Le projet Université Mohammed VI Polytechnique
L’Université Mohammed VI Polytechnique est une réussite fondée avec le soutien de l’OCP, le groupe marocain présent aujourd’hui sur l’ensemble de la chaîne de valeur des engrais. Au-delà de former les futurs élites marocaines, l’université aspire à contribuer au développement de l’Afrique, en valorisant l’une ses principales richesses : sa jeunesse. Elle se situe aux plus hauts standards internationaux.
L’histoire de l’Université Mohammed VI Polytechnique (UM6P), c’est d’abord celle d’un Maroc qui prend conscience de l’ampleur des défis qui l’unissent à son continent. Les observateurs l’ont bien noté : en 2016, le retour du pays dans l’Union africaine ne s’est pas fait seulement par les mots, mais aussi à travers des investissements conséquents dans l’essor du continent.
L’Afrique entre défis et opportunités
Aujourd’hui, dans son développement, l’Afrique est confrontée à un double dilemme. D’un côté, elle est soumise aux soubresauts du monde, que ce soit la pandémie de Covid-19 ou les conséquences de la guerre en Ukraine qui impactent notre sécurité alimentaire. Ces événements nous rappellent de manière percutante que les Africains doivent prendre en main leur destin. D’un autre côté, l’Afrique est sans aucun doute le continent des potentialités par excellence.
Difficile de parler de sécurité alimentaire en omettant le fait que l’Afrique détient plus de 60 % des terres arables au monde. Ce potentiel, c’est aussi une population à 60 % âgée de moins de 25 ans, avec tout ce que cela implique en termes de capital humain. Et, bien qu’il y ait encore du chemin à parcourir concernant les infrastructures du continent, le fait que la pénétration numérique ait déjà dépassé les 40 % en Afrique permet d’imaginer toute une économie du savoir fondée sur les nouvelles technologies. Justement, cette économie du savoir ne peut se concrétiser sans un engagement robuste pour la recherche et l’innovation, au service d’un développement durable et souverain en Afrique.
Une création unique en son genre
En tant qu’institution académique, l’Université Mohammed VI Polytechnique (UM6P) n’a rien de typique. Ne serait-ce que dans la nature de l’opérateur économique auquel elle doit son existence. Le Maroc détient plus de 70 % des réserves mondiales de phosphate, une richesse nationale gérée et exploitée depuis plus de cent ans par le groupe OCP.
Durant un centenaire, OCP a pu valoriser cette ressource en développant une chaîne de valeur qui mobilise désormais toute une panoplie de parties prenantes en Afrique. Car le phosphate, c’est aussi une composante principale des engrais phosphatés, nécessaires à l’impulsion d’une production agricole en phase avec les besoins grandissants du continent. La valorisation du phosphate n’aurait pas pu aboutir sans l’investissement soutenu du groupe OCP dans la R&D. Ayant permis à OCP de devenir leader mondial des engrais, cette même R&D se devait de prendre son envol en vue d’encore plus de valorisation. C’est alors qu’est née l’UM6P, université de recherche inaugurée en 2017 grâce au soutien financier de la Fondation OCP.
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Témoignage : Anas Lahlou (X88), ex-directeur des partenariats – UM6P
Après une longue expérience au sein du groupe OCP, j’ai rejoint UM6P en 2018 pour lancer son programme de partenariat ainsi que son premier portefeuille de recherche. En 2020, à trois ans de la retraite, j’ai démarré une thèse en économie environnementale. Cette thèse en fin de carrière est pour moi l’occasion de matérialiser plusieurs idées de politique industrielle que j’ai développées lors de mon passage dans l’industrie. Elle a été possible grâce à l’existence d’une université qui offre à la fois un environnement de recherche de qualité et une interaction avec le monde industriel.
Plus qu’une université, un écosystème
L’UM6P trouve ses racines dans un partenariat avec un leader industriel marocain, ce qui a naturellement orienté les sujets de sa première production intellectuelle : agriculture, durabilité, technologie et exploitation minière. Mais, en tant qu’université marocaine, l’UM6P trouve aussi ses racines dans une Afrique aux défis multiples : éducatifs, économiques, démographiques, sociaux, technologiques ou liés à la gouvernance.
À l’UM6P, nous avons rapidement réalisé que ces deux appartenances ne sont pas mutuellement exclusives, mais se complètent parfaitement ; une optique win-win qui a permis à notre université de développer un modèle qui concilie les deux besoins. Notre raisonnement en la matière fut simple : en devenant une université à part entière, l’UM6P s’est fixé comme mission de répondre aux besoins en éducation, recherche & innovation du Maroc et de l’Afrique – y compris ceux de notre principal partenaire industriel. Forte du soutien de ce dernier, l’UM6P a aussi instauré une présence physique ancrée dans les soucis africains de développement durable.
