Le plus important c’est l’intérêt du travail
« Je suis un contre-exemple, affirme Nicolas Zarpas, puisque, entré à 21 ans dans le groupe Péchiney comme ingénieur-balai, je n’en suis sorti que quarante ans plus tard, à la tête de plusieurs sociétés du groupe constituant une division de plus de 1 000 personnes. »
L’art de négocier
Entré tout jeune au groupe Péchiney, dans la perspective de la création future d’une usine en Grèce, son pays d’origine, Nicolas Zarpas s’est vu d’abord proposer une mission dans une usine d’alumine en Guinée, en fabrication puis dans le cadre des relations entre les actionnaires, « dont les intérêts divergeaient » et des relations, également tendues, avec le gouvernement guinéen « qui inaugurait son indépendance conseillé par des Tchèques et des Chinois. Les méthodes étaient alors assez brutales et j’ai vu disparaître tragiquement certains collaborateurs de l’usine. »
Il retient des bons côtés de cette période « l’acquisition de la pratique des négociations extrêmement difficiles » et l’anecdote romanesque d’avoir été refoulé de Guinée pour avoir été dénoncé comme « un agent de l’Intelligence Service ».
Du contrôle de gestion à la Présidence
À trente ans, l’usine grecque promise étant réalisée, il prend la coordination technique d’un ensemble d’usines d’alumine. « Basé à Paris, j’ai réalisé un nombre considérable de voyages à travers le monde. » Il devient ensuite « contrôleur de gestion de la branche aluminium du groupe ».
Quelques réflexions peu goûtées sur la gestion l’amènent à un nouveau et dernier virage de carrière qui le voit prendre la présidence d’une société du groupe Péchiney, à laquelle six autres Business Units viendront s’ajouter au fil des ans. À la tête de ces sociétés « relativement techniques, opérant sur des créneaux très précis », il exerce jusqu’à sa retraite des fonctions très internationales.
L’homme de l’aluminium
Après avoir multiplié les expériences chez un seul et même employeur, c’est paradoxalement à l’âge de la retraite que Nicolas Zarpas va multiplier les casquettes. Il se voit confier de nombreuses missions par l’Union européenne, en tant que spécialiste de l’aluminium, en Mandchourie, en Égypte ou au Monténégro.
« L’Union européenne apporte son aide à travers le monde sur différents sujets techniques. Reconnu comme spécialiste de l’aluminium, j’explicite les activités des grandes entreprises du secteur et les points que les Occidentaux considèrent comme essentiels. » Une bonne occasion de mettre le doigt sur les « différences culturelles ».
« Il est passionnant, raconte Nicolas Zarpas, de voir comment une même réalité peut être appréhendée de façon totalement différente à l’autre bout du monde. Par exemple, en Mandchourie, l’homme le plus important de l’usine est le chef de la commission disciplinaire du parti. »
Le retour du PSU
Non, le PSU n’est pas ce qu’on pourrait imaginer, mais les initiales de Papy Start Up, une entreprise, Noematics, fondée avec quelques autres camarades de sa promotion, tous retraités mais encore bien verts.
Cette société, éditrice de logiciels de gestion du contenu autour d’un outil de recherche d’information, s’adresse à des entreprises moyennes telles que consultants en stratégie, conseils, intégrateurs ou caisses de retraite, comptant en gros de cinquante à quelques milliers de personnes. « Nous sommes en mesure, par rapport aux grands du secteur, de proposer des solutions et des services bien adaptés à la taille et aux besoins de l’entreprise. »
Aujourd’hui, Nicolas Zarpas consacre les trois quarts de son temps au Bureau des Carrières de la Société amicale des anciens élèves de l’École polytechnique, qui, tient-il à souligner, s’adresse aux jeunes tout autant qu’aux plus anciens.
Un style de communication
Quel rôle a joué son appartenance à la communauté polytechnicienne au cours de cette longue carrière ?
« Certes, elle m’a servi dès le départ, répond Nicolas Zarpas, puisque Péchiney cherchait tout à la fois un jeune ingénieur provenant d’une école renommée et quelqu’un susceptible de superviser une installation en Grèce. »
« J’ai eu souvent l’occasion de travailler avec des polytechniciens, ou sous leurs ordres. Nous partagions un style commun qui permet de prendre des raccourcis et facilite incontestablement la communication entre X comme avec les autres. »
Les risques du toboggan
Que retenir de cette carrière bien remplie et loin d’être terminée ?
« L’unicité de l’employeur, notion aujourd’hui bien dépassée, ne nuit pas à la diversité des activités, à condition d’accepter de ne pas atteindre aux plus hauts niveaux ou aux plus hauts salaires. J’ai connu une suite de métiers passionnants, avec une grande variété de domaines d’activité, de zones géographiques et d’hommes de toutes cultures. »
Il en retire que « l’intérêt du travail prime sur toute autre considération. »
En second lieu, « il est impératif aujourd’hui de savoir gérer sa carrière. Et il existe pour cela des méthodes. J’ai connu moi-même le syndrome du toboggan, où, parti du point le plus haut, je n’avais qu’à me laisser glisser en suivant les virages. Aujourd’hui, si l’on n’a rien prévu pour gérer sa carrière, on tombe du toboggan au premier virage. »
Propos recueillis
par Jean-Marc Chabanas