Le Quatrième mur / Brûle le sang / Un monde violent / 5 Septembre / Les Damnés

Le Quatrième mur / Brûle le sang / Un monde violent / 5 Septembre / Les Damnés

Dossier : Arts, lettres et sciencesMagazine N°803 Mars 2025
Par Christian JEANBRAU (63)

On pour­ra lais­ser de côté Par amour (où se perd Cécile de France), Mémoires d’un escar­got (prê­chi-prê­cha), La pie voleuse (médiocre mélo), Julie se tait (ennuyeux), Mon gâteau pré­fé­ré (invrai­sem­blable bon­bon rose). On pour­ra être inté­res­sé par deux duos d’acteurs : Col­man Domin­go et Cla­rence Maclin dans Sing Sing ; Vincent Lin­don et Ben­ja­min Voi­sin dans Jouer avec le feu. Pour une pre­mière moi­tié excel­lente avant le flé­chis­se­ment de la seconde, on signa­le­ra Je suis tou­jours là (de Wal­ter Salles) et Pri­ma la vita (de Fran­ces­ca Comen­ci­ni). Enfin La pam­pa (d’Antoine Che­vrol­lier) et Jane Aus­ten a gâché ma vie (de Lau­ra Pia­ni) sont deux tout à fait bons films, mais on n’a pas pu orga­ni­ser le quin­tette du mois avec eux.

Le quatrième murLe quatrième mur

Réali­sa­teur : David Oel­hof­fen – 1 h 56

Puis­sant, ten­du, habi­té, le film parle inten­sé­ment de l’utopie d’un dépas­se­ment des conflits par la neu­tra­li­té bien­veillante d’un pro­jet artis­tique par­ta­gé. L’Anti­gone d’Anouilh, outil pré­texte déri­soire d’un impos­sible apai­se­ment des affron­te­ments (Liban : 1982–1983, les mas­sacres de Sabra et de Cha­ti­la) est le vain arrière-plan du drame qu’illustrent for­mi­da­ble­ment en endos­sant les tra­jec­toires déses­pé­rantes de leurs per­son­nages Laurent Lafitte et Simon Abka­rian. Le film est presque sans fai­blesse, riche dans tous ses détails, impres­sion­nant de pré­ci­sion et acca­blant. On ne peut pas en tirer de morale posi­tive et l’évidente vic­toire de l’absurde dans un monde domi­né par le puzzle incom­pré­hen­sible de fac­tions enne­mies fana­ti­sées laisse atter­ré. Un choc.


Brûle le sangBrûle le sang

Réa­li­sa­teur : Aka­ki Pop­khadze – 1 h 49

Dur, très dur et noir, très noir, mais dans le genre une réus­site com­plète, magni­fique. Outre que l’épaisseur psy­cho­lo­gique n’est pas négli­gée. Cadre : Nice. Scé­na­rio : un contrat, un concours de cir­cons­tances, la mau­vaise cible, la ven­geance. Impec­ca­ble­ment joué (Nico­las Duvau­chelle par­fait, Fin­ne­gan Old­field excellent, mais tous bons). Ten­sion per­ma­nente. Contexte clair, dense : milieu géor­gien, famille, vio­lence, reli­gion (ortho­doxe). Adré­na­line garan­tie. Un coup de poing. Âmes sen­sibles, s’abstenir !


Un monde violentUn monde violent

Réa­li­sa­teur : Maxime Cape­ran – 1 h 25

Très bon petit polar. Effi­cace, pre­nant, ten­du. Et au-delà, solide esquisse psy­cho­lo­gique des rela­tions entre les quatre per­son­nages prin­ci­paux. Scé­na­rio cré­dible, réa­liste, accro­cheur, ser­vi par des acteurs inves­tis : Oli­via Côte et Félix Mari­taud en dés­équi­libre convain­cant, Félix Mari­taud et Kacey Mot­tet Klein dans le sur­saut d’une belle rédemp­tion finale. Deux frères, un coup mon­té qui dérape, un plan et un tis­su humain qui s’effilochent. Du clas­si­cisme de genre mais de robuste fac­ture. Une pro­gres­sion sans temps mort, du bra­quage ini­tial à l’issue qui dépasse son échec pro­gram­mé dans le pri­mat de la fra­ter­ni­té. Très réussi !


Les DamnésLes damnés

Réa­li­sa­teur : Rober­to Miner­vi­ni – 1 h 28

Hiver 1862 et guerre de séces­sion. Une poi­gnée de nor­distes en patrouille dans le Mon­ta­na. Des hommes et des che­vaux, atten­tifs les uns aux autres. Des hommes qui avancent dans le froid, le vent, la neige, la peur, vers le doute. Le sens de ce qu’ils font, de ce qu’ils sont, Dieu, le bien, le mal, la guerre, les « pour­quoi ? » de tou­jours. Des hommes frustes qui par­viennent à faire sen­tir, à expri­mer avec jus­tesse ce qu’ils res­sentent. Un affron­te­ment à mi-par­cours, meur­trier, incer­tain et d’un réa­lisme démys­ti­fi­ca­teur. On che­mine avec eux, com­plè­te­ment ; la beau­té for­melle est abso­lue. C’est lent, silen­cieux et exta­tique. Ça n’a pas réel­le­ment de fin. On peut être empor­té (moi), on peut être âpre­ment contre. C’est de toute façon « à part ».


5 Septembre5 septembre

Réa­li­sa­teur : Tim Fehl­baum – 1 h 37

C’est tout à fait excellent, même si c’est un docu­men­taire beau­coup plus qu’un film. For­mi­da­ble­ment fait. On a plai­sir à retrou­ver l’excellente Leo­nie Benesch (vue dans La salle des profs) dans un rôle en retrait mais bien des­si­né, le tou­jours éton­nant Zine­dine Soua­lem. Abso­lu­ment rien à reprendre au dérou­le­ment mil­li­mé­tré, au mon­tage au cor­deau. Suivre ces pro­fes­sion­nels de l’info dans le contexte explo­sif de la prise d’otages des JO de 1972 à Munich est pas­sion­nant de bout en bout. Tou­te­fois, sauf Leo­nie Benesch, on ne s’attache pas vrai­ment à des per­son­nages qui ne fonc­tionnent que comme des méca­niques ultra-per­for­mantes, com­pé­tentes et pro­fes­sion­nel­le­ment inves­ties jusqu’à une forme de déshu­ma­ni­sa­tion. Mais, comme il s’agit de nous faire vivre minute par minute, en y étant, la cou­ver­ture média­tique à chaud d’un évé­ne­ment… brû­lant, on ne voit pas com­ment on pour­rait faire mieux ! En somme, un non-film fascinant. 

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