ta­bi­li­té, les risques sont dif­fu­sés et par­ta­gés planétairement.

La pré­pon­dé­rance du mar­ché finan­cier n’en­gendre pas seule­ment une insta­bi­li­té chro­nique, elle fra­gi­lise pro­fon­dé­ment les sys­tèmes ban­caires et publics.

Cela élar­git les pos­si­bi­li­tés de crois­sance, mais cela obère aus­si sa durabilité.

En cas de crise, ce sont les tra­vailleurs sala­riés et les col­lec­ti­vi­tés publiques qui paient la casse et ren­flouent le capital.

Trois conditions d’un plein emploi de type nouveau

Les idéo­lo­gies de « la fin du tra­vail » ont fait beau­coup de mal. Elles reposent sur un fan­tasme selon lequel l’hu­ma­ni­té serait éman­ci­pée du défi de la pro­duc­ti­vi­té. Elles sus­citent l’ir­res­pon­sa­bi­li­té, alors que le com­bat contre la pau­vre­té, la réha­bi­li­ta­tion du cadre de vie, le déve­lop­pe­ment poten­tiel­le­ment illi­mi­té des ser­vices, la moder­ni­sa­tion des sys­tèmes tech­niques appellent des tra­vailleurs res­pon­sables et créa­tifs et fondent un nou­veau plein emploi.

Cer­tains disent aus­si qu’il y aura moins besoin d’emploi parce que la popu­la­tion en âge de tra­vailler va dimi­nuer. On est ten­té de leur répondre : « vive la vieillesse ! » La dégra­da­tion du rap­port inactifs/actifs est très dan­ge­reuse : elle est réver­sible si l’on défi­nit l’ac­ti­vi­té sociale des per­sonnes « âgées », l’ex­pé­rience sociale des jeunes, après et avant l’emploi sala­rié, et en assu­rant une réelle éga­li­té hommes-femmes.

Trois condi­tions sont néces­saires pour éle­ver le niveau et la qua­li­té de l’emploi.

Une redéfinition du travail, de la formation et des solidarités

Cha­cun doit être inté­res­sé à accroître l’ef­fi­ca­ci­té des outils maté­riels et infor­ma­tion­nels et à créer de nou­velles acti­vi­tés : ceci est un enjeu collectif.

L’al­ter­nance, c’est-à-dire l’ap­pren­tis­sage de la vie, doit entrer dans la for­ma­tion ini­tiale, et la for­ma­tion dans le tra­vail tout au long de la vie. Le com­pro­mis social se joue­ra entre l’ac­cep­ta­tion d’un tra­vail plus auto­nome, res­pon­sable, et mobile, contre une sécu­ri­sa­tion d’in­ser­tion et de réin­ser­tion. Le pro­grès de l’emploi passe par l’ac­cès au savoir et à la gestion.

Conci­lier flexi­bi­li­té et sécu­ri­té, c’est élar­gir la pro­tec­tion sociale à l’emploi et à la for­ma­tion. On peut être licen­cié, on doit être accom­pa­gné dans une autre inser­tion. L’u­ni­ver­sa­li­té et la conti­nui­té d’un tel droit néces­sitent de mutua­li­ser des fonds entre les entre­prises et les col­lec­ti­vi­tés. Les charges seraient répar­ties et cal­cu­lées autre­ment pour allé­ger les entre­prises où le coût du tra­vail est éle­vé par rap­port à la valeur ajou­tée, et les inci­ter à accroître l’ac­ti­vi­té et l’emploi en rédui­sant rela­ti­ve­ment le coût du capital.

Sala­riés, usa­gers, épar­gnants concourent main­te­nant à la for­ma­tion du capi­tal de l’en­tre­prise. Ces nou­veaux action­naires doivent donc par­ti­ci­per au gou­ver­ne­ment d’en­tre­prise, rele­vant ain­si le défi d’une coges­tion moderne. De toute façon la gou­ver­nance d’en­tre­prise est à repen­ser, quand la tutelle des inves­tis­seurs finan­ciers est trop forte et le pou­voir de direc­tion monar­chique obsolète.

Un régime de financement conçu pour le développement durable avec les nouvelles technologies

La crise finan­cière mon­diale pose à nou­veau l’exi­gence d’un sou­tien de l’ac­ti­vi­té, et même de poli­tiques de crois­sance. L’ac­crois­se­ment de la liqui­di­té et la baisse des taux d’in­té­rêt sont utiles, mais la reva­lo­ri­sa­tion des actifs finan­ciers n’of­fri­ra pas spon­ta­né­ment des pers­pec­tives de crois­sance durable.

Ce n’est pas seule­ment un pro­blème de confiance de la part des inves­tis­seurs, il y a des risques à prendre dans de nou­veaux pro­jets de développement.

En France et en Europe, on ima­gine que la dépense pri­vée va prendre le relais d’une dépense publique en retrait. Mais vu la com­plexi­té et les risques des inves­tis­se­ments aujourd’­hui, on pour­rait plu­tôt ima­gi­ner une solu­tion mixte. Il y a besoin non pas seule­ment de « grands tra­vaux », mais de réseaux de ser­vices d’in­té­rêt géné­ral qui concourent à for­mer les pro­jets essen­tiels du déve­lop­pe­ment : nou­velle rela­tion for­ma­tion-emploi, moder­ni­sa­tion infor­ma­tion­nelle, réha­bi­li­ta­tion du cadre de vie.

On pour­rait réunir des fonds com­muns de déve­lop­pe­ment ter­ri­to­rial et inter­en­tre­prises pour ser­vir ces pro­jets, qui gage­raient des cré­dits sélec­tifs : la socié­té pren­drait à sa charge des coûts fixes (en infra­struc­tures et qua­li­fi­ca­tions) et non plus une part crois­sante des salaires. Les titres affé­rant à ces pro­jets pour­raient d’ailleurs être dif­fu­sés sur le mar­ché financier.

