Le polytechnicien François Haxo, « Vauban » de son temps
François Haxo (1774−1838) est considéré comme le Vauban de la première partie du XIXe siècle. Il a fait récemment l’objet d’une biographie complète par Yannick Guillou (2016, 475 pages denses comportant… 1 055 notes de bas de page).
Le patronyme Haxo apparaît dans l’histoire militaire française avec son oncle Nicolas Haxo. Installé à Saint-Dié-des-Vosges, ce dernier s’engage à 20 ans en 1769 et sert neuf ans, terminant sergent fourrier. Volontaire à nouveau en 1791, il est élu rapidement lieutenant-colonel du 3e bataillon des Vosges. Encerclé à Mayence sous les ordres de Kléber, et malgré la capitulation du 23 juillet 1793 avec les « honneurs de la guerre », il obtient en août ses étoiles de brigadier, avant de gagner la Vendée avec les « Mayençais », sous l’impulsion de Lazare Carnot, car ceux-ci s’étaient engagés à ne pas combattre la coalition… pendant une année. Chargé de traquer Charette, Haxo s’empare de Noirmoutier le 3 janvier 1794 mais le chef vendéen s’était entre-temps enfui de l’île.
Un oncle magnanime
Les représentants du Comité de salut public désavouent la promesse de vie sauve faite par Haxo en faisant massacrer la garnison qui s’était rendue. Haxo n’applique pas la politique de terreur des « colonnes infernales » de Turreau, son chef, s’exclamant : « On est des soldats, pas des bourreaux. » Le 20 mars suivant aux Clouzeaux, au sud de La Roche-sur-Yon, il est blessé par ricochet en observant la situation depuis un clocher, puis perd son cheval ; les blancs sont bien plus nombreux ; il est enfin mortellement atteint. Il n’y a pas de certitude sur cet affrontement, d’autant que Turreau fera courir le bruit qu’Haxo s’était suicidé. La Convention inscrira le nom d’Haxo sur une des colonnes du Panthéon et Charette, dit-on, se serait exclamé à son propos : « Quel dommage d’avoir tué un si brave homme. » Bref, le seul général bleu respecté par les blancs, ce qui explique que les Vendéens aient voulu l’honorer par une rue à son nom… en plein centre du chef-lieu.
Repères
L’Association (loi de 1901) Vauban se concentre sur le patrimoine fortifié « moderne », du XVIe siècle à nos jours. Elle cherche à développer la mémoire et la connaissance des écrits de Vauban, et de ses prédécesseurs et successeurs, et à favoriser réflexions scientifiques comme encouragements, sur les traces de leurs œuvres sur le terrain, leur conservation et restauration. Elle a porté le projet de classement en 2008 de douze citadelles de Vauban au Patrimoine de l’humanité Unesco, avec un processus d’extension en cours (Lille, Le Quesnoy…) du réseau des sites majeurs Vauban (RSMV) dont elle est la seule association membre de son conseil d’administration. Elle sert aussi d’association support du Musée des plans-reliefs, sis aux Invalides, où se trouve ainsi son siège.
Un neveu qui fait honneur à la famille
Son neveu, notre Haxo, François Nicolas Benoît, né à Lunéville en 1774, sort en 1793 de l’école d’artillerie/génie de Châlons-sur-Marne. Il suit en 1796 pendant un an les cours de Polytechnique comme école d’application… en récompense de ses mérites et pour se perfectionner en mathématiques : il est bien polytechnicien… au moins de la main gauche ! Sa conduite pour la prise du fort de Bard, clef du Val‑d’Aoste, en 1800 avant Marengo lui vaut de passer chef de bataillon et de poursuivre sa carrière en Italie du Nord avec Chasseloup-Laubat. Il y met au point et perfectionne un système pour figurer sur les cartes les dénivelés par des traits perpendiculaires, ce qui améliore grandement la lisibilité du relief dans les cartes d’état-major, méthode vite généralisée dans l’armée française. Après une mission à Constantinople en 1807, il se distingue lors de la prise de Saragosse en 1808 et passe colonel. Sa conduite à Wagram lui donne la rosette de la Légion d’honneur, avant qu’il regagne l’Espagne où ses méthodes lors du siège de Lérida lui font attribuer enfin les étoiles de brigadier en juin 1810.
Après qu’Haxo, gouverneur de Magdebourg un temps, a inspecté les places fortes d’Allemagne et de Pologne en 1811, Napoléon le choisit comme son aide de camp pour la campagne de Russie où il dirigera ensuite le génie de la Garde impériale, étant nommé divisionnaire le 5 décembre 1812. Il est blessé et capturé dès la fin août 1813 (avant Leipzig). Il reprend du service pour les Cent-Jours et participe à Waterloo. Son ralliement aux Bourbons sera délicat : il lui sera notamment reproché d’avoir condamné par contumace, comme juré, le général Lefebvre-Desnouettes.
Rupture avec la tactique Vauban
En 1819, il devient inspecteur des fortifications des frontières de l’Est, lance l’idée de fortifier Lyon après s’être intéressé à Grenoble, mais préfère finalement une défense continue à une ceinture d’ouvrages distincts s’épaulant, ce qui sera adoptée tant pour Lyon que pour Paris : n’oublions pas qu’au congrès de Vienne la France s’était engagée à ne pas fortifier ses frontières. Il reçoit l’ordre de Saint-Louis en 1828 et, dès l’avènement de Louis-Philippe, il est nommé inspecteur général de son arme, pair de France, et reçoit tous les honneurs car en 1832 il réussit à prendre Anvers en cinq semaines en… rompant avec la tactique Vauban et en saturant par des tirs paraboliques de mortiers (64 000 obus et boulets !) la redoutable forteresse.
“La fortification n’est pas
une science mais un art.”
Un digne successeur de Vauban
Travaillant avec méthode et opiniâtreté, il améliorera les défenses d’une soixantaine de sites en Europe, après avoir participé à quatre-vingt-dix-neuf combats : cette double caractéristique tant de preneurs de places que d’habile « fortifieur » explique qu’on le considère comme le Vauban du premier tiers du XIXe siècle. Son apport purement technique en fortification se limite aux casemates « Haxo », inventées par lui à Dantzig en 1811 : bien ventilées par l’arrière, bien protégées en surplomb par un grand apport de terre entourant la maçonnerie, elles constituent ainsi une défense efficace de dernier rang. Il était pragmatique comme Vauban. On lui doit cet adage : « La fortification n’est pas une science, mais un art. »
Sur le plan du caractère, un parallèle à la Plutarque avec son illustre prédécesseur s’impose aussi car Haxo ne sera jamais compromis dans des intrigues ou des coteries. Il avait un caractère suffisamment bien trempé pour s’opposer, arguments à l’appui, à Napoléon, notamment lorsque l’Empereur prenant de l’âge supportait mal qu’on lui résiste… et même au jeu d’échecs, grand passe-temps du général Haxo qui l’opposa plus d’une fois à l’Empereur.
L’Association Vauban a pour adresse : aux soins du Musée des plans-reliefs, 129, rue de grenelle, 75007 Paris. Son site est : association-vauban.org et contact@association-vauban.org. L’adhésion par année civile est de 45 € dont 5 pour une revue interne Oisivetés semestrielle d’une soixantaine de pages et une newsletter électronique de parution variable mais quasi mensuelle, la participation facultative à un congrès de quatre jours au printemps sur un site Vauban en France et un voyage d’études à l’étranger de même durée en septembre… Reconnue d’intérêt général par le fisc, la cotisation bénéficie du régime des dons aux œuvres (66 % sur la base de 40 €).