Le projet Accord
Lancé par le ministère de l’Économie, des Finances et de l’Industrie dès 1996, le projet Accord apporte des innovations importantes en matière d’informatisation de la gestion publique. Il vise à intégrer au sein d’une application unique la comptabilité et la dépense de l’État, dans l’optique d’une mutualisation interministérielle des développements. Il est construit sur la base d’un progiciel de gestion intégrée, qui induit une réingénierie des processus administratifs et favorise une optimisation et une simplification des organisations.
Il constitue ainsi un outil essentiel de la réforme budgétaire portée par la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances.
Accord, support de la réforme budgétaire
Le contexte du projet
Historiquement, le fait que la dépense publique obéisse à une réglementation commune à toutes les administrations a favorisé le développement d’applications interministérielles. SIGMA, dans les années quatre-vingt, a traité des besoins de l’ordonnateur et du contrôleur financier pour les administrations centrales de la moitié des ministères. L’application NDL1, au cours des années 1990, a organisé des traitements communs à tous les acteurs des services déconcentrés. C’est dans cette perspective que s’inscrit le projet Accord, lancé en 1996, il répond à deux objectifs principaux : d’une part, intégrer au sein d’une application unique l’ensemble des acteurs de la chaîne de la dépense de l’État, et d’autre part mettre à disposition des gestionnaires et des décideurs politiques des outils de pilotage et d’analyse financière.
Accord s’inscrit dans l’optique du développement de la responsabilité des gestionnaires et de la mesure de la performance de l’action administrative, voulus par la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF).
Les nouveautés d’Accord
Fondé sur un progiciel de gestion intégrée (PGI), Accord met en œuvre un système de workflow et de signature électronique. L’application est organisée autour de modules logiciels couvrant les domaines de la gestion, du budget et de la comptabilité, » prêts à l’emploi » et adaptables à l’organisation. À partir d’une saisie unique, le partage de l’information est de ce fait assuré entre tous les utilisateurs. Le choix stratégique d’un PGI, adapté aux besoins de la gestion publique, a été fait pour permettre à l’administration de bénéficier des meilleures pratiques fonctionnelles et des évolutions technologiques des années à venir.
Le workflow est un outil de gestion de processus qui automatise les échanges entre les différents acteurs de la chaîne de la dépense, et permet de suivre l’ensemble des pièces comptables, en leur affectant un statut (approuvé, refusé, différé).
Enfin, la sécurisation des données financières est assurée par une authentification forte et des contrôles d’accès très personnalisés, par utilisation de cartes à puces et cryptage des données véhiculées sur le réseau. La signature électronique garantit l’intégrité des données signées, ainsi que le lien entre l’auteur de la signature et l’acte auquel elle se rattache. Une expérience de dématérialisation des pièces justificatives de la dépense est par ailleurs conduite en parallèle.
La construction d’Accord
Le programme est organisé selon une démarche de développement incrémental et des expérimentations par palier.
Réalisation du lot pilote Accord
Le lot pilote Accord, dont la réalisation a été confiée au groupement Accenture, PeopleSoft, Steria et Sequent2 en novembre 1999, a consisté en la mise en place d’un » système de base » pour toutes les opérations financières exécutées par les gestionnaires, l’ordonnateur principal, le contrôleur financier central du ministère de l’Intérieur, et les comptables assignataires des dépenses correspondantes.
Architecture applicative et technique
Au plan technique, l’application a été construite à partir de la version 7.5 du progiciel3 PeopleSoft Finances » French E&G « 4 qui a été complétée et paramétrée pour les besoins de l’administration. Elle est installée sur une plate-forme IBM sous système d’exploitation AIX, une base de données Oracle, une architecture client serveur » trois tiers « , et des réseaux TCP/IP. Le réseau interministériel ADER a été choisi pour les transports de flux de données Accord entre la plupart des ministères concernés.
Stratégie de raccordement
Depuis juin 2001, les utilisateurs pilotes de deux directions du ministère de l’Intérieur et des services comptables assignataires – soit environ 200 utilisateurs – bénéficient de l’application Accord. Ces premiers utilisateurs ont largement contribué à sa mise au point.
