Le renouveau du bouddhisme, espoir d’un monde meilleur

Dossier : La ChineMagazine N°684 Avril 2013
Par Christian COCHINI

Essen­tiel­le­ment asia­tique, le boud­dhisme est deve­nu en un demi-siècle une reli­gion aux rami­fi­ca­tions mon­diales. Croyants ou non, les Occi­den­taux s’intéressent de plus en plus à cette reli­gion, la troi­sième en ordre d’importance après le chris­tia­nisme et l’islam.

Elle est déjà pour cer­tains une voie de salut, pour d’autres une énigme, et pour un grand nombre un défi.

REPÈRES
Le boud­dhisme chi­nois compte plus de 13 000 temples, dont plus de 9 000 pour la seule natio­na­li­té Han, qui forme le corps prin­ci­pal de la nation chi­noise, avec un effec­tif de plus de 70 000 moines et moniales.
Signe encore plus cer­tain de la renais­sance boud­dhiste, la réou­ver­ture ou la créa­tion de plu­sieurs ins­ti­tuts d’études bouddhiques.

Une redécouverte

Le boud­dhisme béné­fi­cie de cré­dits sub­stan­tiels de l’État

Avec l’émergence de la Chine comme nou­velle puis­sance éco­no­mique, et le bas­cu­le­ment pro­gres­sif du centre de gra­vi­té géo­po­li­tique de l’Europe vers l’Asie, le boud­dhisme chi­nois est deve­nu une des ques­tions qui nous inter­pellent le plus, grâce au poten­tiel d’énergie spi­ri­tuelle qu’il repré­sente pour la paix mondiale.

Englou­ti dans les eaux tumul­tueuses de la Révo­lu­tion cultu­relle, il était réduit jusqu’à ces der­nières années à un sou­ve­nir, celui d’une civi­li­sa­tion dis­pa­rue. Les tou­ristes le redé­couvrent en même temps qu’ils découvrent une Chine à nou­veau fière de son patri­moine cultu­rel, dont le boud­dhisme est inséparable.

L’aide de l’État

Le renou­veau du boud­dhisme chi­nois n’est natu­rel­le­ment pos­sible qu’avec l’aide et sous le contrôle du gou­ver­ne­ment. Il béné­fi­cie de cré­dits sub­stan­tiels des orga­nismes d’État, et les acti­vi­tés reli­gieuses ou autres qui s’y déroulent sont sou­mises, comme pour les autres reli­gions du pays, à l’approbation des autorités.

Ce renou­veau spec­ta­cu­laire en Chine montre que le gou­ver­ne­ment est lui-même inté­res­sé au pro­grès de cette reli­gion qui a joué autre­fois un rôle déci­sif dans l’histoire et la civi­li­sa­tion chinoises.

Il a besoin de l’assistance des grandes reli­gions, et en par­ti­cu­lier du boud­dhisme, pour assu­rer l’unité et la sta­bi­li­té du pays, éle­ver le niveau moral de la popu­la­tion, pro­mou­voir l’harmonie sociale et contri­buer à la paix.

L’enseignement supé­rieur
L’avenir du boud­dhisme dans la Chine en voie de moder­ni­sa­tion dépend étroi­te­ment de la for­ma­tion d’une élite intel­lec­tuelle et d’un cler­gé ayant une vie spi­ri­tuelle pro­fonde jointe à un haut niveau d’instruction. Les diri­geants boud­dhistes font donc por­ter leurs efforts sur l’enseignement supé­rieur. Une bonne ving­taine d’instituts d’études supé­rieures boud­dhistes fonc­tionnent à tra­vers le pays, le prin­ci­pal étant l’Institut boud­dhiste de Chine, rou­vert à Bei­jing en 1980.
De ces éta­blis­se­ments sont déjà sor­ties plu­sieurs pro­mo­tions d’étudiants ayant une connais­sance appro­fon­die de leur reli­gion et des sciences modernes, capables de contri­buer à la pro­pa­ga­tion du boud­dhisme et à son inté­gra­tion dyna­mique dans la socié­té socia­liste chi­noise du XXIe siècle.

Une religion venue de l’Inde

Tout au long de son his­toire, le boud­dhisme chi­nois, venu de l’Inde, a fait preuve d’une extra­or­di­naire capa­ci­té d’adaptation et d’une flexi­bi­li­té doc­tri­nale qui lui ont per­mis de rele­ver le défi d’une incul­tu­ra­tion à pre­mière vue impossible.

Un pro­jet qui inté­resse tous les hommes de bonne volonté

Non seule­ment la tra­duc­tion des sutras indiens en chi­nois posait un pro­blème d’une dif­fi­cul­té majeure, mais la culture que ces textes véhi­cu­laient s’opposait sur des points fon­da­men­taux à la men­ta­li­té chi­noise (céli­bat, sens aigu de la souf­france, indé­pen­dance de ses lois et de ses ins­ti­tu­tions, etc.).

Grâce à sa sou­plesse intel­lec­tuelle, et à de nom­breuses cir­cons­tances favo­rables, le boud­dhisme réus­sit non seule­ment à obte­nir droit de cité en Chine, mais aus­si à influen­cer à son tour pro­fon­dé­ment la culture de son pays d’adoption, au point d’en deve­nir une com­po­sante orga­nique inséparable.

