Le pull-over de Buchenwald
Sous-titré J’avais 14 ans dans les camps de la mort, ce livre constitue ce que l’on appelle dans un autre contexte un coming out. Déporté à Buchenwald à l’âge de 14 ans avec ses parents qui n’en sont pas revenus, Bertrand Herz a en effet gardé pour lui pendant près d’un demi-siècle ses terribles souvenirs.
Il n’en a pas parlé en prépa, ni à l’X, ni à ses collègues, ni même à sa femme et à ses enfants. Comme beaucoup de victimes de la Shoah, il a essayé d’oublier et de ne pas se singulariser.
Né en 1930 de Willy Herz, ingénieur chez Alsthom, commandant d’une batterie d’artillerie à Verdun, et de Louise Lambert, Bertrand passe une enfance heureuse au Vésinet.
Réfugiés en 1942 à Toulouse, les Herz sont arrêtés le 5 juillet 1944 par la police allemande comme juifs et aussitôt expédiés à Buchenwald où ils arrivent le 6 août.
Un des plus jeunes déportés, Bertrand voit son père mourir sous ses yeux, puis apprend la mort de sa mère mais il survit miraculeusement – peut-être grâce à un pull-over échangé par son père contre du tabac ? – aux sévices quotidiens des camps de concentration jusqu’à l’arrivée des Américains qui libèrent Buchenwald le 11 avril 1945.
Il se retrouve à l’hôtel Lutétia, lieu de transit de tous les déportés retour d’Allemagne et est pris en charge avec son frère et sa sœur par une tante et un oncle qui les traiteront comme leurs enfants.
Un demi-siècle après, après une carrière d’informaticien dans différents organismes publics et privés, Bertrand est rattrapé par son passé et accepte de devenir président du Comité international Buchenwald Dora (CIBD). Il participe à ce titre, le 5 juin 2009, à une cérémonie avec Elie Wiesel aux côtés de Barack Obama et d’Angela Merkel (voir La Jaune et la Rouge, août-septembre 2009, p. 102).
Ce livre émouvant est à lire par ceux qui ont connu la guerre comme par les jeunes générations qui ont du mal à comprendre ce que pensent les Français juifs des événements récents de Bruxelles, Copenhague, Paris, Sarcelles, Sarre-Union, Toulouse et ailleurs.
Il témoigne pour tous ceux qui ne sont pas revenus des camps de la mort, dont les noms sont inscrits au Mémorial de la Shoah, rue Geoffroy‑l’Asnier.