Le rêve américain
Depuis que les polytechniciens ont la possibilité de poursuivre leur formation à l’étranger, les États-Unis sont de loin leur destination favorite. Si cette préférence s’explique facilement par la position scientifique et technique américaine dans le monde, tout n’est pas parfaitement stratégique dans les choix des X.
En effet, les polytechniciens ont le coup de foudre pour l’université de Stanford : dix X 97 s’y trouvaient l’an dernier (le MIT, en deuxième position, n’en a accueilli que sept) et dix-sept X 98 s’y sont précipités à la rentrée 2001 (neuf pour le MIT, toujours en deuxième position).
Au total, depuis l’ouverture internationale de Polytechnique, près de la moitié des X qui sont partis à l’étranger, tous pays confondus, ont choisi Stanford. On ne peut que se réjouir qu’autant d’entre eux intègrent cette excellente université. Mais l’École polytechnique espère bien voir augmenter le nombre d’élèves partant à l’étranger, et Stanford n’accueillera pas tout le monde !
En fait, avant de partir, les élèves doivent tenir compte de deux critères : la qualité de la formation et le nombre de places disponibles. Pour la qualité de la formation, le classement des meilleures écoles d’ingénieurs (cf. p. 48) doit être beaucoup affiné. Un élève qui souhaite faire de l’aéronautique n’a pas intérêt à choisir Berkeley malgré la troisième place de cette université au classement général : ce n’est pas la spécialité de la maison. Restent alors beaucoup d’autres possibilités : le MIT, Ann Arbor, Stanford, Caltech et bien d’autres. Caltech est très en pointe dans le domaine de la propulsion. Les autres écoles sont meilleures sur d’autres aspects de l’aéronautique. À l’élève de trouver l’adéquation entre son projet personnel et la diversité des spécialisations offertes par les universités.
Mais il faut ensuite tenir compte du nombre de places. Objectivement, le MIT et Carnegie Mellon proposent des formations en informatique de niveau comparable. Les X se bousculent pourtant beaucoup moins à Carnegie Mellon qu’au MIT, dont le renom entraîne une concurrence particulièrement sévère en informatique.
Qualité de la formation et nombre de places sont donc à prendre en compte. D’autres critères, non négligeables, viennent ensuite : par exemple la proximité du monde de l’entreprise, l’existence ou non d’une thesis (microthèse) dans les masters, et le coût des études. En PhD (thèse), les étudiants ont systématiquement des bourses (fellowships) ou des postes d’assistants dans un laboratoire auprès d’un enseignant chercheur (research assistant). En master, en revanche, le financement est beaucoup moins systématique : une thesis permet un poste de research assistant, un master sans thesis peut aussi donner lieu à un financement mais ce n’est pas toujours le cas. L’avantage n’est peut-être pas perceptible dans les universités d’État où les études sont peu coûteuses, comme à Berkeley, mais il l’est beaucoup plus dans les universités privées comme le MIT ou Stanford.
À cet égard, le MIT, très orienté recherche, est beaucoup plus généreux que Stanford : actuellement au MIT, tous les X ont un financement. Mais à cette différence entre universités s’ajoute celle qui existe entre départements : certaines spécialisations sont plus propices que d’autres à un financement.
Pour conseiller les élèves dans leurs choix de quatrième année à l’étranger, la Direction de Polytechnique a établi une liste des universités les plus adaptées à leur formation.
Pour les États-Unis, outre le MIT, Stanford et Berkeley, ses préférences vont à Caltech, université de petite taille (2 000 étudiants), pépinière de prix Nobel, très spécialisée dans les sciences de l’ingénieur et les sciences dures.
Les vieilles universités de la côte Est, dont la réputation est bien installée, sont également recommandées : Columbia, notamment pour la finance, et Cornell, pour l’informatique ou la chimie. Sinon, Georgia Tech est la meilleure école américaine en génie industriel. Madison est une très bonne université dans l’ensemble des disciplines scientifiques. Chicago est réputée aussi bien pour la qualité de ses formations en physique et en maths que pour celles qui concernent l’économie. L’éventail est donc assez ouvert.
D’ailleurs, à en juger par les choix des X 99, la diversification des destinations s’amorce : en plus des universités où sont déjà partis des X 98 il y a quelques mois, il devrait y avoir l’an prochain des polytechniciens à Harvard, Princeton, Columbia, Georgia Tech et Caltech.
