Le rhum
Le rhum est une eau-de-vie obtenue par la distillation de liquides fermentés provenant de la canne à sucre. En France, on associe le rhum aux Antilles, ce qui n’est pas faux, surtout si on prend les Antilles au sens large en y incluant par exemple Cuba, mais la réalité est plus complexe. On fait beaucoup de rhum au Venezuela, au Mexique et au Brésil (sous le nom de cachaça). Le rhum le plus vendu au monde (Bacardi) est distillé à Puerto Rico et le second producteur mondial est brésilien.
À l’origine, la canne à sucre n’est pas une plante du Nouveau Monde, elle est native de la Chine et de l’Inde. Au XVe siècle, elle était cultivée dans les îles de l’Atlantique (notamment les Canaries). C’est de là qu’elle partira, à l’occasion d’une escale de Christophe Colomb, vers les Amériques. Elle s’y adaptera parfaitement. Bientôt, les Espagnols et les Portugais, rapidement suivis des Anglais et des Français, créeront de vastes plantation pour exporter vers l’Europe du sucre et de la mélasse, qui étaient à l’époque des produits de grand luxe. Très vite, on s’apercevra de la possibilité d’obtenir à partir de la mélasse une boisson fermentée pouvant servir de matière première pour distiller un alcool : le rhum était né.
Une histoire colorée
Le rhum a commencé par être une boisson destinée aux esclaves noirs et aux pirates. Au XVIIe et surtout au XVIIIe siècle, le rhum prendra quand même un peu de galon : la Royal Navy décidera d’en distribuer une ration quotidienne à ses marins, pour l’ajouter à l’eau qui devenait imbuvable après quelques semaines de navigation. L’amiral Penn, baptisé “ old grog ” par ses hommes car il portait toujours des vêtements d’un tissu assez rude appelé “ grogram ”, créera le premier cocktail au rhum grog en décidant de servir aux marins le rhum additionné d’eau et de jus de citron (pour lutter contre le scorbut).
Entre-temps, la fabrication du rhum commençait à progresser. En 1694 arrivait aux Antilles un homme qui allait grandement en améliorer les techniques de distillation : le père Labat. Il fit de cet alcool le rhum que nous connaissons aujourd’hui. Le résultat fut que les exportations vers la métropole augmentèrent beaucoup, à un tel point que les producteurs d’eaux-de-vie français demandèrent à être protégés par des taxes à l’importation. Les dernières de ces taxes, instituées par Louis XIV, furent levées par Napoléon. L’Empereur avait besoin de beaucoup d’alcool pour le moral de ses troupes et pour ses ambulances de campagne…
Le XIXe siècle fut très favorable au rhum : l’invention de la colonne à distiller, succédant à l’alambic, permit de produire un rhum de qualité en plus grande quantité et à moindre coût. Surtout le “coup de chance” inouï du rhum (comme d’ailleurs du whisky écossais) fut l’apparition successive de l’oïdium et du phylloxéra en France qui, en tuant les vignes, diminuera pour de longues années la production de cognac et en fera un alcool très cher, au moment même où la consommation d’alcool par habitant augmentait, passant de 1,12 litre à 4,7 litres par an.
Au XXe siècle, le rhum sera un acteur majeur de la Première Guerre mondiale avant de souffrir de la prohibition américaine. Il s’est bien rattrapé depuis, puisque le rhum représente 10 % de la production mondiale d’alcool. Une grande partie du rhum consommé à travers le monde sert de base à des cocktails : ti-punch (Antilles françaises), daïquiri (Antilles, États-Unis), caïpirinhas (Brésil) et autres mojitos (Cuba).
Les différentes sortes de rhums
La grande majorité des rhums (90 %) se fait à partir de mélasse, les autres à partir de jus de canne à sucre fermentés. Ce dernier type de rhum est appelé dans les départements d’outre-mer “ rhum agricole ”. On ne fait plus guère de rhum agricole que dans les Antilles françaises et en Haïti.
Le rhum blanc est tel qu’il est sorti de l’alambic ou de la colonne à distiller, seulement légèrement rectifié pour en abaisser le niveau alcoolique. Il est conservé tel quel dans des cuves vitrifiées avant d’être mis en bouteille. Ce type de rhum est surtout destiné à servir de base aux cocktails.
Le rhum brun de qualité standard est en fait un rhum blanc auquel du sucre caramélisé a été ajouté pour lui donner une couleur et un goût différents. Ses versions standard sont utilisées dans la pâtisserie, les grogs ou les cocktails, alors que de bons rhums bruns de qualité supérieure peuvent aussi se déguster pour eux-mêmes.
Les rhums vieux sont des rhums bruns très légèrement ou pas du tout caramélisés qui ont passé plusieurs années (de trois à quinze ans) dans des fûts, qui leur ont donné une riche couleur brune, comparable à celle des grandes eaux-de-vie, comme le cognac ou l’armagnac. Certains sont millésimés.
Les bons rhums vieux sont de grands alcools à part entière, qui se dégustent en tant que tels. Ils développent des arômes de miel, de tabac et de fruits séchés qui en font un partenaire idéal du cigare.
Les meilleurs rhums français proviennent de la Martinique (une appellation d’origine contrôlée “ Rhum agricole de la Martinique ” vient d’être créée en novembre 1996). Les meilleures marques sont Bailly, Clément, Depaz, Dillon, Duquesne* et Saint-James.
La France est aussi présente sur le créneau des rhums non agricoles avec la société Pernod- Ricard qui a les droits exclusifs de distribution du rhum “Havana Club”, produit à Cuba. Elle commercialise en France le Silver Dry et le Havana Club trois ans, qui sont parfaits pour les cocktails ainsi que les Havana Club cinq ans et sept ans qui sont de très bons rhums de dégustation. Il existe enfin un excellent rhum agricole haïtien, le Barbancourt.
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* Aucune parenté avec le rédacteur en chef de cette revue.