Le Private Equity : cet animal protéiforme méconnu
Il n’est plus un jour sans que les médias ne nous rapportent un nouveau fait d’armes, une nouvelle turpitude des fonds de Private Equity.
Une image d’Épinal
Il n’est plus un jour sans que les médias ne nous rapportent un nouveau fait d’armes, une nouvelle turpitude des fonds de Private Equity. Stigmatisés dans l’imaginaire journalistique au même titre que les neuf plaies d’Égypte, ces derniers symbolisent désormais les méfaits du » grand capital » et les travers de la » mondialisation « .
Les méga-opérations de rachats et de démantèlement de fleurons de l’industrie, par des fonds vautours lancés dans une concurrence effrénée, frappent de stupeur et engendrent l’effroi chez les honnêtes travailleurs. Dans cette course au gigantisme, les Blackstone, KKR et autres PAI Partners se disputent la vedette dans les annonces et dans les montants des montages réalisés.
Les acteurs de la communauté financière, alléchés par la perspective de rendements importants et perçus comme sans risque, concourent activement à alimenter cette machine. Un afflux massif et toujours croissant de capitaux fournit à ces fonds d’investissement une puissance qui paraît désormais sans limites.
Devant cette tendance de fond, des voix s’élèvent néanmoins, telles des Cassandre, pour souligner la fragilité croissante de l’édifice et dénoncer les travers d’un système devenu fou, système dont les effets pervers affecteront de plus en plus les fondements mêmes de l’économie.
Un écosystème de métiers très différents
Derrière la caricature se cache une réalité tout autre : un écosystème de segments et de métiers très différents, qui contribuent chacun à la dynamisation du tissu économique et à la création des nouveaux champions de l’industrie de demain.
En France, le Private Equity est souvent assimilé au capital-risque à tort, et le grand public ignore tout des composantes qui lui apportent sa diversité, sa richesse et son efficacité dans l’accompagnement des entreprises.
Au stade de la création, les Business Angels, souvent de riches particuliers eux-mêmes anciens entrepreneurs ayant réussi, apportent un financement d’amorçage et viennent épauler les jeunes pousses dans leurs premiers balbutiements, tant financièrement que par leur expérience et leurs réseaux.
Pour financer le développement de leur activité et leur croissance initiale, nos start-ups font appel au Venture capital (VC) ; celui-ci va intervenir en tours de financement successifs, chacun étant souvent spécialisé sur l’accompagnement de secteurs, de métiers ou encore de taille de financement bien délimités. C’est ce qu’on appelle communément le » capital-risque « , terme réducteur qui occulte l’aspect d’accompagnement entrepreneurial, composante pourtant fondamentale du métier de VC. Pour les entreprises plus mûres, positionnées sur un marché établi et désireuses d’accélérer leur croissance, le capital-développement apporte les financements nécessaires aux opérations de croissance organique et de croissance externe. Une grande partie des acteurs du marché opère dans ce secteur, qui peut être subdivisé en différents compartiments spécialisés. Le Build-up, par exemple, vise à constituer des groupes industriels cohérents à partir de l’agrégation de plusieurs sociétés complémentaires. À l’opposé, certains opérateurs purement financiers apportent leur expertise en ingénierie financière pour structurer des levées de fonds en ligne avec les attentes des entreprises. Encore une fois, une distinction par taille – on parle de ticket – s’opère entre les Small-caps, Mid-caps et Large-caps, au même titre que sur les marchés cotés. Le capital-retournement est une spécialisation qui, comme son nom l’indique, se concentre sur le redressement d’entreprises en difficulté par la mise en oeuvre d’un plan de redressement et l’injection des ressources financières nécessaires.
Enfin, last but not least, le capital-transmission également appelé LBO (Leverage buy-out) consiste à acquérir en totalité une société rentable, en finançant l’acquisition par du capital et surtout de la dette dont le remboursement est prélevé sur les bénéfices de l’entreprise. Initialement conçu comme un moyen pour un dirigeant de transmettre son entreprise, le LBO est à l’origine de la majorité des opérations qui défrayent la chronique.
Des placements intéressants
À l’origine, le terme Private Equity (capital privé) désigne toute forme de placement en actifs non cotés, dont les actions et titres de sociétés non cotés sont une forme, par opposition aux titres de sociétés cotées – Public Equity.