Au début de la gestion 2002, l’application compte 1 200 utilisateurs, avec l’ensemble du ministère de l’Intérieur, le ministère de l’Écologie et du Développement durable, le secrétariat d’État au Tourisme, le ministère de l’Outre-Mer, les Services généraux du Premier ministre, le Secrétariat général de la Défense nationale, le Commissariat au Plan et la DATAR. Sont également raccordées la Paierie générale du Trésor, l’Agence comptable centrale du Trésor, la Trésorerie générale pour l’Étranger, les Paieries de Londres et de Washington, la direction du Budget et la direction générale de la Comptabilité publique.
Huit ministères supplémentaires sont raccordés à Accord5 en décembre 2002, au titre de l’exercice 2003, portant à près de 5 000 le nombre d’utilisateurs déclarés :
- le ministère de l’Équipement, des Transports, du Logement, du Tourisme et de la Mer,
- le ministère de la Jeunesse, de l’Éducation nationale et de la Recherche,
- le ministère de l’Économie, des Finances et de l’Industrie,
- le ministère de la Culture et de la Communication,
- le ministère de la Justice,
- le ministère des Affaires sociales, du Travail et de la Solidarité,
- le ministère de la Santé, de la Famille et des Personnes handicapées,
- le ministère des Sports, ainsi que le Conseil supérieur de l’Audiovisuel.
Enfin, 2 000 utilisateurs supplémentaires des ministères des Affaires étrangères, de la Défense, de l’Agriculture, de l’Alimentation et des Affaires rurales rejoindront Accord en mars 2004, dans une version intermédiaire de l’application, dite Accord 1 bis, construite sur la version à l’état de l’art6 du PGI et permettant des expérimentations en vue de l’application de la LOLF.
Il faut observer que ce calendrier de déploiement est conforme aux orientations données par le Comité interministériel pour la Réforme de l’État (CIRE) du 12 octobre 2000, qui prévoyaient une couverture des administrations centrales au printemps 2004.
L’objectif d’une généralisation d’Accord à l’ensemble des services centraux et déconcentrés de l’État pour le 1er janvier 2006, date d’entrée en vigueur de la LOLF, a été réaffirmé par le CIRE du 15 novembre 2001. Pour respecter cette échéance, et accompagner les évolutions technologiques en matière de systèmes d’information, la décision a été prise de mettre en chantier le développement d’une seconde version7 d’Accord. Cette seconde version d’Accord devra capitaliser les enseignements acquis. Elle sera résolument orientée vers l’utilisation des fonctionnalités standard d’un PGI et s’accompagnera d’un important effort de réingénierie des processus et de conduite du changement. Elle couvrira un champ fonctionnel plus global et cohérent, permettant de mieux tirer profit de l’intégration du système d’information, et concernera l’ensemble des acteurs des services centraux et déconcentrés. Elle doit également permettre de générer des gains d’efficacité et de productivité laissant envisager un retour sur investissement rapide.
Un appel d’offres a été lancé en mars 2003, qui vise à réaliser le programme d’ensemble rénovant les procédures de gestion devant être mises en œuvre conformément à la LOLF pour le budget de l’État de 2006, en s’appuyant sur un PGI. Les offres des candidats sont examinées à l’automne 2003, pour une notification du marché prévue au printemps 2004.
Organisation de l’administration pour la conduite du projet
Le projet est conduit dans la concertation interministérielle la plus grande. L’agrément interministériel pour le développement d’Accord, approuvé par tous les ministères, définit les droits et obligations en matière de pilotage du projet. Le Comité des directeurs chargés des affaires financières des ministères (CODIR) est coprésidé par le directeur de la Réforme budgétaire et le délégué à la modernisation de la gestion publique et des structures de l’État. Il définit le programme d’activités d’Accord, et joue le rôle d’un véritable conseil d’administration en délibérant sur les différentes questions structurantes pour le système d’information.
