Le Quatrième mur / Brûle le sang / Un monde violent / 5 Septembre / Les Damnés

On pourra laisser de côté Par amour (où se perd Cécile de France), Mémoires d’un escargot (prêchi-prêcha), La pie voleuse (médiocre mélo), Julie se tait (ennuyeux), Mon gâteau préféré (invraisemblable bonbon rose). On pourra être intéressé par deux duos d’acteurs : Colman Domingo et Clarence Maclin dans Sing Sing ; Vincent Lindon et Benjamin Voisin dans Jouer avec le feu. Pour une première moitié excellente avant le fléchissement de la seconde, on signalera Je suis toujours là (de Walter Salles) et Prima la vita (de Francesca Comencini). Enfin La pampa (d’Antoine Chevrollier) et Jane Austen a gâché ma vie (de Laura Piani) sont deux tout à fait bons films, mais on n’a pas pu organiser le quintette du mois avec eux.
Le quatrième mur
Réalisateur : David Oelhoffen – 1 h 56
Puissant, tendu, habité, le film parle intensément de l’utopie d’un dépassement des conflits par la neutralité bienveillante d’un projet artistique partagé. L’Antigone d’Anouilh, outil prétexte dérisoire d’un impossible apaisement des affrontements (Liban : 1982–1983, les massacres de Sabra et de Chatila) est le vain arrière-plan du drame qu’illustrent formidablement en endossant les trajectoires désespérantes de leurs personnages Laurent Lafitte et Simon Abkarian. Le film est presque sans faiblesse, riche dans tous ses détails, impressionnant de précision et accablant. On ne peut pas en tirer de morale positive et l’évidente victoire de l’absurde dans un monde dominé par le puzzle incompréhensible de factions ennemies fanatisées laisse atterré. Un choc.
Brûle le sang
Réalisateur : Akaki Popkhadze – 1 h 49
Dur, très dur et noir, très noir, mais dans le genre une réussite complète, magnifique. Outre que l’épaisseur psychologique n’est pas négligée. Cadre : Nice. Scénario : un contrat, un concours de circonstances, la mauvaise cible, la vengeance. Impeccablement joué (Nicolas Duvauchelle parfait, Finnegan Oldfield excellent, mais tous bons). Tension permanente. Contexte clair, dense : milieu géorgien, famille, violence, religion (orthodoxe). Adrénaline garantie. Un coup de poing. Âmes sensibles, s’abstenir !
Un monde violent
Réalisateur : Maxime Caperan – 1 h 25
Très bon petit polar. Efficace, prenant, tendu. Et au-delà, solide esquisse psychologique des relations entre les quatre personnages principaux. Scénario crédible, réaliste, accrocheur, servi par des acteurs investis : Olivia Côte et Félix Maritaud en déséquilibre convaincant, Félix Maritaud et Kacey Mottet Klein dans le sursaut d’une belle rédemption finale. Deux frères, un coup monté qui dérape, un plan et un tissu humain qui s’effilochent. Du classicisme de genre mais de robuste facture. Une progression sans temps mort, du braquage initial à l’issue qui dépasse son échec programmé dans le primat de la fraternité. Très réussi !
Les damnés
Réalisateur : Roberto Minervini – 1 h 28
Hiver 1862 et guerre de sécession. Une poignée de nordistes en patrouille dans le Montana. Des hommes et des chevaux, attentifs les uns aux autres. Des hommes qui avancent dans le froid, le vent, la neige, la peur, vers le doute. Le sens de ce qu’ils font, de ce qu’ils sont, Dieu, le bien, le mal, la guerre, les « pourquoi ? » de toujours. Des hommes frustes qui parviennent à faire sentir, à exprimer avec justesse ce qu’ils ressentent. Un affrontement à mi-parcours, meurtrier, incertain et d’un réalisme démystificateur. On chemine avec eux, complètement ; la beauté formelle est absolue. C’est lent, silencieux et extatique. Ça n’a pas réellement de fin. On peut être emporté (moi), on peut être âprement contre. C’est de toute façon « à part ».
5 septembre
Réalisateur : Tim Fehlbaum – 1 h 37
C’est tout à fait excellent, même si c’est un documentaire beaucoup plus qu’un film. Formidablement fait. On a plaisir à retrouver l’excellente Leonie Benesch (vue dans La salle des profs) dans un rôle en retrait mais bien dessiné, le toujours étonnant Zinedine Soualem. Absolument rien à reprendre au déroulement millimétré, au montage au cordeau. Suivre ces professionnels de l’info dans le contexte explosif de la prise d’otages des JO de 1972 à Munich est passionnant de bout en bout. Toutefois, sauf Leonie Benesch, on ne s’attache pas vraiment à des personnages qui ne fonctionnent que comme des mécaniques ultra-performantes, compétentes et professionnellement investies jusqu’à une forme de déshumanisation. Mais, comme il s’agit de nous faire vivre minute par minute, en y étant, la couverture médiatique à chaud d’un événement… brûlant, on ne voit pas comment on pourrait faire mieux ! En somme, un non-film fascinant.