L’avantage de ce genre de placements est une performance largement supérieure à celle des valeurs cotées, en contrepartie d’une liquidité moindre et de risques accrus. Par ailleurs, les investisseurs ont été amenés à diversifier leur portefeuille et à en allouer une part croissante dans les actifs alternatifs : Private Equity, hedge funds et fonds immobiliers. Ces placements sont portés par des véhicules, ou fonds d’investissements, dont les formes sont tout aussi diverses. À ce titre, en limitant le champ au seul marché français, on trouve au moins quatre formes communes de véhicules juridiques :
- SCR, société de capital-risque,
- FCPR, fonds commun de placement à risque,
- FCPI, fonds commun de placement pour l’innovation,
- FIP, fonds d’investissement de proximité.
- sans oublier les fonds » DSK » qui ont eu leur heure de gloire.
Bien évidemment, chacun de ces véhicules porte son lot d’obligations et de contraintes réglementaires, en particulier pour ceux faisant appel à l’épargne publique, mais aussi et surtout, des avantages fiscaux non négligeables. Si certains de ces fonds sont d’accès restreint pour les particuliers – notamment en raison d’un niveau de risque et d’une durée d’immobilisation souvent élevés – le particulier avisé peut néanmoins de plus en plus facilement souscrire aux FCPI et FIP. Certains établissements proposent également des produits permettant d’investir dans des Fonds de fonds, c’est-à-dire des fonds investissant eux-mêmes dans des fonds.
Des évolutions complexes et profondes
À cet égard, l’activité de gestion de Fond de fonds est un segment à part entière de l’écosystème du Private Equity. L’intérêt en est évident : en investissant dans des fonds plutôt que directement dans des entreprises, vous démultipliez votre portée d’action et pouvez facilement opérer des allocations dans votre stratégie de diversification, tant en termes de secteur que de géographie ou de taille d’entreprises.
C’est une tendance lourde qui traduit une évolution profonde vers des modes de fonctionnement toujours plus sophistiqués. Cette évolution permet de mieux supporter les exigences des marchés, leur croissance, et les contraintes du législateur. Elle permet également d’optimiser l’utilisation des capitaux ainsi que les services rendus in fine tant aux investisseurs qu’aux entreprises.
D’une activité artisanale il y a une vingtaine d’années, le Private Equity est devenu un système complètement professionnalisé et codifié, avec des acteurs spécialisés, des outils sophistiqués et des exigences toujours plus fortes :
- dans la réalisation des investissements
Les actifs sont plus diversifiés, les portefeuilles intègrent une part croissante d’actifs immobiliers ou de fonds alternatifs avec des stratégies d’allocation et d’arbitrage complexes.
Les montages financiers sont structurés de manière de plus en plus fine, avec des interventions non seulement en actions, obligations, titres convertibles et autres BSA, ORABSA, OCABSA, mais aussi des financements à plusieurs étages de sociétés, de dette senior ou mezzanine, simultanément dans la filiale industrielle et dans la holding.
Devant la compétition croissante, la recherche des actifs cibles d’investissement devient également un enjeu stratégique, et tous les outils de veille, de collecte d’information et d’analyse sont autant d’atouts procurant un avantage compétitif.
- dans les véhicules proposés aux investisseurs
Les fonds ont été conduits à sophistiquer et à structurer plus finement les véhicules d’investissements. C’est ainsi qu’il est désormais monnaie courante de trouver aussi bien :
- des fonds à compartiments, composés de plusieurs véhicules juridiques différents permettant de respecter les contraintes légales et réglementaires des différents investisseurs, mais partageant le même portefeuille d’investissements,
- des fonds nourriciers destinés à alimenter automatiquement différents fonds et investissements à partir d’une stratégie d’allocation prédéfinie,
- des structures de fonds de fonds spécialisés,
- des stratégies d’investissement » à la carte » dans les fonds par des mécanismes d’opt-in, opt-out,
- des fonds à plusieurs classes d’actifs ;
- dans le suivi et l’exécution
Les fonds sont fortement encadrés par des contraintes réglementaires et législatives, notamment dans le cadre des procédures de lutte anti-blanchiment. Ce sont toutes les procédures AML (Anti-Money Laundering) et KYC (Know Your Customer) qui sont mises en place pour s’assurer de la provenance et du caractère licite des fonds investis ainsi que de l’identité réelle des investisseurs.
Le contrôle de la conduite des opérations est également extrêmement strict : procédures de traçabilité, de contrôle permanent de respect des ratios, de conformité réglementaire, de validation multiniveaux.
Enfin, le besoin de transparence et d’information des investisseurs conduit à la mise en place de reportings de plus en plus complets et sophistiqués, à une fréquence accrue. D’un rapport annuel sommaire, on est passé à la production trimestrielle de reportings détaillés.
Dans ce cadre, l’apport de systèmes d’information sophistiqués intégrant l’ensemble de la chaîne de traitement et associant l’ensemble des acteurs ne relève plus seulement du simple confort, mais bien d’une nécessité vitale.