Un ancrage territorial
Notre campus principal est situé au sein de la Ville verte de Ben Guerir, une smart city opérant selon les principes fondamentaux de l’économie circulaire. Les normes de cette circularité ne sont donc pas reflétées seulement dans notre production scientifique, mais aussi et surtout dans notre mode opératoire en tant qu’institution académique. Connue pour être une ville minière et agricole, Ben Guerir est l’environnement idéal pour le développement de solutions adaptées aux besoins nationaux et continentaux. Par la même logique, la capitale Rabat fut un choix naturel pour établir la Faculté de gouvernance, de sciences économiques et sociales de l’UM6P. Idem pour notre Institut africain de recherche en agriculture durable, basé au Sahara marocain et spécialisé dans les problématiques agricoles des climats arides.
Pour l’UM6P, cette diversité dans l’implantation n’est pas que géographique. Elle vise surtout à couvrir les thématiques de développement africain dans leur multitude et leur complexité. En adaptant son offre académique aux régions qui accueillent sa présence, l’UM6P témoigne à chaque fois d’une forte ambition de contribuer positivement aux dynamiques qui les animent. Aujourd’hui, cette contribution de l’UM6P se fait à travers trois activités principales : l’éducation, la recherche appliquée et l’innovation. Là encore, notre université a fermement tenu à rester proche de ses racines dans l’élaboration des besoins, tout en se permettant d’innover en termes de solutions. Au Maroc comme en Afrique, les universités ne peuvent plus se permettre de copier des modèles étrangers, aussi prestigieux soient-ils.
Témoignage : Driss Lahlou Kitane (X03), Start-up Ground Truth Analytics et Photons Analysis – UM6P
L’UM6P vise à se positionner fortement dans le domaine de l’agtech, notamment en Afrique, en s’appuyant d’une part sur l’intelligence artificielle qui a ouvert d’énormes possibilités pour une agriculture raisonnée et performante, et sur l’apprentissage machine qui a permis le développement de nombreux services à destination des agriculteurs, industriels et agences publiques. C’est dans ce contexte que j’ai pu participer au lancement de deux start-up.
La première, Ground Truth Analytics, développe des plateformes qui combinent des données de terrain avec l’imagerie satellitaire, afin de les analyser en s’appuyant sur des algorithmes de machine learning et des réseaux de neurones. Nos clients publics utilisent notre technologie afin d’estimer la surface cultivée par type de culture, prédire les rendements et la production agrégée, faire de la veille phytosanitaire, ou encore ils s’appuient sur les cartes que nous générons pour assainir le cadastre agricole ou orienter la construction d’infrastructures. D’autres clients utilisent notre technologie à des fins plus commerciales, telles que l’adaptation de l’offre produit et de services fondés sur les informations et recommandations générées par nos algorithmes. L’analyse d’images satellitaires, qui sont parfois rafraîchies quotidiennement, remplace de plus en plus les enquêtes de terrain qui sont le plus souvent non exhaustives, imprécises, coûteuses et chronophages.
La deuxième start-up, Photons Analysis, développe une technologie d’analyse rapide et sans réactif de la fertilité des sols. La composition chimique est donnée là encore grâce à un algorithme de machine learning qui analyse le spectre lumineux d’un plasma généré à la surface d’un échantillon de sol, pour donner la composition en quelques minutes ; là où l’analyse « classique » en laboratoire dure plus de huit heures et consomme une grande quantité de produits chimiques.
La relève d’abord
Animée d’ambition et d’énergie, la jeunesse de l’Afrique est une composante nécessaire à l’implantation de tout modèle de développement propre au continent. Si la vision des sphères de développement international reste sceptique par rapport au rythme de la croissance démographique du continent, nous choisissons à l’UM6P de voir en cette jeunesse une source inépuisable de talents et de créativité.
Les 60 % d’Africains âgés de moins de 25 ans ont grandi à l’ère du numérique. Les instruire, c’est aussi réaliser qu’ils ont un rapport à l’information plus sophistiqué que les générations précédentes. Par conséquent, notre philosophie d’apprentissage à l’UM6P porte bien son nom : learning by doing. En intégrant l’UM6P, l’étudiant est très vite exposé à une infrastructure à échelle réelle lui permettant d’appliquer toutes sortes de notions à travers des living labs industriels, agricoles ou technologiques. Découvrir et expérimenter le savoir, au-delà de la théorie, permet à l’apprenant de se l’approprier une fois pour toutes. Ça sert aussi à cela, un écosystème en bonne et due forme.
Mais qui est cette jeunesse dont on parle, en fin de compte ? À l’UM6P, notre mission à cet égard est de refléter les valeurs d’excellence, de diversité et de mixité sociale nécessaires pour développer non seulement la compétence, mais aussi la société inclusive de demain. Certes, le potentiel académique est notre condition de base d’admission. Au-delà, il s’agit aussi de donner la chance aux jeunes, toutes origines confondues, de réaliser ce potentiel. 80 % de nos étudiants bénéficient de bourses complètes ou partielles. Et, dans un continent où même pas 30 % des écolières arrivent à finir le lycée, nous tenons à rectifier le tir en maintenant une population estudiantine à plus de 53 % féminine.
