Le réseau, nouvelle approche du conseil en innovation
L’innovation donne aussi matière à conseil. Rechercher l’innovation impose une vision la plus large possible.
Sans aller jusqu’aux grands réseaux à l’américaine, impliquant universités, chercheurs et industriels, une solution efficace consiste à créer un réseau associant grands groupes et jeunes entreprises innovantes.
Plusieurs expériences pratiques éclairent cette approche.
CRÉATION DE l’Agence de l’innovation industrielle, Recherche contre Innovation au Centre des forums des chercheurs, création des Pôles de compétitivité, l’innovation est un sujet important dans les débats politiques et médiatiques de l’époque. Dans la sphère économique, cette préoccupation s’est depuis longtemps transformée en urgence. Toutes les firmes ont développé, de manière naturelle mais parfois intuitive, leur propre culture, politique et système de gestion de l’innovation. Car l’innovation n’est pas seulement à l’origine de la création d’entreprises et de leur renouveau (Apple, son iPod et désormais son iTunes Music Store) mais plus simplement de leur développement quotidien. La plupart des entreprises innovent « comme on respire », sans y penser. Certaines toussent voire nécessitent une greffe ou une respiration sous assistance pour les plus « malades ». L’innovation est ainsi un sujet essentiel avec le risque de devenir un lieu commun.
Mais différents bouleversements profonds (mondialisation, révolution numérique, volatilité et éducation des consommateurs) nous poussent à abandonner cette conception de l’innovation en tant qu’activité naturelle et aléatoire. Le temps nous manque. Nous ne pouvons plus attendre l’innovation tel le messie, avec un mélange d’espoir et de fatalisme. Nous nous devons, désormais, d’aller à sa rencontre. L’innovation doit devenir un processus et se dérouler de façon continue, à un rythme soutenu. Ses fruits doivent être nombreux et se développer aussi rapidement qu’harmonieusement. Un des moyens dont disposent les entreprises pour s’en assurer est le recours à un cabinet de conseil en innovation. Sa vocation est de structurer la démarche d’innovation, de la comparer aux meilleures pratiques, de l’adapter à la culture propre à chaque société, de l’aligner sur les axes stratégiques de la firme, d’analyser et accompagner les projets d’offres innovantes et d’en communiquer ses objectifs en interne et en externe.
Élargir sa vision de l’innovation
Le conseil en innovation peut en particulier aider les entreprises à regarder « hors les murs » et à envisager l’innovation dans une approche en réseau. En effet, dans le traitement interne de l’innovation, les travaux de la R & D se focalisent essentiellement sur les produits « maison » afin d’en améliorer l’efficience, le rapport efficacité-caractéristiques (exemple nombre de fonctionnalités-dimensions, fiabilité-consommation énergétique etc.) pour répondre à des besoins « connus ». Il est beaucoup plus rare de chercher, par exemple, une application pratique à une avancée technologique totalement extérieure à l’entreprise. Réponse à un besoin identifié du marché (« market pull ») ou résultat de l’application d’une nouvelle technologie (« techno push »), le processus d’innovations reste limité à la vision de la firme.
Le succès des grands « clusters » américains, qui rapprochent universités, chercheurs, industriels et jeunes entreprises innovantes, a pourtant prouvé que la rencontre et la collaboration d’acteurs de natures différentes favorisent la création de valeur scientifique, technologique et économique. Une des associations les plus riches est vraisemblablement celle établie entre de grands groupes et de jeunes entreprises innovantes. Les premières ont la maîtrise du temps et de l’argent. Les secondes ont le dynamisme de petites structures dédiées à la réussite d’une découverte technologique.
Toutes les « start-up » se caractérisent par la certitude de ses fondateurs de la rencontre d’un marché avec une nouvelle offre et indiquent une faille éventuelle de la technologie ou du marché. Leur existence est, en soi, un signal fort pour les entreprises désireuses d’intégrer de nouveaux éléments, moins chers, plus performants, parfois encore inexplorés. Pour les start-up, l’accès aux grandes sociétés est souvent l’étape obligée vers un développement autonome : leurs circuits de distribution et la taille de leurs besoins représentent une manne pour une petite entreprise. Cette collaboration évidente reste pourtant insuffisamment étudiée.
À titre d’illustration, nous emprunterons quelques exemples aux réalisations de la Société « faberNovel », créée en 2003 qui a développé le modèle d’une plate-forme dédiée à l’innovation plutôt que celui d’un cabinet d’experts focalisés sur une thématique sectorielle ou fonctionnelle.
faberNovel a ainsi conçu des projets innovants faisant travailler ensemble une ou plusieurs start-up pour de grands comptes, tant pour consolider la croissance des sociétés que pour aider au redéploiement d’entreprises en manque « d’oxygène de l’innovation ».