Dans l’es­pace inter­na­tio­nal, il faut tirer les ensei­gne­ments de deux décen­nies d’ou­ver­ture des mar­chés par des inves­tis­seurs finan­ciers instables, et exo­né­rés des consé­quences sociales de leurs actes. Les pays émer­gents se bat­tront plus dure­ment à l’ex­por­ta­tion et ils seront plus exi­geants pour le capi­tal entrant.

Nous aurions inté­rêt à explo­rer de nou­velles pistes pour un codéveloppement.

Qui peut ima­gi­ner que l’Eu­rope pour­ra conti­nuer à étendre le libre-échange dans ses péri­phé­ries, tout en refu­sant la libre cir­cu­la­tion des per­sonnes ? Celle-ci ne pour­ra res­ter l’a­pa­nage des pays riches. On peut ima­gi­ner des accords visant une mobi­li­té posi­tive pour la for­ma­tion et l’emploi, une soli­da­ri­té pour la pro­tec­tion sociale. Avec les pays de la rive sud de la Médi­ter­ra­née, de l’Eu­rope orien­tale et d’ailleurs, on ferait plus appel à des socié­tés com­munes pour par­ta­ger des coûts de recherche, déve­lop­pe­ment, et inves­tis­se­ment productif.

Cette éco­no­mie de coopé­ra­tion com­men­ce­rait à réduire la pré­pon­dé­rance du mar­ché finan­cier comme vec­teur des inves­tis­se­ments, et tuteur des mar­chés des changes. Elle n’i­rait pas sans conflit – au nom de l’in­té­rêt géné­ral – avec les États-Unis, pays dont la balance exté­rieure est la plus défi­ci­taire et la dette la plus grande, et qui néan­moins bâtit sa crois­sance sur la sur­puis­sance du mar­ché financier.

Des innovations institutionnelles pour faire place à la participation et au partenariat

Si les pistes pré­cé­dentes sont fon­dées, alors l’emploi appa­raît aus­si comme un pro­blème d’in­no­va­tion démo­cra­tique. Hier l’ob­jec­tif du plein emploi a réuni des entre­prises, des syn­di­cats et l’É­tat natio­nal, qui jouait un rôle pilote. Aujourd’­hui il n’y a plus de pilote qui assume un pro­jet d’emploi, les syn­di­cats sont très affai­blis, et les entre­prises internationalisées.

Mais le pro­blème de l’a­gré­ga­tion d’in­té­rêts dif­fé­rents autour de pro­jets com­muns reste tou­jours fondamental.

Si l’É­tat ne fait plus appel à la socié­té, c’est pour­tant là que se situe le prin­cipe de la solu­tion : la mobi­li­sa­tion des sala­riés et des entre­pre­neurs pour la mise en mou­ve­ment des poten­tiels humains. Elle n’est pos­sible que si le gou­ver­ne­ment d’en­tre­prise est recon­çu dans une pers­pec­tive coges­tion­naire ; si l’on forme une socié­té de par­te­naires, les acteurs publics et pri­vés accep­tant de coopé­rer autour de pro­jets de déve­lop­pe­ment ter­ri­to­rial et inter­en­tre­prises ; si l’on insère les chô­meurs et les exclus au lieu de se conten­ter de l’assistance.

Un renou­veau du dia­logue éco­no­mique et social est donc déci­sif. Il implique une muta­tion des acteurs, dès lors qu’il ne s’a­git pas seule­ment de défendre des inté­rêts mais de par­ti­ci­per à construire l’in­té­rêt géné­ral. La repré­sen­ta­tion sociale appe­lée à négo­cier l’emploi devra s’é­lar­gir aux réseaux d’en­tre­prises et de ser­vices, aux exclus du tra­vail. La réforme de l’É­tat condi­tionne toutes ces évo­lu­tions. La poli­tique publique de l’emploi conçue comme empi­le­ment de dis­po­si­tifs assor­tis d’aides, gérés par des pré­fets et des admi­nis­tra­tions qui doivent faire du chiffre, céde­rait la place à des pactes pour l’emploi mobi­li­sant des partenaires.

La Com­mu­nau­té doit donc assu­mer un triple rôle :

  • aider à com­pa­rer les pra­tiques, les pro­jets, et sus­ci­ter l’émulation ;
  • orga­ni­ser des coopé­ra­tions trans­fron­tières autour de poli­tiques communes ;
  • for­mer une vision du déve­lop­pe­ment dans le monde.

L’É­tat natio­nal doit aider les acteurs à for­mer des pro­jets, favo­ri­ser leur syner­gie et sus­ci­ter leur enga­ge­ment dans le cadre euro­péen. Il est cru­cial que l’U­nion euro­péenne fédère les pro­jets des nations et des acteurs sociaux et éco­no­miques trans­na­tio­naux, autour de poli­tiques com­munes de soli­da­ri­té et d’emploi.

Actuel­le­ment la Com­mu­nau­té n’as­sume que la libre cir­cu­la­tion, et seule­ment pour ses res­sor­tis­sants. Elle ne va pas se sub­sti­tuer d’emblée à l’É­tat natio­nal comme por­teuse d’un pro­jet d’un plein emploi. Aucune poli­tique macroé­co­no­mique ne réus­si­ra sans for­ma­tion de soli­da­ri­tés d’en­tre­prises et de régions, sans asso­cia­tion des Euro­péens pour rendre conver­gents leurs projets.

Ain­si l’an­cienne concep­tion éta­tique du « plein emploi dans une socié­té libre » fera place au « plein emploi des capa­ci­tés humaines dans une démo­cra­tie de participation ».

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