Une règle de vie

À bien des égards, le boud­dhisme chi­nois moderne doit rele­ver un défi sem­blable à celui des pre­miers siècles de son intro­duc­tion en Chine. Il lui faut s’adapter aux nou­velles condi­tions de la socié­té, tout en res­tant fon­ciè­re­ment lui-même, et contri­buer au pro­jet de moder­ni­sa­tion du pays, à la fois par la dif­fu­sion de sa doc­trine et de sa morale, et par des réa­li­sa­tions sociales qui mani­festent son effi­ca­ci­té comme reli­gion de salut de l’homme.

Un pro­gramme clai­re­ment expri­mé par l’un des prin­ci­paux lea­ders du San­gha (com­mu­nau­té spi­ri­tuelle des boud­dhistes) : « [Au cours du] XXIe siècle, comme au cours de son pas­sé glo­rieux, le boud­dhisme conti­nue­ra à mettre au ser­vice des hommes les res­sources édu­ca­tives qui lui sont propres. Sa riche doc­trine et sa règle de vie détaillée auront une influence posi­tive pour éli­mi­ner les nom­breux fléaux de la socié­té actuelle, puri­fier le cli­mat social, édi­fier une foi humaine, pro­té­ger l’équilibre éco­lo­gique, ain­si que dans d’autres domaines. »

Christian Cochini avec le Vén. Xuecheng, abbé du temple Longquan à Beijing
Chris­tian Cochi­ni avec le Vén. Xue­cheng, abbé du temple Longquan
à Bei­jing et vice-pré­sident de l’Association boud­dhiste de Chine.

Un idéal humaniste

Jadis accu­sé de négli­ger les réa­li­tés ter­restres et de prê­cher une doc­trine de pas­si­vi­té et de rési­gna­tion, le boud­dhisme chi­nois s’affirme de nos jours comme un idéal huma­niste répon­dant aux besoins pres­sants d’une socié­té en crise et en pleine transformation.

Inté­gra­tion réussie
Lors du troi­sième Forum mon­dial du boud­dhisme, tenu à Hong Kong en avril 2012, Jia Qin­glin, pré­sident de la com­mis­sion natio­nale de la Confé­rence poli­tique consul­ta­tive du peuple de Chine, décla­rait : « Occu­pant une place-clé dans le déve­lop­pe­ment des civi­li­sa­tions et cultures humaines de nom­breux pays, le boud­dhisme est deve­nu une par­tie impor­tante de la tra­di­tion chi­noise depuis son intro­duc­tion en Chine et son inté­gra­tion avec la culture chinoise. »

Il répond ain­si à l’appel révo­lu­tion­naire du célèbre moine Tai Xu (1890−1947), qui fut le pre­mier à son­ner l’alarme, aver­tis­sant ses core­li­gion­naires qu’il était urgent de trans­for­mer le boud­dhisme si on vou­lait qu’il sur­vive dans le monde moderne.

D’une spi­ri­tua­li­té exclu­si­ve­ment tour­née vers l’au-delà, il fal­lait pas­ser à une spi­ri­tua­li­té enga­gée dans l’édification d’une « Terre pure » sur cette Terre. Le boud­dhisme chi­nois moderne est ain­si deve­nu, après Tai Xu, un « boud­dhisme huma­niste », réso­lu­ment enga­gé dans un pro­jet qui inté­resse tous les hommes de bonne volon­té concer­nés par les immenses défis cultu­rels, éco­no­miques, éco­lo­giques et autres qu’affronte notre planète.

Un espoir persévérant

Le mot « dia­logue » est désor­mais le maître mot des rela­tions humaines. C’est, pour ain­si dire, un nou­vel âge de l’humanité qui s’ouvre, la chance ultime des hommes pour leur sur­vie dans la paix et l’harmonie. Le dia­logue avec le boud­dhisme, et en par­ti­cu­lier le boud­dhisme chi­nois, est un pari sur l’avenir qui pour­ra être gagné grâce à une grande ouver­ture d’esprit et de cœur, et l’espoir per­sé­vé­rant de bâtir ensemble un meilleur monde.œ

Commentaire

Ajouter un commentaire

Baras­ton Henryrépondre
15 mai 2013 à 9 h 15 min

Et le Boud­dhisme Tibétain ?

Bon­jour, On peut lire entre les lignes de cet article que le Boud­dhisme est bien uti­li­sé par le régime en place à des fins poli­tiques, ce qui n’en­lève rien aux apports spi­ri­tuels du Boud­dhisme. Rien de sur­pre­nant de la part du régime socia­liste Chinois.


Ce que je trouve plus sur­pre­nant c’est que La Jaune et la Rouge passe tota­le­ment sous silence le com­por­te­ment inac­cep­table de la Chine au Tibet et en par­ti­cu­lier l’a­char­ne­ment qu’elle exerce sur les moines Boud­dhistes tibé­tains. Emi­nente ins­tance Fran­çaise, Poly­tech­nique ne devrait-elle pas por­ter les droits de l’homme dans ses valeurs ? Ou bien Poly­tech­nique est-elle assu­jet­tie tota­le­ment aux puis­sances indus­trielles qui ne rêvent, à juste titre, que de péné­trer le mar­ché chi­nois ? Dans ce cas, pour­quoi faire une article sur le Boud­dhisme en Chine ?


Cor­dia­le­ment, Hen­ry Baras­ton Nice

Répondre