Le réseau électrique au cœur de la transition énergétique
Le réseau électrique doit évoluer et innover pour satisfaire à sa mission qui est d’assurer à tous ses clients un accès à une alimentation électrique satisfaisante. A la production localisée de grosses unités s’ajoute progressivement celle d’une multitude de sources locales intermittentes et parfois aléatoires.
L’efficacité des mesures de maîtrise de la demande d’énergie, le développement des énergies renouvelables décentralisées, auxquels viendront sans doute s’ajouter la montée de l’autoconsommation et le stockage, conduisent à un questionnement accru de la valeur apportée par les réseaux de transport et de distribution d’électricité.
REPÈRES
La mission fondamentale de RTE, Réseau de transport d’électricité, est d’assurer à tous ses clients l’accès à une alimentation électrique économique, sûre et propre. À cet effet, RTE exploite, maintient et développe le réseau à haute et très haute tension. Il est le garant du bon fonctionnement et de la sûreté du système électrique.
RTE achemine l’électricité entre les fournisseurs d’électricité (français et européens) et les consommateurs, qu’ils soient distributeurs d’électricité ou industriels directement raccordés au réseau de transport.
105 000 km de lignes comprises entre 63 000 et 400 000 volts et 50 lignes transfrontalières connectent le réseau français à 33 pays européens, offrant ainsi des opportunités d’échanges d’électricité essentiels pour l’optimisation économique du système électrique.
UN PARTENARIAT ÉTROIT AVEC LES TERRITOIRES
50 lignes transfrontalières connectent le réseau français à 33 pays européens.
© JONATHAN STUTZ / FOTOLIA.COM
Historiquement, le développement des réseaux répond à une préoccupation de solidarité entre les territoires : les réseaux permettent le rapprochement de la production et de la consommation, notamment lorsque des déséquilibres existent entre les territoires à la consommation plus forte et ceux où sont localisés des moyens de production.
Dans le système électrique qui se dessine aujourd’hui, les centrales thermiques de taille importante laissent place à des ressources plus réparties sur le territoire. Les réseaux demeurent toutefois un vecteur de solidarité entre des régions aux ressources disparates.
Ainsi, les capacités de production éolienne installées dans la région Hauts-de-France se montaient à fin décembre 2016 à près de 3 GW, sur un total de 12 GW en France, alors qu’elles étaient inférieures à 50 MW en Île-de-France ou en Provence-Alpes-Côte d’Azur.
DES INVESTISSEMENTS CONSÉQUENTS POUR ACCUEILLIR LES ÉNERGIES RENOUVELABLES
En conséquence, les gestionnaires de réseau s’impliquent pour accompagner les territoires dans leur transition énergétique : plus de deux milliards d’euros auront par exemple été investis par RTE sur la décennie 2013–2022 en vue d’augmenter la capacité d’accueil des énergies renouvelables de 27 GW.
“ Les réseaux sont un vecteur de solidarité entre des régions aux ressources disparates ”
Méthodes et processus sont également adaptés pour apporter des réponses originales et efficaces aux attentes de la collectivité : on peut citer les Schémas régionaux de raccordement au réseau des énergies renouvelables (S3REnR), véritables outils d’aménagement d’un territoire en pleine transition énergétique.
Élaboré par RTE et les gestionnaires de réseaux de distribution, ce dispositif vise à anticiper, planifier et optimiser le développement du réseau, sur la base des objectifs fixés dans les schémas régionaux (Schémas régionaux climat air énergie aujourd’hui ; Schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité du territoire demain).
Les S3REnR sont pensés et construits en collaboration avec l’ensemble des parties prenantes locales : les fédérations de producteurs, la région, la chambre de commerce et d’industrie, les populations.
UN RÔLE ASSURANTIEL DE PLUS EN PLUS MARQUÉ
Traditionnellement, les flux observés sur le réseau de transport alimentaient clients industriels et réseaux de distribution depuis des moyens de production de taille importante.
“ Les réseaux permettent le foisonnement des phénomènes aléatoires ”
Avec le développement de la production décentralisée, l’autoconsommation, et les économies d’énergie, on observe une diminution de ces flux, en moyenne.
Toutefois, les réseaux sont toujours aussi indispensables. D’une part, ils conservent plus que jamais une fonction assurantielle de secours et de solidarité énergétique entre territoires : lorsque les énergies renouvelables produisent peu relativement à la consommation locale, la sécurité d’alimentation repose sur les réseaux qui doivent mettre à disposition une capacité suffisante : en cas de fort développement des énergies renouvelables à une maille locale, la volatilité des flux observés sur les réseaux s’accroît, pour une pointe de consommation qui reste stable.