Témoignage : Younes Kchia (X05), vice-doyen de l’Africa Business School – UM6P
L’Africa Business School, dédiée principalement à l’Executive Education, est née du besoin d’accompagner la transformation de l’OCP et contribue aujourd’hui à faire du groupe une organisation apprenante. L’ABS propose désormais une offre sur mesure aux entreprises au Maroc et en Afrique, ainsi qu’un catalogue sur étagère pour tout apprenant. Pour cela, l’Africa Business School s’est d’emblée articulée autour de trois piliers : recherche – advisory – learning , qu’elle met au service de la transformation. Ce triptyque, que l’on nomme R‑A-L en interne, est le fruit d’une ambition : renforcer les liens entre les savoirs requis par les organisations, les savoirs produits par l’école et les savoirs enseignés au sein de l’école.
La complexité des transformations des entreprises nécessitant l’usage simultané de grilles d’analyse différentes, voire parfois paradoxales, notre identité s’inscrit fortement dans la création d’un environnement pédagogique hybride, alliant qualitatif et quantitatif. À titre d’exemple, nous avons lancé cette année la chaire « complexités et humanités » et figure parmi nos programmes l’Executive Diploma in Financial Engineering and Operations Research for Industry, en partenariat justement avec l’École polytechnique.
Une matière grise à l’œuvre
Dans leur quête de solutions scientifiques aux différentes problématiques de développement en Afrique, les chercheurs de l’UM6P sont équipés de laboratoires aux standards internationaux, mais pas seulement. L’utilité même de leurs théories trouve un terrain fertile d’expérimentation et de validation dans l’écosystème qui les entoure. Un référencement académique et des brevets, c’est bien. Leur concrétisation dans l’environnement direct de l’université, c’est encore mieux. Par exemple, la ferme expérimentale de l’UM6P n’a rien d’une miniature. C’est bel et bien une ferme en bonne et due forme, avec une production agricole régulière, où l’expérimentation scientifique est conduite selon le besoin. De même pour notre mine expérimentale.
Témoignage : Nicolas Cheimanoff (X81), directeur de l’EMINES – School of Industrial Management – UM6P
Le projet « Université Mohammed VI Polytechnique » portait dès son origine l’ambition forte de devenir l’université de référence en Afrique, disposait de moyens conséquents grâce au soutien du groupe OCP SA et offrait la possibilité, particulièrement précieuse pour un professeur de l’enseignement supérieur, de remplir une page blanche pédagogique, dans le but de créer un modèle de formation sur mesure capable de s’enrichir des meilleures expériences internationales.
J’ai eu ainsi, après près de trente années passées à l’École des mines de Paris, dans la recherche, l’enseignement et la coopération internationale, la possibilité de mettre en œuvre à l’UM6P, et plus particulièrement au sein de son premier établissement l’école d’ingénieur de l’EMINES School of Industrial Management, un modèle de formation conciliant les pédagogies hypothético-déductives, chères aux formations scientifiques françaises, et des pédagogies résolument inductives dans l’esprit de « la main à la pâte », dans des domaines aussi variés que l’économie, la physique expérimentale, la robotique ou encore le management de grands projets industriels. J’ai pu aussi appuyer ces développements sur des partenariats ambitieux, parmi lesquels une chaire de recherche et d’enseignement en data sciences et processus industriels portée par mon camarade de promotion, Éric Moulines, professeur à l’École polytechnique.
Les résultats après bientôt dix ans d’existence de l’école : des enseignants de toutes nationalités heureux de tester de nouvelles pédagogies, des étudiants épanouis, disposant d’une base mathématiques très solide, mais pouvant aussi déployer d’autres compétences au long de leur cursus, et des diplômés qui ont conquis le marché national et dont une part a eu le choix de s’exporter avec bonheur sur le continent et en Europe.
Une forte valeur ajoutée
Comprenant étudiants, diplômés, chercheurs, investisseurs et pouvoirs publics, les écosystèmes de l’UM6P sont un champ propice à l’accompagnement des projets à forte valeur ajoutée. C’est exactement la mission de StartGate, notre campus de start-up situé à Ben Guerir et bénéficiant de la proximité stratégique d’une recherche testée dans plusieurs domaines. Car, après avoir instruit les générations futures et trouvé la réponse aux multiples défis de développement, quoi de mieux que de réinvestir cet arsenal cognitif au service de la croissance régionale, nationale et continentale ? Le moins que l’on puisse dire, c’est que le cercle vertueux de la création de valeur y trouvera une fin heureuse.
Pour en savoir plus : https://um6p.ma/