Témoignages
Jeremy Witzens, X 97, Caltech (génie électrique)
Caltech est une petite université (pour les standards américains) avec 700 undergraduates (étudiants de niveau inférieur ou égal à la maîtrise) et à peu près le même nombre de graduates (au-delà de la maîtrise). Contrairement à la totalité des autres universités, tous les graduates sont généralement payés dès le premier terme. Bref, c’est une petite université avec beaucoup de moyens. Le campus est très joli, très vert. C’est un environnement dédié à la recherche (presque plus qu’à l’enseignement).
Les conditions pour y faire une thèse sont excellentes : une énorme liberté dans le choix des sujets, et des ressources impressionnantes. Cette liberté a un prix : il faut être autonome et débrouillard. L’esprit d’entreprise est très développé et de nombreuses sociétés ont été créées par des étudiants ou des professeurs de Caltech. Enfin, il y a la Californie, avec mer, montagne et le soleil assuré. Je me balade toujours en chemise en février !
Caroline Allard, X 98, Berkeley (génie industriel)
Les matières scientifiques sont enseignées d’une manière bien plus pratique qu’en France et le côté théorique passe souvent au second plan. Ma principale motivation pour venir passer deux ans ici était le désir de me faire une expérience à l’étranger, sur le plan humain et sur le plan du travail.
La région de San Francisco et l’université de Berkeley forment un creuset culturel dans lequel il est très stimulant de se plonger. Les gens viennent ou reviennent des quatre coins du monde, peuvent être très cultivés, et sont particulièrement ouverts aux rencontres. La plupart des cours impliquent des travaux en équipe, ce qui permet de s’intégrer plus facilement et d’aborder les projets d’une manière nouvelle. Enfin la Californie est un État magnifique. Nous sommes à quelques heures en voiture des parcs nationaux, sans parler des plages.
Maxine Jonas, X 98, MIT (génie biologique)
Il y a, à mes yeux, deux motifs qui rendent la formation scolaire du MIT très différente de celle de l’X, et en même temps très bien assortie à elle : le premier est que l’objectif au MIT est de former des spécialistes, des experts, plutôt que d’offrir systématiquement une vue d’ensemble et des outils généraux (“ depth rather than breadth ” dit-on ici…). Le second est que l’éducation scientifique au MIT est très nettement axée sur l’appartenance à un laboratoire, sur la recherche, dont le statut est beaucoup plus mis en valeur qu’en France, et dont les débouchés attirent un très grand nombre d’étudiants.
Vincent Guibout, X 98, Ann Arbor (aéronautique)
Étant passionné d’aérospatiale, j’ai très vite choisi les États-Unis. Ann Arbor s’est imposée car j’y suis allé en stage de fin d’études et j’ai adoré cette ville. Elle m’a plu aussi bien pour sa qualité de vie que pour l’université elle-même, qui m’a beaucoup impressionné notamment par l’importance des moyens mis en place pour permettre aux étudiants de travailler dans de bonnes conditions : la bibliothèque est gigantesque, les professeurs sont à la disposition des élèves, le service informatique est excellent…
Je fais actuellement de la recherche pour un professeur. Cette possibilité de faire de la recherche à côté des études est ce que j’apprécie le plus. Ce n’est pas un petit projet bien encadré comme en France mais une recherche de deux ans. La mienne est financée par la NASA, avec des applications bien réelles.
Franck Guo, X 98, Stanford (génie électrique)
Les cours sont de très haut niveau. Les professeurs sont en général parmi les meilleurs chercheurs du monde dans leur domaine, ce qui est extrêmement important pour les élèves qui veulent travailler dans les secteurs évoluant rapidement, par exemple en electrical engineering ou en computer science. Les industriels sont très présents autour de Stanford : l’enseignement est très appliqué, ce qui peut décevoir les élèves qui auraient envie de faire de la recherche fondamentale.
Mais pour devenir ingénieur, un master ou un PhD à Stanford me semblent être un excellent choix après la formation reçue à l’X. Attention par contre au contrecoup en arrivant ici : on est beaucoup moins chouchouté qu’à Polytechnique. À Stanford, beaucoup plus que dans certaines autres universités (Caltech par exemple), le financement est un problème crucial. La compétition est rude pour obtenir une place d’assistant de recherche ou d’enseignement.