L’innovation en réseau, pour conserver son leadership
Chez l’opérateur de transport urbain Transdev, une première mission de conseil stratégique a mis en évidence que l’information voyageur et la billettique sont de plus en plus critiques et que les nouveaux compétiteurs se concentrent sur ces points clefs : équipementiers, SSII, mobilier urbain,… Il fut recommandé à l’opérateur de Transports Collectifs d’utiliser le téléphone mobile pour permettre de se réapproprier les aspects les plus innovants de son métier.
À partir de ces analyses préliminaires, faberNovel a mis en oeuvre, en tant qu’assistant à maître d’ouvrage, plusieurs applications de « mobilité » impliquant la coordination d’un réseau de six sociétés : quatre grandes qu’on ne présente plus (Caisse Des Dépôts Développement, Transdev, FTR & D et Orange) et deux start-up : Mobivillage pour la maîtrise d’oeuvre des interfaces WAP et la réalisation du cahier des charges fonctionnel, Net Advanced pour les développements. Le résultat de cette « mise en réseau » est par exemple l’application Alticket. Il s’agit d’une solution billettique mobile qui permet l’achat d’un billet de bus virtuel sur le WEB ou le WAP (paiement sécurisé), sa réception « virtuelle » sur le téléphone mobile sous la forme de l’image d’un code-barres crypté qui supporte toutes les informations nécessaires. Le code-barres à deux dimensions dont est muni l’Alticket n’est pas une référence à un dossier client dans une base de données ; il s’agit d’un véritable substitut au billet papier. Ce dispositif est en place pour les cars à destination des stations de ski des Trois-Vallées.
L’innovation en réseau, outil d’une renaissance
Le partenariat Sofema Groupe/AVI est un second exemple de partenariat « entreprise établie » – « start-up ». Sofema Groupe fournit depuis plus de soixante-dix ans des services de conseil pour l’exportation et des investissements en aéronautique, défense, aviation civile, et infrastructures. Avec un chiffre d’affaire de plusieurs dizaines de millions d’euros, la société a pourtant besoin d’innovations majeures pour faire face à l’essoufflement de ses métiers traditionnels et suivre la mondialisation de ses entreprises clientes. Sofema se rapproche ainsi de la Société AirshipVision (AVI), start-up dont l’objectif est de développer et de proposer des prestations de services autour de dirigeables. Entourées d’un léger parfum de rétro innovation, ces plates-formes sont en fait extrêmement modernes et complexes : gonflage hélium, avionique de pointe, alimentation électrique par panneaux solaires souples.
Le partenariat ainsi établi entre ces deux entreprises, si différentes, permet à Sofema de redéployer son offre « sécurité » classique autour de cette nouvelle catégorie de drone, et offre même une plate-forme permettant de s’ouvrir à de nouveaux partenaires, start-up ou grandes entreprises, fournisseurs de caméras, de radars, de senseurs et divers équipements de mission.
L’innovation en réseau, en phase de croissance
Futura, propriétaire d’un réseau de grande informatique (enseigne NOZ), a connu ces dix dernières années une croissance exponentielle avec plus de 120 magasins et plus de 1 200 salariés. Pour pérenniser ce développement, la société s’interroge sur les meilleurs moyens de motiver ses salariés.
En vue de générer une innovation à l’interface, faberNovel lui propose un partenariat avec la start-up I nova, éditeur de logiciel pour le management de l’innovation, afin de mettre en place un « Système de management des idées et des initiatives ».
I‑nova développe d’une solution dédiée à la distribution sur la base de son logiciel propriétaire. faberNovel réalise l’ensemble de l’assistance à maîtrise d’ouvrage avec en particulier la mise en place d’une méthodologie d’organisation et de gestion des idées. L’ensemble des employés peut ainsi toucher du doigt la nouvelle vision stratégique ainsi que sa déclinaison organisationnelle et pratique.
Etre le chaînon manquant capable de se substituer aux défaillances de l’activité d’innovation d’une entreprise sur ses différents points de réseau est sans doute le meilleur apport d’un consultant en innovation à son client : organisation et gestion de l’innovation, identification de partenaires, conduite du changement par et pour l’innovation, conduite de projets d’offres innovantes, veille et prospective, travail sur l’efficacité de la R & D interne.
Cependant, l’objectif n’est pas de développer au sein de l’organisation une simple compétence technique, qui deviendra d’ailleurs rapidement obsolète. Le but est l’apparition d’une compétence réseau afin d’accélérer et d’améliorer le processus d’innovation : savoir identifier et coordonner des ressources et des partenaires clefs tout au long d’un projet novateur.
La constitution d’un réseau d’innovation est une réponse durable et efficace aux besoins de développement de projets d’offres nouvelles. Cette organisation doit favoriser les relations externes par l’exploration de nouvelles applications expérimentées à plusieurs. D’autres pistes de collaboration peuvent être mises à profit : la recherche publique, les entreprises de même taille présentant des préoccupations analogues, les communautés de compétences internes, le dernier élément du maillage, les clusters à la française, les désormais fameux pôles de compétitivité.