Le pilotage opérationnel du projet est confié au Service à compétence nationale (SCN) Accord, créé au sein du ministère de l’Économie, des Finances et de l’Industrie par arrêté interministériel du 16 janvier 2002. Rattaché au directeur de la Réforme budgétaire, ce service, qui a pour mission d’assurer la maîtrise d’ouvrage déléguée et la maîtrise d’œuvre du développement du système d’information Accord, est également chargé de la coordination de son déploiement dans les services de l’État. Fédérant les intérêts de l’ensemble des ministères, le SCN Accord a pour charge d’objectiver l’expression des besoins. Il constitue ainsi le vecteur d’échanges entre l’administration et l’éditeur du PGI (anticipation des évolutions, club d’utilisateurs, prise en compte des besoins particuliers des administrations). Le SCN Accord est responsable du Centre de compétences Accord (CCA), qui réunit les équipes de l’administration et les personnels des sociétés prestataires titulaires des marchés afin de favoriser les transferts de savoir-faire.
Chaque ministère est chargé de son propre raccordement au système selon un » plan qualité raccordement » organisant ses relations avec l’échelon interministériel.
La direction générale de la Comptabilité publique assure l’exploitation de l’application Accord, aujourd’hui sur le site du département informatique de l’Agence comptable centrale du Trésor.
Fonctionnalités et potentialités d’Accord
Accord permet d’assurer le respect de l’autorisation parlementaire et d’alimenter la comptabilité générale de l’État, mais aussi de mesurer la performance de la gestion publique, c’est-à-dire d’apprécier les résultats et les coûts, au bénéfice des gestionnaires, du Parlement et des usagers de l’administration.
Outil partagé entre tous les acteurs, il automatise les échanges et intègre des fonctionnalités de gestion. Il est accompagné d’une dématérialisation progressive permettant la prise en compte de documents numériques, que ces derniers soient reçus en mode natif (EDI8, XML) ou obtenus par numérisation des pièces » papier « . Il est construit sur une architecture destinée à garantir la cohérence et la fiabilité des informations, et susceptible d’apporter des gains d’échelle et des économies pour l’ensemble de l’administration.
Les fonctionnalités d’Accord
Le champ couvert par Accord s’est accru de manière progressive et cohérente pour tirer profit des enseignements des étapes passées. Accord 1 couvrait l’intégralité des dépenses effectuées par l’État, au titre du budget général, des budgets annexes et des comptes spéciaux du Trésor, ainsi que les recettes étrangères à l’impôt et au domaine de l’État.
Accord 2 sera construit autour des fonctionnalités de comptabilité9 de l’État, et intégrera la chaîne de la dépense, tout en fournissant également les traducteurs comptables permettant aux autres applications impactant la comptabilité d’alimenter celle-ci (Copernic pour les recettes fiscales, le système de l’Agence France Trésor pour la trésorerie, les systèmes d’information ministériels de gestion des ressources humaines).
Accord offre aux ministères d’importantes potentialités de modernisation
En réunissant tous les acteurs autour du même système d’information, Accord fiabilise et simplifie les traitements informatiques. Il met fin aux doubles saisies et aux divergences éventuelles entre les situations comptables tenues par les différents acteurs. Accord participe ensuite à la réingénierie des processus de gestion et à l’optimisation de l’organisation des services, en facilitant la réflexion10 sur les organisations cibles, dans un souci de rationalisation et de meilleure efficacité de la gestion budgétaire et comptable. Accord contribue enfin à la simplification des procédures, notamment au moyen de la dématérialisation de l’ordonnance de paiement et de l’envoi des délégations de crédits vers le niveau déconcentré. Sur ce dernier thème, il accélère les délais de mise en place des crédits, qui sont passés de trois semaines à deux jours.