D’autre part, de nouveaux flux apparaissent, lorsque les trop-pleins d’énergie produite localement sont évacués depuis les réseaux de distribution vers le réseau de transport. La fonction classique d’acheminement de volumes d’énergie depuis des zones de production vers des zones de consommation laisse progressivement la place à un rôle assurantiel d’alimentation de la consommation qu’il y ait ou non de la production locale.
UN RÔLE D’OPTIMISATION DU SYSTÈME ACCRU
Foisonnement de la production photovoltaïque durant une journée type pour une installation seule, une région et la France. La production à chaque maille est rapportée à la production maximale à cette maille durant la journée.
SOURCE : PANORAMA DES ÉNERGIES RENOUVELABLES 2015
RTE est le garant du bon fonctionnement du système électrique. Pour cela, RTE s’assure de maintenir à chaque instant l’équilibre entre la consommation et la production d’électricité, y compris en cas d’aléas (panne soudaine d’une centrale de production, variabilité de la production d’énergies renouvelables…). Cet équilibre se fait à la maille nationale.
Les réseaux, en reliant de nombreuses installations de production et de consommation, permettent le foisonnement des phénomènes aléatoires : la consommation agrégée à l’échelle de la France présente des variations relatives plus faibles, et une prévisibilité plus aisée que la consommation isolée d’un poste industriel ou résidentiel.
C’est également le cas de la production des énergies renouvelables, dont la gestion est plus aisée lorsque l’on passe de la maille locale à la maille régionale, puis à la maille nationale et européenne. Le graphique ci-contre illustre cet effet : au cours d’une journée type, la production d’une installation photovoltaïque isolée présente des variations relatives beaucoup plus importantes que la production à l’échelle régionale ou nationale.
UNE MOBILISATION DE L’ENSEMBLE DES LEVIERS…
L’optimisation du fonctionnement du système électrique à la maille nationale nécessite la mobilisation de l’ensemble des leviers de flexibilité disponibles, quel que soit le niveau de tension auquel ils se situent : consommateurs actifs acceptant d’effacer ou de différer leur consommation, énergies renouvelables fournissant des services pour l’opération du système…
RTE propose des évolutions des règles de marché, établies en concertation avec les acteurs et soumises à l’approbation de la Commission de régulation de l’énergie, pour faciliter la participation des énergies renouvelables à l’optimisation du système électrique, sur le modèle de ce qui a été fait pour les effacements de consommation (souplesses d’agrégation, modalités de certification adaptées, programmation, etc.).
… JUSQU’À L’ÉCHELLE EUROPÉENNE
Mutualisation et compensation des variations locales sont encore plus efficaces à l’échelle européenne : plus la zone est vaste, plus les ressources sont hétérogènes, plus la météo diffère, et plus les aléas foisonnent.
Les infrastructures physiques d’interconnexion existant entre les différents pays européens, ainsi que les plateformes d’échange auxquelles elles servent de support, permettent d’absorber pics de production solaire et aléas de la production éolienne, tout en assurant à moindre coût la sécurité d’approvisionnement à l’échelle européenne.
Ces échanges permettent également aux acteurs, qui contribuent à l’équilibre national ou européen, d’accéder à de nouvelles opportunités de valorisation de leurs flexibilités. À titre d’exemple, lors des pics de production des énergies renouvelables en Allemagne, l’énergie produite est évacuée vers la France ; lorsque la production des énergies renouvelables est plus faible, l’énergie importée depuis la France contribue à la sécurité d’alimentation de l’Allemagne.
DES PERTES MAÎTRISÉES
LE DYNAMIC LINE RATING
Le Dynamic Line Rating constitue un autre exemple de technologie déployée sur le réseau de transport. Lorsqu’une ligne transporte beaucoup d’électricité, elle s’échauffe et se rapproche du sol, ce qui limite en pratique le flux pouvant transiter sur cette ligne. Lorsque le vent souffle, il contribue au refroidissement de la ligne, ce qui permet de faire transiter davantage d’énergie. RTE installe des capteurs innovants qui mesurent en temps réel le refroidissement opéré par le vent sur la ligne électrique.
En couplant ces capteurs à des données météorologiques et à des outils logiciels d’analyse, il est possible d’exploiter les capacités de l’infrastructure au plus près des limites de fonctionnement, en particulier lorsque le vent souffle et que les infrastructures sont sollicitées pour l’évacuation de la production des éoliennes.
