Le polytechnicien a bien une tête à claque

Dossier : TraditionsMagazine N°Le polytechnicien a bien une tête à claque
Par Serge DELWASSE (X86)

Le bicorne symbole de l’X, pourquoi ?

Aucun doute, aujourd’hui, qui dit X dit bicorne, et qui dit bicorne, dit X. Est-ce parce que nous sommes les seuls à le por­ter encore ? Que non, les aca­dé­mi­ciens, les ambas­sa­deurs, voire les huis­siers des syna­gogues pari­siennes portent aus­si le bicorne. Alors ? quel est le lien si fort entre notre École et cette coiffure ?

Le bicorne, symbole de l’X, pourquoi ?

Cela ne fait aucun doute, aujourd’hui, qui dit X dit bicorne, et qui dit bicorne, dit X. Est-ce parce que nous sommes les seuls à le por­ter encore ? Que non, les aca­dé­mi­ciens, les ambas­sa­deurs, voire les huis­siers des syna­gogues pari­siennes portent aus­si le bicorne. Alors ? quel est le lien si fort entre notre école et cette coiffure ?

Au commencement était le chapeau de cow-boy

Ou de mous­que­taire, si vous pré­fé­rez. Com­ment le réa­lise-t-on ? c’est très simple : pre­nez un grand cercle de feutre, met­tez le en forme, rajou­tez un ruban et éven­tuel­le­ment une plume, et le tour est joué. Nous sommes au début du XVIIe siècle. Plus tard on raf­fi­na, on rajou­ta une coiffe, , mais il fal­lait se rendre à l’évidence, les bords n’étaient pas très pra­tiques pour se battre. Alors on les rou­la, on les fit dur­cir à la vapeur, et nous voi­ci avec un superbe tri­corne, tri­corne qui tra­ver­sa tout le XVIIIe siècle.

Et après ? on se ren­dit compte que la corne avant gênait en par­ti­cu­lier pour manier le fusil. On la réduit peu à peu, jusqu’à arri­ver au bicorne, por­té en bataille (son nom l’indique bien, c’était plus pra­tique pour se battre, ça ne bou­chait pas la vue), qui se géné­ra­li­sa, sui­vant les régi­ments, entre 1786 et 1791.

Une coiffure républicaine

Le bicorne, appa­ru avec la révo­lu­tion, connut rapi­de­ment le suc­cès : le tri­corne, très mar­qué « ancien régime » parce que c’était éga­le­ment le cha­peau de cour, dis­pa­rut rapi­de­ment. La répu­blique adop­ta le bicorne pour ses géné­raux, ses gen­darmes, ses huis­siers, ses pré­fets, ses com­mis­saires de police…

La coiffure des grands corps de l’Etat

Les guerres napo­léo­niennes mirent en exergue le besoin de coif­fures « dur­cies » pour pro­té­ger le com­bat­tant : Casques, Sha­kos, bon­nets à poil… Seuls les non com­bat­tants (Génie, corps tech­niques de sou­tien) ou consi­dé­rés comme tels car non sup­po­sés aller au contact de l’adversaire (marins, offi­ciers géné­raux, offi­ciers d’état-major) conser­vèrent leur bicorne.

C’est pour ça que les X ont gar­lé de leur, tout comme les élèves de l’école de San­té de Lyon – qui avaient d’ailleurs une tenue dite « Pin­der » rela­ti­ve­ment simi­laire à la nôtre, et… les cadres de Saint-Cyr !.

Le XIXe siècle le géné­ra­li­sa aux ingé­nieurs des Mines, aux ambas­sa­deurs, aux académiciens…

à la fin du 19ème siècle, les cadres de l’Ecole Spéciale Militaire portaient le bicorne
À la fin du XIXe siècle, les cadres de l’École Spé­ciale Mili­taire por­taient le bicorne

Une coiffure française

De Bona­parte à Maren­go à Napo­léon à Aus­ter­litz, le bicorne devint le sym­bole des suc­cès mili­taires de la France, bien qu’il fût adop­té par nombre de marines et armées étran­gères. En 1823, quand le ministre de l’intérieur ( !) déci­da remit en vigueur l’uniforme à l’École, il déci­da que les élèves por­te­raient le cha­peau … français !.

Aujourd’hui ?

l’X, est, de nos jours, pra­ti­que­ment la seule à por­ter le « claque ». Mal­gré quelques ten­ta­tives de retour aux tra­di­tions, les élèves méde­cins ne le portent plus depuis 1974. Les marins, les offi­ciers géné­raux, les pré­fets ont per­du le leur lors de la seconde guerre mondiale.

Les huis­siers de l’Elysée sont tête nue. La plu­part des aca­dé­mi­ciens le portent à la main. Et on ne voit plus d’ambassadeurs en uni­forme. Et les huis­siers des syna­gogues du consis­toire ont un peu de mal à nous faire de l’ombre

C’est ain­si que nous nous le sommes appropriés.

Et le claque ?

Le modèle stan­dard est peu aisé à trans­por­ter. Il a donc exis­té un modèle pliant – en réa­li­té appla­tis­sable. Pour apla­tir le cha­peau, on fai­sait « clac » ! les pho­tos ci des­sous vous montre un claque d’officier subal­terne de Marine plat, et déplié. D’accord, il a un peu vécu, mais c’est tout ce que j’ai.

Les Xettes

La tra­di­tion des per­son­nels fémi­nins des armées, aban­don­née avec les can­ti­nières, remonte à la Seconde Guerre mon­diale. On emprun­ta pour ces dames le tri­corne à la Royal Navy. C’est donc tout natu­rel­le­ment qu’on coif­fa les Xettes, en 1972, de ce même tri­corne, com­met­tant ain­si une erreur his­to­rique majeure. Erreur répa­rée en 1996, à la demande des élèves elles-mêmes. Je ne peux que vous ren­voyer vers le billet L’Année de la Fin de la Jupe.

Bicorne repliable - position replié Bicorne repliable - position déplié

Le bicorne des cadres

C’est en 1979 que les cadres de l’écoles furent dotés du bicorne. Pour­quoi ? Pro­ba­ble­ment dans un sou­ci d’uniformisation. L’encadrement issu de l’armée de terre por­tait la tenue dite 31 avec képi. Quand on vou­lut en doter tous les offi­ciers de l’École, se posa la ques­tion : pou­vait-on coif­fer des marins et des avia­teurs d’un képi ? Certes non. On les dota donc d’un bicorne, légè­re­ment dif­fé­rent puisque plus haut et équi­pé d’une ganse d’officier. En 2003, les bazoffs reçurent éga­le­ment le GU. GU accom­pa­gné d’un bicorne. C’est ain­si que le claque des élèves est deve­nu le bicorne de l’X !

Les élèves por­te­ront le cha­peau … français !.

BIBLIOGRAPHIE

Lien­hart & Hum­bert, Les Uni­formes de l’Armée Fran­caise-1690- 1894, Librai­rie M.Ruhl, Leipzig
Joseph Mar­ge­rand, Les Coif­fures de l’armée fran­çaise, Stras­bourg, Éd. Coprur, coll. « Le Livre chez vous », 2002.
Biblio­thèque de l’École poly­tech­nique, Le Grand Uni­forme des élèves de l’École poly­tech­nique, de 1794 à nos jours, Paris, Lavau­zelle, 2003.

Lancer de bicornes de la promotion 2008 de l'école polytechnique
Lan­cer de bicornes de la pro­mo­tion 2008 le 1er décembre 2010.

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