Accord entraîne une modification profonde de la répartition des tâches et favorise une responsabilisation et une professionnalisation accrues des acteurs de la dépense, qui travaillent désormais sur un référentiel » métier » commun. Il fait émerger le nouveau métier du gestionnaire, qui est à l’origine des informations alimentant le contrôle de gestion. Par ailleurs, l’intervention du contrôle financier sur les ordonnances de paiement, qui dans un système intégré présente peu de valeur ajoutée par rapport aux contrôles informatiques effectués par l’application, a pu être significativement allégée : la direction du Budget a accepté que les protocoles élaborés entre les directions financières des ministères et le contrôleur financier prévoient la suppression du visa du contrôle sur toutes les ordonnances de paiement. Cette seule simplification peut représenter une division par deux du nombre des actes soumis au visa du contrôle financier, et une accélération du circuit de traitement de la dépense allant de cinq à huit jours.
Enfin, l’expérimentation de nouveaux dispositifs comptables, tels que les départements comptables ministériels ou les services facturiers, est facilitée avec Accord.
La modernisation de la gestion publique est une démarche indispensable qui relève de chaque administration.
Accord constitue pour l’ensemble des ministères un système d’information que chacun aurait dû, peu ou prou, constituer pour son propre compte sous la forme d’applications de gestion propres. Il apporte une cohérence d’ensemble et un niveau de performance que chaque ministère pris isolément n’aurait pu atteindre même au prix d’efforts importants. La mutualisation permet de gagner en cohérence et en économie d’échelle, sans toutefois sacrifier à la prise en compte des spécificités de chaque ministère, puisque le paramétrage d’Accord et le degré de déploiement des potentialités correspondantes relèvent de la responsabilité de chacun.
Le raccordement au système Accord doit être l’occasion pour chaque ministère de mettre en œuvre un véritable projet de modernisation. Au-delà des opérations de raccordement proprement dites11, le projet ministériel de modernisation accompagnant Accord s’articule, dans l’optique d’une optimisation des processus administratifs, autour d’une réflexion sur les missions, les objectifs et les nomenclatures, d’un examen des applications » métiers » à interfacer avec ou à remplacer par Accord, d’une étude d’organisation des services, de la mise en place d’une action volontariste de communication interne, et d’un important dispositif de conduite du changement.
Conclusion
Les entreprises se sont engagées depuis quelques années dans de tels programmes d’intégration, avec une longueur d’avance sur les administrations, favorisées sur ces délicates questions d’organisation et de réingénierie par la cohérence de leur ligne managériale et par une vision partagée des objectifs et des résultats à atteindre. L’encadrement de la fonction publique doit être convaincu de l’efficacité de la démarche d’intégration et de sa faisabilité, dans un objectif d’amélioration du service public, reposant sur une participation active des agents, mieux formés, plus qualifiés et dotés de moyens de travail plus performants leur permettant de mieux exercer leurs responsabilités.
1. Nouvelle dépense locale.
2. Sequent a été remplacé par IBM au moment de son absorption par cette dernière compagnie.
3. Précisément, les modules GL : General Ledger, AP : Account Payables et PO : Purchase Orders.
4. E & G : Education and Government (version secteur public du progiciel PeopleSoft Finances).
5. Désormais appelé Accord 1.
6. PeopleSoft Finances 8.4.
7. Une des principales raisons du développement d’une nouvelle version réside dans les différences profondes apportées par la LOLF par rapport à l’ordonnance organique du 2 janvier 1959, qui ne peuvent être traitées par une adaptation d’Accord 1.
8. EDI : Échange de données informatisées.
9. Comptabilité générale, comptabilité budgétaire et comptabilité d’analyse des coûts des programmes.
10. Étant par construction fondé sur un PGI, Accord est paramétrable, et s’adapte aux changements d’organisation. Il permet de ce fait d’aboutir par approximations successives à une optimisation du rôle des différents acteurs, dans chaque cadre ministériel spécifique. Il met en évidence les redondances ou les points d’accumulation dans les organigrammes, et constitue un vecteur important de simplification.
11. À savoir, la connexion au centre d’exploitation, l’installation des matériels, le déploiement des logiciels, la reprise des données, le paramétrage du système et la formation des utilisateurs.