L’optimisation du fonctionnement du système électrique par des échanges à la maille régionale, nationale, ou européenne, a un coût. Lorsque l’énergie circule sur les réseaux de transport et de distribution, différents phénomènes physiques sont à l’origine de déperditions énergétiques, par exemple sous forme de chaleur (effet Joule).
L’existence d’un réseau suffisamment maillé, le réglage de la tension et le choix de matériaux adaptés permettent toutefois de limiter ces pertes à des taux de l’ordre de 2 % de l’énergie injectée pour le réseau de transport, et de 6 % de l’énergie injectée pour les réseaux de distribution.
La maîtrise des volumes de pertes s’inscrit dans une optimisation globale du développement et de l’exploitation du réseau public de transport : les pertes induites par le fonctionnement du réseau sont par exemple prises en compte dans les décisions d’investissement.
DES RÉSEAUX COUPLANT INFRASTRUCTURES PHYSIQUE ET NUMÉRIQUE
Face à l’émergence de flux et de contraintes plus variables et moins prévisibles, le développement d’infrastructure de réseau ne constitue pas une panacée.
Dispatcheur à son poste dans un centre de conduite du réseau.
© COLOMBEL VANESSA / RTE / 2012
Pour tirer le meilleur parti du réseau existant et réussir à moindre coût la transition énergétique, les gestionnaires de réseau élargissent leur palette de solutions : capteurs de mesure et outils de traitement des données ou de modélisation permettant un pilotage plus fin des flux, déploiement d’automates permettant d’agir rapidement en cas d’incident.
Ces solutions sont d’ores et déjà déployées sur le réseau de transport. Le poste électrique de Blocaux, mis en service en 2016 dans la Somme, est représentatif des postes « Nouvelle Génération » qui seront déployés sur le territoire dans la décennie à venir. Grâce à l’intégration des dernières technologies numériques, ces postes reçoivent, traitent et transmettent un ensemble d’informations, afin d’ajuster en temps réel la configuration du réseau aux besoins.
Le développement d’un réseau couplant infrastructures électriques et numériques renforce l’adaptabilité et la résilience du système électrique à des configurations inédites liées à la transition énergétique.
“ Pour réussir à moindre coût la transition énergétique, les gestionnaires de réseau élargissent leur palette de solutions ”
L’activation optimisée de l’ensemble des flexibilités permettant d’assurer le bon fonctionnement du système électrique est rendue possible par la capacité à mesurer en permanence les performances et les flux, à exploiter ces données pour établir des modèles de prévision les plus fiables possible, et à transmettre des consignes pour mobiliser rapidement les flexibilités les plus efficaces pour résoudre les contraintes observées ou anticipées.
À infrastructure égale, on estime que ces technologies permettent d’accueillir jusqu’à 30 % d’énergie supplémentaire produite par les énergies renouvelables.
ANTICIPER LE RÉSEAU DE DEMAIN
Au-delà des technologies déployées aujourd’hui sur les réseaux, des évolutions radicales sont également engagées pour raccorder de nouvelles filières. Le réseau de demain, en se développant vers la mer, donnera accès à de nouvelles sources d’énergies renouvelables : éolien offshore, flottant, hydrolien.
Pour tirer le meilleur parti du réseau existant les gestionnaires de réseau déploient des automates permettant d’agir rapidement en cas d’incident.
© FOVIVAFOTO / FOTOLIA.COM
Le projet RINGO vise quant à lui le déploiement d’équipements composés de technologies de stockage et de logiciels, qui seront utilisés pour créer une « ligne virtuelle » permettant de résorber les congestions intermittentes sur le réseau sans avoir à construire de ligne physique.
“ Des évolutions radicales sont engagées pour raccorder de nouvelles filières ”
L’accueil de larges quantités d’énergies renouvelables impose par ailleurs de penser différemment l’ensemble du système électrique. RTE anticipe ces évolutions en mobilisant sa R & D sur des projets pilotes, locaux et européens. C’est par exemple le cas du projet européen MIGRATE, qui a pour but d’analyser l’impact de la pénétration croissante d’énergies renouvelables raccordées via de l’électronique de puissance sur la stabilité du système, et de développer de nouvelles lois de commande.
Ces travaux d’anticipation permettront de franchir les seuils théoriques de pénétration des énergies renouvelables admis aujourd’hui.